Affectant jusqu’à 80 % des personnes, la lombalgie commune est un motif très fréquent de handicap. L’activité physique est son traitement de première intention, mais laquelle recommander ? Pour la première fois, un essai randomisé a montré l’efficacité de l’activité la plus simple et accessible : la marche.

La lombalgie commune, c’est-à-dire non associée à une pathologie sous-jacente, toucherait 4 personnes sur 5 au cours de leur vie, d’après l’Assurance maladie. Avec un risque élevé de récidive (environ 70 %) dans les 12 mois suivant un épisode, voire de chronicisation (épisode de plus de 3 mois), son retentissement sur la qualité de vie et l’activité professionnelle peut être important. Elle est, selon l’OMS, la principale cause d’invalidité dans le monde.

L’exercice physique en est le traitement principal (HAS, 2019), mais il n’existait pas jusqu’à présent d’essais randomisés évaluant spécifiquement l’efficacité d’un type d’activité qui soit simple et accessible (marche, vélo, nage…).

L’essai randomisé australien WalkBack est le premier à évaluer l’intérêt d’un programme personnalisé et progressif de marche dans la prévention des récidives de lombalgie aiguë. Ses résultats viennent de paraître dans le Lancet.

30 % moins de risque de récidives de lombalgie

L’étude, menée entre septembre 2019 et juin 2022, a recruté 701 personnes, majoritairement des femmes (81 %), d’âge moyen 54 ans, ne pratiquant pas d’activité physique selon les recommandations de l’OMS (> 150 min d’AP modérée ou intense par semaine), ni de marche (≥ 30 min trois fois/semaine ou plus), ni d’autre exercice pour la prévention de la lombalgie (comme le pilates). La chronicité de la lombalgie et la présence d’une comorbidité contre-indiquant la marche étaient des critères d’exclusion.

Les participants devaient avoir eu, dans les six mois précédant l’inclusion, au moins un épisode de lombalgie commune dont ils s’étaient remis  récemment (défini comme une lombalgie avec douleur évaluée à > 2/10 dans une échelle numérique, durant au moins 24 heures et avec un retentissement sur les activités quotidiennes) ; la rémission était définie comme 7 jours consécutifs ou plus sans douleur, et elle précédait l’inclusion de 20 (groupe intervention) à 21 jours (groupe contrôle) en moyenne. Le nombre total moyen d’épisodes précédents était de 33, et ceux-ci avaient duré 4 à 5 jours en moyenne. Les participants ont été aléatoirement répartis dans deux groupes pour recevoir soit l’intervention (N = 351) soit aucun traitement (groupe contrôle, N = 350). Ils étaient suivis sur une durée minimale de 12 mois et maximale de 36 mois.

L’intervention, qui se déroulait sur 6 mois, consistait en un programme de 6 séances d’éducation à la marche avec un kinésithérapeute. Celui-ci élaborait un programme avec des objectifs personnalisés et progressifs de marche que les participants devaient réaliser en indépendance, et assurait un suivi pour améliorer l’observance. L’objectif général était de marcher au moins 30 min cinq fois par semaine au début du programme et davantage à la fin. Toutefois, la fréquence, l’intensité et la durée dépendaient de l’âge, du poids et des préférences de la personne. S’y ajoutait une éducation thérapeutique (compréhension de la physiologie de la douleur, stratégies simples pour réduire le risque de récidive, instructions pour gérer soi-même les douleurs…).

En pratique, à 3 mois, les personnes du groupe intervention faisaient en moyenne 1 473 pas de marche rapide par jour, contre 857 dans le groupe contrôle, et 24 min d’AP modérée à intense par jour, contre 18 min (mesurés par un accéléromètre porté par les participants sur 7 jours). Il n’y avait pas de différence sur les niveaux autodéclarés d’AP.

Le nombre médian de jours écoulés avant la première récidive de lombalgie retentissant sur les activités quotidiennes était le critère principal de jugement. Il était de 208 jours dans le groupe intervention (IC95 % : 149 - 295) contre 112 jours dans le groupe contrôle (IC95 % : 89 - 140). Concernant l’incidence cumulée des récidives de lombalgie sur la période de suivi, les participants du groupe intervention avaient 28 % moins de risque de récidive que ceux du groupe contrôle (hazard ratio = 0,72 ; IC95 % : 0,60 - 0,85, p = 0,0002). Le programme de marche a également réduit de 43 % le risque de recourir à d’autres interventions pour soulager la lombalgie (massages, ostéopathie, médicaments…) [HR = 0,57 ; IC95 % : 0,44 - 0,74, p < 0,0001).

Concernant les effets indésirables, le nombre de personnes en ayant eu au moins un sur 12 mois était semblable dans les deux groupes (52 % dans le groupe intervention, 54 % dans le contrôle). Ceux liés à la lombalgie étaient plus nombreux dans le groupe contrôle (112 EI touchant 24 % des personnes versus 61 en touchant 14 %), tandis que ceux liés aux membres inférieurs l’étaient davantage dans le groupe intervention (100 EI touchant 21 % des participants versus 54 en touchant 12 %).

Les auteurs en concluent qu’un programme de marche avec des objectifs personnalisés et progressifs est une intervention simple, accessible et sûre permettant de réduire les récidives de lombalgie aiguë chez des personnes ne pratiquant pas d’autre activité physique. Les effets de cette intervention étaient semblables à ceux d’autres AP plus complexes et nécessitant une surveillance plus étroite (donc ayant aussi un coût plus important), testées dans de précédentes études. Toutefois, ces résultats ne sont pas généralisables à une population physiquement active.

Dans un commentaire accompagnant l’étude, deux kinésithérapeutes soulignent toutefois une potentielle limite à la mise en place d’une telle intervention. Puisque cette dernière comprenait des séances d’éducation thérapeutique chez le kiné, il est difficile de faire la part entre l’efficacité de la marche toute seule et de l’accompagnement ; ilssuggèrent ainsi d’explorer dans de futures études d’autres types de « coaching » comme les applications numériques.

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