La maladie cœliaque est un trouble dysimmunitaire systémique déclenché par l’ingestion de gluten présent dans des céréales telles que le blé, l’orge, le seigle, survenant chez des sujets génétiquement prédisposés qui peut débuter à tous les âges de la vie. Sa fréquence estimée varie de 1/150 à 1/200 personnes en France, soit environ 1 % de la population.
Certaines complications y sont particulièrement associées : autres pathologies auto-immunes, anémie, risque accru d’ostéoporose voire de certains cancers (lymphome non-Hodgkin, adénocarcinome de l’intestin grêle), dont les risques sont diminués par le bon suivi du régime sans gluten. Quant aux maladies cardiovasculaires, un risque accru chez ces patients a été suggéré dans certaines études, mais avec des résultats contradictoires, et principalement des études rétrospectives ou transversales, ou qui ne tenaient pas compte des facteurs de risque CV et autres facteurs confondants.
Des chercheurs britanniques ont examiné cette question, dans la plus vaste étude prospective longitudinale conduite à ce jour sur ce sujet, qui est également la première à contrôler pour les facteurs de risque CV, rendant les résultats plus robustes.
Un risque accru même en présence de moins de facteurs de risque CV traditionnels
Les données de la UK Biobank database ont été utilisées dans cette étude : il s’agit d’une vaste étude de cohorte basée sur la population d’Angleterre, Écosse et Galles, ayant recruté 500 000 personnes de 40 à 69 ans entre 2006 et 2010. Parmi elles, 469 095 sujets n’ayant pas de maladie CV ont été sélectionnés, dont 2 083 ayant une maladie cœliaque. Le critère de jugement primaire composite était le risque relatif de maladie CV (cardiopathie ischémique, infarctus du myocarde et AVC) chez les participants cœliaques comparés au non-cœliaques.
Sur une période de suivi médian de 12,4 années, 40 687 événements CV eurent lieu ; 218 d’entre eux chez les patients cœliaques. Ces derniers avaient une incidence absolue de maladie CV plus élevée que les participants non cœliaques : 9,03 par 1 000 personnes-années versus 7,37 par 1 000 personnes années.
Le risque de développer une maladie CV était accru de 27 % chez les patients cœliaques, comparés aux non cœliaques (hazard ratio = 1,27 ; IC95% : 1,11-1,45), et ce malgré une moindre prévalence des facteurs de risque CV traditionnels chez les personnes avec maladie cœliaque (moindre consommation d’alcool et de tabac, IMC plus bas, pression artérielle systolique moyenne plus basse, etc., se traduisant par un score de risque CV plus favorable que chez les personnes non cœliaques, même en ajustant pour des facteurs comme l’âge, le sexe, le statut socio-économique…). Si ce sur-risque demeurait identique même après ajustement pour des facteurs d’hygiène de vie (tabagisme, alcool, activité physique...), il apparaissait encore plus important, de 44 % (HR = 1,44 ; IC95% : 1,26-1,65), après ajustement pour des facteurs de risque CV tels que : antécédents familiaux de pathologies CV, cholestérol, prise de médicaments antihypertenseurs et hypolipémiants, diabète.
En outre, une relation positive entre le temps écoulé depuis le diagnostic de maladie cœliaque et le risque CV a été mise en évidence : en effet, comparés aux personnes non cœliaques, les patients chez qui une maladie cœliaque avait été diagnostiquée depuis moins de 10 ans avaient un risque CV accru de 30 %, alors qu’il était de 34 % lorsque le diagnostic datait de 10 ans ou plus.
Plusieurs hypothèses sont évoquées par les auteurs pour expliquer cette augmentation du risque CV, qui doivent être explorées dans de futures recherches. L’inflammation systémique liée à la maladie cœliaque pourrait être en cause, car on sait que certaines maladies auto-immunes sont associées à un risque CV accru. Une autre piste serait liée au régime d’éviction, notamment à la qualité nutritionnelle des produits sans gluten, souvent riches en graisses saturées, sucres et sel, ou alors à la carence en micronutriments…
Fondés sur ces résultats, les auteurs recommandent d’inclure la maladie cœliaque dans le calcul des scores de risque CV.
À lire aussi :
Lemale J. Intolérance au gluten en pédiatrie : diagnostic et recommandations. Rev Prat 2022;72(1);79-82.
Cellier C, Malamut G. Maladie cœliaque. Rev Prat 2015;65(10):1299-304.