Objectifs
Connaître la définition et l’organisation de prise en charge des maladies rares en France.
Connaître les principaux points d’appel devant faire évoquer une maladie rare et les circuits proposés de prise en charge.
Comprendre la notion d’errance diagnostique, savoir comment la diminuer et la distinguer de la notion d’impasse diagnostique conformément aux instructions du PNMR3.

Définitions

Maladie rare (rang A [2C-022-DE-A01])

Une maladie rare est une maladie qui atteint moins de 1 personne sur 2 000 en population générale (définition issue du Règlement européen sur les médicaments orphelins).

Errance diagnostique

L’errance diagnostique est la période qui sépare l’apparition des premiers symptômes de la date à laquelle un diag­nostic précis est posé.

Impasse diagnostique

L’impasse diagnostique résulte de l’échec à définir la cause précise de la maladie après avoir mis en œuvre l’ensemble des investigations disponibles en l’état de l’art. Elle concerne les malades atteints d’une forme atypique d’une maladie connue, ou d’une maladie dont la cause génétique ou autre n’a pas encore été reconnue.

Connaître l’organisation des soins des maladies rares en France (rang B [2C-022-DE-B01])

Devant des signes cliniques inhabituels et/ou un ensemble incohérent de symptômes, évoquer une maladie rare doit devenir un réflexe pour les professionnels de santé. Le dernier Plan national maladies rares (PNMR3) définit l’objectif que, pour chaque patient, le diagnostic de maladie rare soit posé en moins d'un an. Chaque médecin doit connaître l’organisation nationale très structurée constituée par les centres de référence maladies rares (CRMR) et par les filières de santé maladies rares (FSMR) qui constituent les relais pour le diagnostic, et favorise des parcours de santé lisibles.
Conformément à la vision du Consortium international pour la recherche sur les maladies rares (IRDiRC, International Rare Diseases Research Consortium), ce plan vise à ce que toutes les personnes souffrant de maladies rares aient reçu un diagnostic précis un an après la première consultation médicale spécialisée et puissent bénéficier des soins et thérapies disponibles. Les seules exceptions concernent les malades pour lesquels l’état de l’art scientifique et technique ne permet pas d’aboutir à un diagnostic précis.

Organisation

Un centre de référence maladies rares (CRMR) est un « réseau » comprenant un site coordonnateur, un ou plusieurs site(s) constitutif(s) et, le cas échéant, un ou plusieurs centres de compétences ou centres de ressources et de compétences (CRC). Ils ont des missions de coordination, d’expertise, de recours, de recherche et de formation-­enseignement.
Un centre de compétences assure la prise en charge et le suivi des personnes atteintes de maladies rares au plus proche de leur domicile, sur la base d’un maillage territorial adapté et en lien avec le CRMR dont il dépend fonctionnellement.
Une filière de santé maladies rares est une organisation qui coordonne en réseau un ensemble associant des centres de soins hospitaliers, des laboratoires de diagnostic et de recherche, des structures sociales et médico-sociales, des universités, des associations, voire tout autre partenaire ou institution apportant une expertise complémentaire au champ des maladies rares concerné (figure).

Ressources

Il existe :
  • 23 filières nationales de santé maladies rares en miroir des 24 réseaux européens de référence (ERN), dont 20 concernent les maladies rares ;
  • 109 centres de référence maladies rares multisites formés de 387 centres de référence et de plus de 1 800 centres de compétences ou de ressources et de compétences ;
  • plus de 220 associations de patients fédérées par l’Alliance maladies rares

Étiologie (rang B [2C-022-ET-B01])

Sont listées ci-après quelques maladies rares parmi les plus fréquentes.
L’item 45 aborde la trisomie 21, le syndrome de l’X fragile et la mucoviscidose.
Dans cet item « Maladies rares », nous évoquerons les maladies rares qui seront éventuellement rencontrées dans la carrière d’un médecin généraliste, en particulier l’hémochromatose, l’hémophilie, la drépanocytose, les thalassémies, la dystrophie musculaire de Duchenne. L’objectif n’est pas de proposer un long développement sur toutes ces maladies, mais d’appréhender leur fréquence, l’immense diversité des portes d’entrée cliniques et le nécessaire suivi pluridisciplinaire des patients.

