La stéatose hépatique non alcoolique est l’une des atteintes hépatiques les plus fréquentes aujourd’hui. Or, dans sa forme avancée, elle peut conduire à l’apparition d’une fibrose hépatique, d’une cirrhose, voire d’un cancer du foie. L’Académie de médecine alerte sur l’augmentation de sa prévalence et rappelle les bonnes pratiques de diagnostic et prévention.
Cette maladie se caractérise par une accumulation anormale de graisse intrahépatique (stéatose) – d’où l’appellation de maladie du « foie gras » – en l’absence de consommation excessive d’alcool (non-alcoholic fatty liver disease, NAFLD). C’est l’une des atteintes hépatiques les plus fréquentes, atteignant 25 à 30 % de la population mondiale et jusqu’à 70 % des patients atteints de maladies métaboliques. Sa prévalence est en constante augmentation. Due à une surnutrition lipidique et surtout glucidique, associée à une sédentarité dans un contexte dysmétabolique (surpoids, diabète, hypertension artérielle, excès de lipides sanguins), elle traduit un stockage anormal de l’énergie sous forme de lipides.
Dans sa forme avancée, qui touche 10 % à 20 % des patients, elle se caractérise par la présence d’une infiltration de cellules inflammatoires et de signes de souffrance hépatocytaire (ballonisation). C’est la stéatohépatite non alcoolique (NASH, pour non-alcoholic steatohepatitis) : cette forme agressive de la maladie favorise l’accumulation de fibrose dans le parenchyme hépatique et ainsi l’évolution vers la cirrhose et le carcinome hépatocellulaire. La mortalité des patients NASH est augmentée (progression vers la cirrhose deux fois plus rapide qu’en cas de stéatose) par rapport à la population générale. D’où l’importance de la prévenir et la repérer efficacement.
Un diagnostic facilité
Aujourd’hui, une approche non invasive permet de diagnostiquer la stéatose hépatique non alcoolique : le recours à une ponction-biopsie hépatique n’est plus nécessaire.
Ce sont les données biologiques et d’imagerie qui permettent de confirmer l’atteinte hépatique et d’en préciser la gravité, bien que la clinique soit essentielle pour détecter des signes dysmétaboliques ou d’atteinte hépatique. Ainsi, la stéatose est suggérée par des paramètres sanguins simples (hyperglycémie, hypercholestérolémie, hyperferritinémie sans augmentation du fer) et affirmée par l’examen échographique qui montre un aspect de foie « brillant ». L’existence d’une fibrose et l’évaluation de sa gravité reposent sur :
- des tests sanguins tels le simple « FIB-4 » (basé sur l’âge, les transaminases et les plaquettes), très performant mais encore insuffisamment connu des médecins, et des tests de seconde intention (Fibromètre, Fibrotest) ;
- une imagerie par FibroScan qui explore l’élasticité du foie.
La difficulté, en pratique, est que la stéatose, comme toutes les maladies foie, n’entraîne aucun symptôme ; c’est pourquoi il est important pour la repérer de tenir compte du contexte et des facteurs de risque (âge > 50 ans, syndrome métabolique : chaque élément de celui-ci – obésité, diabète, HTA et dyslipidémie – augmente le risque de façon linéaire). L’enjeu majeur est donc d’identifier les patients à risque et d’orienter vers le spécialiste – le rôle du médecin généraliste est en cela crucial.
Prévention : indispensable
Le mesures d’hygiène de vie alimentaire et physique sont les armes clé pour prévenir cette pathologie, et la réduction pondérale par un régime approprié et l’activité physique régulière est actuellement la seule mesure efficace pour la traiter. En effet, une réduction d’au moins 10 % du poids initial fait disparaître la stéatose, avec une résolution de la NASH dans 90 % des cas et une amélioration de la fibrose dans 30 à 40 % des cas. Toutefois, moins de 10 % des patients sont capables d’atteindre cet objectif…
De nombreux médicaments sont à l’essai dans cette indication (en particulier ceux ciblant le diabète), mais aucune autorisation de mise sur le marché n’a été délivrée à ce jour.
Quant à la chirurgie bariatrique, certains travaux ont montré une amélioration spectaculaire des lésions hépatiques de NASH en parallèle à la perte de poids, grâce à cette intervention. Néanmoins, des données françaises récentes montrent que, malgré une efficacité établie pour la régression de la NASH, la chirurgie bariatrique est moins efficace pour la régression de la fibrose sévère.
Enfin, la transplantation hépatique est indiquée aux États-Unis pour le foie stéatosique compliqué ; elle donne des résultats similaires à ceux obtenus pour les autres indications, mais doit prendre en compte les risques liés au contexte dysmétabolique.
L’Académie de médecine a donc souligné l’importance d’encourager les recherches pour finaliser, aussi rapidement que possible, la mise au point de médicaments actuellement très prometteurs, mais aussi de faciliter l’accès à des explorations et le remboursement des tests non invasifs dans cette indication pour mieux la dépister.
Académie nationale de médecine. Stéatose hépatique non alcoolique : maladie fréquente, diagnostic devenu facile, prévention indispensable. 16 décembre 2022.
Entretien avec le Pr Laurent Castera. Que cache la NASH ? Rev Prat (en ligne) 1er juillet 2020.
Martin Agudelo L. NASH : la chirurgie bariatrique n’est pas la panacée. Rev Prat (en ligne) 3 février 2022.
Pelletier G. Stéatose hépatique non alcoolique : 1 adulte sur 5 ? Rev Prat Med Gen 2018;32(995);97-8.