L’examen clinique permet le plus souvent de s’orienter vers une cause, notamment grâce à la localisation de la masse. L’interrogatoire doit préciser le terrain (mode de vie, dont prise de toxiques, antécédents personnels et familiaux, en particulier digestifs, traitements), la date d’apparition de la masse, son évolution au cours du temps, les circonstances de découverte, les signes généraux et fonctionnels associés (fièvre, altération de l’état général, douleurs, troubles du transit, extériorisation de sang…). À l’examen physique, il faut caractériser la masse (topographie, taille, régularité de sa surface, consistance, sensibilité, mobilité) et rechercher les signes physiques associés (adénopathies, ictère…).
Masse de l’hypochondre droit
Hépatomégalie
L’hépatomégalie peut concerner un segment ou un lobe hépatique, ou être diffuse. Le diagnostic est le plus souvent clinique. Le patient peut rapporter une sensation de gêne ou de pesanteur en hypochondre droit ou en épigastre. Lorsque l’hépatomégalie est majeure, elle peut être visible lors de l’inspection (fig. 1). La palpation nécessite un examen physique minutieux : placé à la droite du patient, le médecin pose sa main droite à plat en regard de l’hypochondre droit, parallèlement au rebord costal ; à l’inspiration profonde, le bord inférieur du foie vient au contact de l’index. On peut ainsi mesurer la flèche hépatique, qui correspond à la somme de la matité sous-costale et du débord hépatique, un travers de doigt correspondant à 2 cm environ, et caractériser l’hépatomégalie (bord inférieur du foie mousse ou tranchant, consistance du parenchyme, sensible ou indolore, régulier ou non). La flèche hépatique sur la ligne médioclaviculaire est comprise entre 10 et 12 cm en situation physiologique.
Une ascite abondante, un pannicule adipeux sous-cutané important ou une défense abdominale peuvent gêner l’examen clinique, et les signes décrits peuvent ne pas être perceptibles. Dans de tels cas, l’échographie abdominale peut aider au diagnostic, et permet également d’éliminer une masse développée aux dépens d’un organe de voisinage.
La plupart des maladies du foie, aiguës ou chroniques, peuvent s’accompagner d’une hépatomégalie. Les causes principales sont présentées dans le tableau et les figures 2 à 8, avec les signes cliniques et paracliniques associés qui permettent l’orientation diagnostique (arbre décisionnel en figure 9).
Le bilan biologique de première intention comprend : bilan hépatique complet (transaminases, bilirubine totale et conjuguée, phosphatases alcalines, gamma-glutamyltransférase), hémogramme, taux de prothrombine, albuminémie et ionogramme sanguin.
L’examen d’imagerie de première intention est l’échographie abdominale. Une ponction biopsie hépatique est indiquée en dernier recours, en l’absence d’orientation. Contre-indications : ascite, troubles de l’hémostase non corrigés (taux de prothrombine < à 50 %, plaquettes < 60 G/L, TCA ratio > à 1,5), dilatation des voies biliaires.
Augmentation de taille de la vésicule biliaire
La vésicule biliaire n’est pas palpable en situation physiologique. Si elle l’est, il peut s’agir :
- d’un hydrocholécyste : distension de la vésicule liée à un calcul enclavé au niveau du collet vésiculaire ou dans le canal cystique ;
- d’une tumeur maligne du pancréas, qui comprime la voie biliaire principale, la vésicule est alors distendue du fait d’une rétention, et l’ictère est constant ;
- d’une cholécystite aiguë : la vésicule est alors sensible à la palpation (signe de Murphy) et le patient fébrile ; il est toutefois très rare que la vésicule soit palpable au cours d’une cholécystite ;
- d’une tumeur maligne de la vésicule : la vésicule est dans ce cas dure, irrégulière et fixée.
Autres causes
Plus rarement, une masse palpable en hypochondre peut correspondre à une tumeur de l’angle colique droit, une néphromégalie droite ou une lésion de la surrénale droite.
Masse de l’épigastre
Il peut s’agir d’une hypertrophie du lobe gauche du foie (fréquente au cours de la cirrhose), d’une lésion pancréatique, gastrique ou du côlon transverse.
Il faut redouter un adénocarcinome du pancréas si la masse est dure, sensible, fixée, s’associant à une altération de l’état général, à un ictère (si la tumeur est localisée au niveau de la tête du pancréas), et à des douleurs solaires (si elle est au niveau du corps). Un pseudokyste du pancréas, s’il est volumineux, peut aussi être palpable sous forme d’une masse ferme, rénitente et régulière : il correspond généralement à une séquelle de pancréatite aiguë.