Hémochromatose

L’hémochromatose est une maladie génétique due à une absorption intestinale excessive de fer, avec pour conséquence le dépôt de fer au niveau de différents organes tels que le foie, le cœur et la peau. Elle se manifeste par une fatigue chronique (asthénie), une mélanodermie et une atteinte du foie (hépatomégalie, cirrhose, avec risque de carcinome hépatocellulaire), du pancréas, des articulations, des os, des glandes endocrines, ou du cœur, qui entraînent différentes complications habituellement à l’âge adulte, telles qu’une fibrose hépatique (cirrhose, avec le risque de carcinome hépatocellulaire), un diabète sucré, une arthropathie, une ostéoporose, un hypogonadisme hypogonadotrophique, ou une insuffisance cardiaque. Les anomalies biochimiques comprennent une élévation du coefficient de saturation de la transferrine et du taux de ferritine sérique. L’hémochromatose n’est pas une maladie rare si l’on considère qu’environ 1 personne sur 300 est porteuse de l’anomalie génétique (variation génétique à l’état homozygote). L’hémochromatose HFE n’existe pas dans les populations du Sud-Est asiatique et noires. Le degré d’expression clinique de cette anomalie (sa pénétrance) est variable, de sorte que les formes sévères d’hémochromatose génétique correspondent à une situation rare par rapport à la fréquence des formes plus modérées. Elle est plus fréquente chez l’homme que chez la femme (3 hommes pour 1 femme). Les symptômes apparaissent le plus souvent après 40 ans, mais des formes d’hémochromatose juvénile peuvent débuter entre 5 et 30 ans. La transmission de la forme la plus courante est autosomique récessive.

Hémophilie

L’hémophilie est une maladie génétique liée à l’X caractérisée par des hémorragies spontanées ou prolongées dues à un déficit en facteur VIII (hémophilie A) ou IX (hémophilie B). L’incidence annuelle est de 1 sur 5 000 naissances de garçon, et la prévalence dans la population est estimée à 1/12 000. Le plus souvent, les hémorragies commencent avec l’apprentissage de la marche. La sévérité des manifestations cliniques dépend de la sévérité du déficit en facteurs de coagulation : si l’activité biologique du facteur de coagulation est inférieure à 1 %, l’hémophilie est sévère. Si elle est comprise entre 1 et 5 %, l’hémophilie est modérée. Si elle est comprise entre 5 et 40 %, l’hémophilie est mineure. À la suite d'un traumatisme, toutes les localisations peuvent être concernées par les saignements, le plus souvent les articulations (hémarthroses) et les muscles (hématomes). Afin de pallier le déficit en facteur VIII ou IX, on utilise un traitement substitutif qui a pour but d’apporter le facteur manquant dans l’organisme : facteur antihémophilique recombinant. Il peut être administré à la suite d’une hémorragie (traitement à la demande) ou en prévention des saignements (traitement prophylactique). Les hémophilies A et B sont des maladies hémorragiques dont la prise en charge relève de l’éducation thérapeutique du patient. La complication la plus fréquente est l’apparition d’anticorps dirigés contre le facteur de coagulation perfusé, inhibant son action (appelés anticorps inhibiteurs). Des corrections chirurgicales, notamment orthopédiques, sont possibles dans des centres spécialisés.

