La maladie de Sjögren (MS) ou syndrome de Sjögren (SS) – aussi appelée en France syndrome de Gougerot-Sjögren – est une maladie systémique auto-immune classée dans les maladies rares. Sa prévalence est estimée entre 1/1 000 et 1/10 000. Le délai entre le début des symptômes et le diagnostic est souvent long et le rôle du médecin traitant est crucial pour un diagnostic plus précoce. De plus, la triade symptomatique sécheresse, fatigue et douleurs articulaires étant très fréquente dans la population générale, on peut se poser la question d’une maladie de Sjögren dans de nombreuses situations.
Quand évoquer le diagnostic ?
Le plus souvent, devant cette triade, on ne trouve pas de maladie organique caractérisée et on porte un diagnostic de syndrome polyalgique (parfois appelé fibromyalgie) ou de syndrome sec idiopathique (dont les causes sont multiples, (tableau ci-contre).
L’intrication des facteurs psychologiques dans ces symptômes est bien connue. Rappelons aussi que le syndrome sec peut faire partie du syndrome fibromyalgique même en l’absence de médicament psychotrope asséchant.
Devant cette triade, il faut évoquer une maladie de Sjögren en fonction d’éléments associés :
- Il s’agit dans 90 % des cas d’une femme, souvent autour de 50 ans.
- Les douleurs sont restreintes aux membres et plus précisément aux articulations et aux muscles. Elles sont souvent d’horaire inflammatoire.
- La sécheresse buccale et/ou oculaire est invalidante, obligeant le patient à boire la nuit et souvent à mettre des gouttes lubrifiantes dans les yeux.
- Il existe des symptômes associés pouvant évoquer une atteinte systémique.
En effet, dans 30 à 40 % des cas, des atteintes systémiques sont décrites. La plus fréquente : des antécédents de gonflements parotidiens ou sous-maxillaires. Chez des sujets jeunes (car la maladie peut aussi toucher des sujets jeunes), la maman vous dira « il m’a fait plusieurs fois les oreillons… ».
Les douleurs articulaires peuvent s’accompagner de vrais épisodes de gonflements comme dans la polyarthrite rhumatoïde. On peut retrouver des signes cutanés (purpura), bronchiques ou pulmonaires, des adénopathies, des signes neurologiques périphériques (troubles sensitifs, déficit moteur). Enfin, le syndrome de Sjögren peut être primitif ou associé à une autre maladie auto-immune systémique : polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux systémique, sclérodermie, myopathies inflammatoires.
Quelles complications ?
La principale est la survenue d’un lymphome, qui est environ 10 fois plus fréquente que dans la population générale. Cependant, sa fréquence reste faible : 5 % des patients. Les facteurs de risque sont maintenant bien connus : activité systémique modérée ou sévère de la maladie, poussées de parotidomégalie fréquentes, de purpura ; présence au bilan biologique d’une immunoglobuline monoclonale et de facteur rhumatoïde. En l’absence de ces facteurs de risque, il n’y a pas d’augmentation du risque de lymphome.
Comment faire le diagnostic ?
En cas de suspicion, la première étape diagnostique est la recherche d’anticorps antinucléaires (anti-SSA/Ro60 et anti-La/SSB). La recherche de facteur rhumatoïde est positive dans 50 % des cas, c’est-à-dire presqu’aussi souvent que dans la polyarthrite rhumatoïde (mais sans anticorps anti-CCP).
La négativité de ces examens biologiques n’élimine pas le diagnostic : 30 % des patients avec syndrome de Sjögren n’ont pas d’auto-anticorps détectables ; le diagnostic est porté sur la biopsie des glandes salivaires (à réaliser dans un centre expert). Dans ce cas, il faut adresser le patient vers un spécialiste : rhumatologue ou médecin interniste ou centre de compétence ou de référence.
Quelle prise en charge ?
Il n’y pas encore de traitement curatif. Le traitement symptomatique reste difficile car il n’y a aucun médicament permettant de prendre en charge tous les aspects de la maladie.
Contrairement au traitement du lupus, l’hydroxychloroquine n’est pas donnée de façon systématique car elle ne modifie pas l’évolution de la maladie. Cependant, les différentes complications systémiques peuvent être traitées par des immunomodulateurs ou immunosuppresseurs (méthotrexate, léflunomide, rituximab, mycophénolate mofétil...).