Tumeur gastrique : la masse est dure, pierreuse, mais rarement isolée ; les symptômes digestifs sont habituellement au premier plan : épigastralgies, vomissements, hématémèse ou méléna. L’endoscopie œso-gastro-duodénale avec biopsies ciblées permet le diagnostic.
Masse de l’hypochondre gauche
Splénomégalie : une rate palpable est toujours pathologique, et peut avoir pour cause une hypertension portale, une hémopathie (hémolyse chronique, maladie lympho- ou myéloproliférative), une infection virale, bactérienne, fongique ou parasitaire, une maladie de surcharge…
Beaucoup plus rarement, une tumeur de la queue du pancréas, de l’angle colique gauche, de l’estomac ou du rein gauche peut être responsable d’une masse en hypochondre gauche.
#Masse des flancs
Une lésion développée aux dépens du muscle psoas (hématome le plus fréquemment, abcès ou tumeur plus rarement), d’un rein (polykystose, tumeur maligne, hydronéphrose), du côlon ou une tumeur rétropéritonéale primitive (sarcome essentiellement) peut se révéler par une masse palpable en flanc gauche ou droit. Une hépatomégalie volumineuse peut être palpée en flanc droit, de même qu’une splénomégalie importante peut être palpée en flanc gauche.
Masse de la région ombilicale
Il peut s’agir d’une tumeur ou d’un abcès de l’intestin grêle, d’une tumeur du côlon transverse ou du mésentère. Un volumineux anévrisme de l’aorte abdominale peut se révéler par une masse battante pulsatile associée à un souffle systolique à l’auscultation de ce quadrant.
Masse de la fosse iliaque droite
L’adénocarcinome du cæcum peut se manifester sous forme d’une masse en fosse iliaque droite, souvent associée à une anémie ferriprive, voire à du méléna ; les troubles du transit sont généralement absents. Une coloscopie avec biopsies de la tumeur permet le diagnostic.
Il peut également s’agir d’une maladie de Crohn compliquée d’un abcès (mode de révélation de la maladie ou complication au cours de son évolution) ou d’une appendicite abcédée ; le patient est alors fébrile et la masse douloureuse. La TDM montrera une collection liquidienne parfois hétérogène, éventuellement associée à d’autres lésions en cas de maladie de Crohn (épaississement des parois, sténose, fistule).
Une tumeur ou un abcès de l’ovaire peuvent également être palpés.
Masse de l’hypogastre
Les diagnostics à évoquer en priorité sont les suivants :
- grossesse méconnue : date des dernières règles, dosage des β-hCG ;
- globe vésical : il se présente comme une matité convexe vers le haut, et le contexte est souvent évocateur (patient âgé, période postopératoire, médicament favorisant) ; l’anurie n’est pas systématique puisqu’il peut y avoir des mictions par regorgement ;
- fécalome : le diagnostic se fait au toucher rectal.
Un fibrome utérin peut être palpé sous la forme d’une masse ferme, lisse, régulière et indolore (sauf s’il s’agit d’une torsion d’un fibrome pédiculé, qui est très douloureuse), mobile avec l’utérus, qui peut s’associer à une pesanteur pelvienne, des ménorragies ou encore des troubles mictionnels. L’échographie pelvienne permet la confirmation diagnostique.
Le cancer de l’endomètre se révèle le plus souvent par des métrorragies post-ménopausiques.
Masse de la fosse iliaque gauche
Elle peut correspondre à un abcès du sigmoïde, qui complique généralement une diverticulite aiguë sigmoïdienne ; le patient est fébrile, a classiquement une diarrhée, et la masse est sensible.
Une tumeur du sigmoïde peut se révéler par une masse, mais les rectorragies ou les troubles du transit sont le plus souvent au premier plan.
Une tumeur ou un abcès de l’ovaire peut également être palpé(e) en fosse iliaque gauche.
Enfin, une masse abdominale d’origine indéterminée peut correspondre à un corps étranger, notamment du matériel opératoire.
Les bons réflexes
- Le cliché d’abdomen sans préparation n’a pas sa place devant la découverte d’une masse abdominale. L’échographie abdominale est l’examen d’imagerie de première intention.
- La cirrhose ne s’accompagne d’une hépatomégalie qu’au stade initial (qui peut durer plusieurs années) ; le parenchyme hépatique s’atrophie ensuite avec l’évolution de la maladie.
- La palpation d’une masse épigastrique chez un patient qui consulte pour une altération de l’état général doit faire rechercher un adénocarcinome pancréatique.