Drépanocytose

Encore parfois appelée anémie falciforme, la drépanocytose est une maladie génétique récessive autosomique fréquente (environ 270 nouveaux cas par an en Île-de-France, 400 nouveaux cas par an en France) et grave, qui concerne essentiellement les populations d’origine africaine subsaharienne et antillaise. La prévalence des hétérozygotes en Europe est estimée à environ 1/150, en Afrique centrale et de l’Ouest à 15-25 %, dans les départements d’outre-mer d’Amérique à 10-12 % et selon les régions méditerranéennes à 1-15 % ; une forte prévalence est observée dans les zones étant ou ayant été impaludées, cette anomalie offrant une protection contre le neuropaludisme. Cette maladie est due à une anomalie de l’hémoglobine qui a pour conséquence la déformation des globules rouges qui perdent leur forme arrondie (forme de faux). La drépanocytose est une maladie hémolytique chronique prédisposant à trois types d’accident aigu : anémies graves, infections bactériennes graves et accidents ischémiques vaso-occlusifs (AVO) secondaires aux conflits entre les petits vaisseaux et les globules rouges trop peu déformables. Diverses complications organiques sont possibles. La prise en charge doit intégrer la prévention des infections, de la douleur et des complications, mais aussi la dimension sociale et psycho-éducationnelle, au sein de centres multidisciplinaires dotés de soins intensifs (accès sans délai à la transfusion sanguine). La transfusion occasionnelle ou programmée reste une modalité thérapeutique essentielle. La principale indication pour la transplantation de moelle osseuse est la présence d’une vasculopathie cérébrale. Une intensification du traitement peut être nécessaire chez certains enfants atteints d'une forme grave de drépanocytose : hydroxycarbamide, programme transfusionnel, greffe de cellules souches hématopoïétiques, thérapie génique.

Thalassémies

Les thalassémies sont des affections génétiques, le plus souvent de transmission récessive autosomique, qui entraînent une réduction de la synthèse des chaînes de globine, soit alpha (alphathalassémies), soit bêta (bêtathalassémies). Le déséquilibre de synthèse entre chaînes alpha et non alpha provoque la précipitation des chaînes non appariées, une érythropoïèse inefficace et une anémie. En fonction du degré de l’anémie et des besoins transfusionnels, on distingue les thalassémies intermé­diaires, avec des besoins transfusionnels modérés, et les thalassémies majeures pour lesquelles des transfusions régulières sont vitales. Le pronostic de ces formes a été amélioré par les programmes transfusionnels et une chélation du fer ; étant donné la lourdeur du traitement, une greffe de moelle osseuse avec donneur apparenté HLA (human leukocyte antigen) compatible est proposée aux enfants.

Dystrophie musculaire de Duchenne

La dystrophie musculaire de Duchenne (DMD) est une maladie liée à l’X caractérisée par une atrophie et une faiblesse musculaires progressives dues à une dégénérescence des muscles squelettiques, lisses et cardiaques. Elle affecte principalement les garçons, et sa prévalence se situe entre 1/3500 et 1/9300 naissances masculines. Les lésions musculaires sont causées par l’absence totale de la dystrophine, en raison de variants du gène DMD. La maladie débute dans la petite enfance, et les garçons affectés peuvent avoir un trouble du neurodéveloppement (après l’âge de 18 mois), un trouble du langage et/ou un retard de développement global. L’autisme et les problèmes de comportement sont relativement courants. La maladie progresse rapidement et l’enfant développe une démarche dite « dandinante » et un signe de Gowers* positif. La perte de la marche survient entre l’âge de 6 et 13 ans, en moyenne 9,5 ans chez les patients non traités par des stéroïdes. Le diagnostic est suspecté sur la base du tableau clinique, des antécédents familiaux et du taux de créatine kinase (CK) sérique, 100 à 200 fois supérieur à la normale. L’analyse génétique est la méthode de référence. Bien que la situation s’améliore grâce aux progrès de la prise en charge multidisciplinaire et du traitement, le pronostic de la dystrophie musculaire de Duchenne est sévère, et l’espérance de vie est significativement réduite, le décès intervenant tôt à l’âge adulte.

