Composante de nombreuses pathologies – infectieuses ou non –, l’inflammation est le plus souvent révélée par deux biomarqueurs : protéine C-réactive (CRP) et procalcitonine (PCT). Lequel prescrire dans quel contexte ? Comment interpréter les résultats ? Tout ce qu’il faut savoir dans cette fiche pratique.

Cet article paraîtra dans le numéro 1089  de La Revue du Praticien Médecine générale en septembre 2024.

L’inflammation est une composante de nombreuses pathologies. Elle peut être révélée, entre autres, par une électrophorèse des protéines sériques ou un dosage de ferritinémie. Cependant, deux biomarqueurs ont plus particulièrement émergé au fil des années dans l’évaluation de maladie à composante inflammatoire : la protéine C-réactive (CRP) et la procalcitonine (PCT) [tableau].

CRP : quand la demander et comment l’interpréter ?

La CRP circulante est produite uniquement par les hépatocytes, principalement sous le contrôle transcriptionnel de cytokines pro-inflammatoires (en particulier l’interleukine 6). La synthèse hépatique de novo commence très rapidement après un stimulus unique, les concentrations sériques dépassant 5 mg/L environ six heures après et atteignant leur maximum vers quarante-huit heures. La demi-vie plasmatique de la CRP est d’environ dix-neuf heures. Le seul facteur de variabilité de la concentration de CRP est sa synthèse, qui reflète l’intensité des processus pathologiques associés à une inflammation. La valeur médiane de la CRP évolue avec l’âge passant d’environ 1 mg/L chez les plus jeunes à environ 2 mg/L pour les plus âgés.1 

Des indications cliniques larges

Parmi les biomarqueurs de l’inflammation aiguë, la CRP est privilégiée notamment en raison de sa cinétique rapide et de la possibilité d’obtenir des concentrations très différentes. De plus, la CRP diminue rapidement une fois l’inflammation résolue du fait de sa demi-vie plus courte, ce qui est utile du point de vue diagnostique mais aussi pour évaluer la réponse au traitement.

Le dosage de la CRP contribue donc :

  • au diagnostic et à la prise en charge des infections (justifier l’utilisation des antibiotiques) ;
  • au diagnostic différentiel et à la classification des maladies inflammatoires ;
  • à l’évaluation de l’activité des maladies à composante inflammatoire (exemple : polyarthrite rhumatoïde) et de l’efficacité de la réponse aux traitements.1,2

À interpréter en fonction du contexte

La fièvre témoigne souvent d'une maladie infectieuse bénigne mais est parfois un signe d’alerte d’une pathologie plus sévère et rapidement évolutive qu’il faut pouvoir identifier rapidement. En support de la clinique, le dosage de la CRP est un élément supplémentaire d’orientation. 

La CRP peut aussi s’inscrire dans une stratégie de dépistage, d’identification ou de suivi d’une pathologie non infectieuse.

Même si les concentrations observées sont très variables en fonction des contextes et des individus, il est possible d’assigner des registres de valeurs en fonction des types de pathologies :2 

  • les infections bactériennes aiguës sont usuellement repérables avec une CRP supérieure à 80 mg/L, concentration pouvant augmenter considérablement ;
  • les infections virales induisent une augmentation de la CRP avec des chiffres de l’ordre de 10 à 25 mg/L ;
  • pour les maladies auto-immunes et auto-inflammatoires, le taux de la CRP varie en fonction de la pathologie, de sa sévérité et de l’activité inflammatoire : de concentrations faibles (de l’ordre de 5 à 10 mg/L) à des concentrations dépassant les 100 mg/L. En général, elle varie entre 10 et 50 mg/L (par exemple, elle est supérieure à 30 mg/L dans la polyarthrite rhumatoïde) ;
  • après une intervention chirurgicale ou un traumatisme, les niveaux de CRP peuvent augmenter pendant quelques jours, atteignant généralement un pic à environ 50 à 200 mg/L.
 

D’autres contextes pathologiques, indépendants des indications de prescription du dosage de la CRP, peuvent être associés à des concentrations élevées comme les traumatismes, l’infarctus du myocarde, les cancers…2 

Par ailleurs, des dosages de CRP plus sensibles (hs-CRP) ont été mis au point et permettent d’affiner la prédiction du risque d’événements cardiovasculaires majeurs chez les patients atteints de maladies coronariennes.1,2 

PCT : quand la demander et comment l’interpréter ?