Les corticoïdes sont le plus souvent inefficaces sur les douleurs (sauf sur celles purement articulaires) et ne doivent être prescrits qu’en cure très courte (2 à 5 jours) pour un gonflement parotidien douloureux ou en cas de complication systémique après avis d’un médecin spécialiste.
Enfin, la pilocarpine, un médicament peu connu, a une bonne efficacité sur le syndrome sec buccal. Une seule spécialité existe en France (Salagen) mais elle n’est pas remboursée et elle ne permet pas de commencer le traitement à dose progressive. On peut prescrire le chlorhydrate de pilocarpine sous la forme de gélules en préparation magistrale qui, elles, sont le plus souvent remboursées (ce qui est laissé au bon vouloir des caisses régionales d’Assurance maladie).
Enfin, la sécheresse du syndrome de Sjögren n’est pas seulement buccale (xérostomie) et oculaire (xérophtalmie), elle est aussi cutanée, bronchique et vaginale. Ainsi, la question de la sécheresse vaginale doit être abordée avec la patiente : on peut proposer le cas échéant la pilocarpine ou des traitements locaux (à discuter avec le gynécologue), voire, chez les femmes de plus de 50 ans, un traitement hormonal substitutif. En effet, le syndrome de Sjögren ne contre-indique pas la contraception oestroprogestative.
Quel suivi ?
Il faut rassurer le patient : la maladie n’a pas de répercussions sur son pronostic vital en l’absence de complication systémique ; le risque de lymphome est rare ; il est possible de mener une vie strictement normale, y compris des grossesses ; il n’y a pas de risque de cécité malgré la gêne permanente au niveau des yeux conduisant souvent à un brouillage de la vue.
La grossesse n’aggrave pas l’évolution de la maladie et reste possible à tout moment sauf en cas de poussée systémique sévère. En cas de présence d’anticorps anti-SSA, il y a un risque très faible de troubles de conduction cardiaque à type de bloc auriculo-ventriculaire du fœtus (< 2 %) et cutanées du nouveau-né (5 %) qui justifie une consultation pré-conceptionnelle et la prise en charge dans une maternité habituée aux maladies auto-immunes.
Il est également important d’assurer un suivi des complications possibles (cliniques et biologiques), de surveiller l’état buccodentaire, de proposer au patient un avis auprès d’un centre spécialisé voire l’inclusion dans des essais thérapeutiques (plusieurs molécules sont en cours étude).
Quelles ressources ?
Informations destinées aux professionnels de santé
FAI²R – Filière de santé des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares : www.fai2r.org ; Orphanet : www.orpha.net
Sanoia, pour avoir les calculateurs des scores de la maladie : https://www.sanoia-fiche-sante.com/sjogren
Informations destinées aux patients
Association française du Gougerot-Sjögren et des syndromes secs : www.afgs-syndromes-secs.org ; Alliance maladies rares : www.alliance-maladies-rares.org
Eurordis – Fédération d’associations de malades et d’individus actifs dans le domaine des maladies rares : www.eurordis.org
FAI²R – Filière de santé des maladies auto-immunes et auto-inflammatoires rares : www.fai2r.org
SFR – Société française de rhumatologie : www.sfr.larhumatologie.fr
SNFMI – Société nationale française de médecine interne : www.snfmi.org
FMO – Fédération des maladies orphelines : www.maladies-orphelines.fr
Annuaire ETP (Éducation thérapeutique du patient) : https://etpmaladiesrares.com/
Cortisone infos : http://www.cortisone-info.fr/
Maladies rares infos service : http://www.maladiesraresinfo.org ; ligne Santé infos droits : 01 53 62 40 30.
AFVD – Association francophone pour vaincre les douleurs : www.association-afvd.com
Pour en savoir plus
Rivière É, Seror R. Syndrome de Gougerot-Sjögren.Rev Prat Med Gen 2022;36(1064);85-8.
Cornec D, Devauchelle-Pensec V, Saraux A. Syndrome sec : un Gougerot-Sjögren ?Rev Prat Med Gen 2013;27(898):240-1.