Épidémiologie (rang B [2C-022-PE-B01])

Les maladies rares touchent plus de 3 millions de personnes en France, constituant un enjeu majeur de santé publique :
  • 7 000 maladies rares différentes ;
  • 80 % des maladies rares sont d’origine génétique ;
  • 50 millions de patients atteints de maladies rares dans le monde ;
  • 75 % des malades sont des enfants ;
  • 50 % des patients n’ont pas de diagnostic précis.
Les sites internet et plateformes dédiées sont :
  • Orphanet, plateforme d’information sur les maladies rares et les médicaments orphelins en accès libre https://www.orpha.net/ ;
  • Maladies rares info services, service d’information et de soutien de référence sur les maladies rares. Pour être écouté, s’informer, témoigner, échanger. https://www.maladiesraresinfo.org/ ou par téléphone : 01 56 53 81 36 ;
  • les plateformes d’expertise maladies rares mises en place dans les établissements de santé abritant des CRMR et CCMR (centres de compétence maladies rares). L’objectif est d’améliorer la visibilité du parcours de soins du patient : partage d’expertise, mise en place de formations, actions médicosociales, mutualisation des connaissances et des compétences, rôle de coordination à l’échelle d’un territoire.

Prise en charge des maladies rares en ville (rang B [2C-022-PC-B01])

Le médecin non spécialiste et les professionnels paramédicaux doivent adopter « une culture du doute » devant toute association inhabituelle de symptômes ou tableau clinique atypique. Ils doivent connaître les principaux dispositifs qui les aideront à s’informer et à assurer une prise en charge multidisciplinaire du patient : centres de référence et de compétences maladies rares, filières de santé, Orphanet, Maladies rares info services, plateformes d’expertise maladies rares dans les territoires. Les patients doivent être informés de l’existence d’associations de patients spécifiques, ou de l’Alliance maladies rares qui les orientera vers l’association la plus appropriée. Les équipes relais handicaps rares complètent le dispositif sur le plan médico-social pour les situations de handicap particulièrement complexes. Des protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS) concernant les maladies rares sont publiés sur le site de la Haute Autorité de santé (HAS) et comportent une synthèse pour le médecin traitant : HAS - Protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS) (has-sante.fr)

Conclusion

Même si ces maladies sont rares prises une à une, les personnes malades sont nombreuses, soit environ 3 millions en France. Chaque médecin sera amené à rencontrer ce type de patients, quelle que soit sa spécialité, et il est important que les étudiants en médecine acquièrent d’emblée cette « culture du doute » : et si c’était une maladie rare ?
* Le passage de la position accroupie, agenouillée ou assisse à la position debout nécessite l’appui des mains sur les cuisses et les genoux.
Points forts
Maladies rares

POINTS FORTS À RETENIR

Une maladie rare est une maladie qui atteint moins de 1 personne sur 2 000 en population générale.

Plus de 3 millions de personnes en France sont atteintes d’une maladie rare.

Devant des signes cliniques inhabituels et/ou un ensemble incohérent de symptômes, évoquer une maladie rare doit devenir un réflexe pour les professionnels de santé.

Chaque médecin doit connaître l’organisation nationale très structurée constituée par les centres de référence maladies rares (CRMR) et par les filières de santé maladies rares (FSMR).

L’hémochromatose, l’hémophilie, la drépanocytose, les thalassémies et la dystrophie musculaire de Duchenne font partie des maladies rares.

Les patients doivent être informés de l’existence d’associations spécifiques ou de l’Alliance maladies rares qui les orientera.

Encadre

Message de l'auteur

Une Maladie rare ? Savoir y penser et trouver les informations.

Avoir la « culture du doute » devant toute association inhabituelle de symptômes ou tableau clinique atypique.

Connaitre :

– Orphanet

– Maladies rares infos service

– Alliance maladies rares

– Équipes relais handicap rares, la MDPH

– Protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS) publiés sur le site de la HAS

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