La procalcitonine (PCT), précurseur de la calcitonine, est synthétisée par les cellules C de la thyroïde et seule une très faible quantité se retrouve dans la circulation générale. Lors d’une infection bactérienne, la production de PCT est activée dans tous les tissus parenchymateux sous l’action d’endotoxines bactériennes et des lipopolysaccharides, d’une part, et indirectement par des cytokines pro-inflammatoires, d’autre part, provoquant une augmentation rapide de sa concentration sérique. Les médiateurs de l’infection virale (interféron gamma) atténuent les niveaux de PCT, ce qui en fait un marqueur plus spécifique de l'infection bactérienne. La PCT est détectable dans les deux à quatre heures suivant l’infection, atteint son maximum dans les six à vingt-quatre heures et peut être détectable durant sept jours.3 

Des indications limitées

L’utilisation du dosage de la procalcitonine doit rester beaucoup plus restreinte que celui de la CRP, elle doit se limiter à conforter un diagnostic d’infection bactérienne et guider une antibiothérapie.

Un seuil fixé à 0,25 µg/L pour orienter vers une infection bactérienne

Schuetz et son équipe ont proposé en 2019 un algorithme décisionnel pour les dosages de la PCT chez les patients ayant une infection de gravité légère à modérée, en dehors de l’unité de soins intensifs ;4 la démarche pourrait être résumée ainsi :

  • en cas de doute sur une infection bactérienne, une valeur seuil à 0,25 µg/L est proposée (en dessous de cette valeur, l’origine bactérienne est peu probable) ;
  • dans le cadre de la conduite d’une antibiothérapie et de son suivi :
    • si la valeur de la PCT est inférieure à 0,25 µg/L, l’utilisation d’une antibiothérapie empirique sur la base d’un jugement clinique est possible ; il convient d’envisager d’autres tests diagnostiques. Le dosage de la PCT doit être répété à vingt-quatre heures et l’antibiothérapie être arrêtée si la PCT est toujours inférieure à 0,25 µg/L ;
    • si la valeur de la PCT est supérieure à 0,25 µg/L, l’utilisation d’une antibiothérapie empirique sur la base d’un jugement clinique est indiquée. La PCT est à doser toutes les vingt-quatre à quarante-huit heures pour le suivi. L’arrêt de l’antibiothérapie est préconisé si la PCT est inférieure à 0,25 µg/L ou en cas de baisse de 80 % de sa valeur initiale.
 

À noter que chez les patients souffrant d’immunodépression (y compris infection par le VIH), mucoviscidose, pancréatite, traumatisme, ou en cas grossesse, transfusion à haut volume ou paludisme, l’interprétation peut être faussée. De même, la gestion guidée par la PCT ne doit pas être appliquée aux patients ayant une infection chronique (par exemple abcès, ostéomyélite, endocardite).4 

CRP et PCT : des marqueurs pour lutter contre l’antibiorésistance ?

La prescription du dosage de la CRP est très fréquente pour plusieurs raisons. Elle fournit des informations utiles dans un large éventail de circonstances (voir les indications). Il faut aussi prendre en compte les situations inflammatoires objectivées par la CRP comme interférant avec la mesure d’autres paramètres (bilan lipidique, bilan martial…).

Parallèlement, la CRP peut être considérée comme un « biomarqueur robuste » (impact négligeable des conditions de prélèvement et demi-vie définie) dont le dosage est réalisé à l’aide de techniques automatisées peu coûteuses. Cependant, il n’existe pas de consensus sur des valeurs seuils décisionnelles.

La PCT est, quant à elle, un marqueur plus spécifique d’infections d’origine bactérienne et pourrait avoir sa place comme outil dans une stratégie globale de lutte contre l’antibiorésistance. Sa prescription est actuellement l’apanage du domaine hospitalier, mais son coût reste un frein à une plus large utilisation. 

L’évaluation de ces paramètres est maintenant possible en dehors de l’enceinte d’un laboratoire d’analyses biologiques et médicales (tests au point d’intervention [POCT]) et pourrait à l’avenir trouver une indication pour guider la prescription d’antibiotiques, en particulier pour les infections des voies respiratoires inférieures.

Références
1. Plebani M. Why C-reactive protein is one of the most requested tests in clinical laboratories? Clin Chem Lab Med 2023;61(9):1540-5.
2. Allin KH, Nordestgaard BG, et al. Elevated C-reactive protein in the diagnosis, prognosis, and cause of cancer. Crit Rev Clin Lab Sci 2011;48(4):155-70.
3. Davies J. Procalcitonin. J Clin Pathol 2015;68(9):675-9. 
4. Schuetz P, et al. Procalcitonin (PCT)-guided antibiotic stewardship: an international experts consensus on optimized clinical use. Clin Chem Lab Med 2019;57(9):1308-18.
A lire aussi :
Martin Agudelo L. Fièvre chez l’enfant : quel est le meilleur test pour confirmer une infection bactérienne ? Rev Prat (en ligne) 25 avril 2024.

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