Inspection médicale du travail. Si le rôle du médecin inspecteur du travail est de veiller à la bonne application des dispositions législatives et réglementaires concernant la prévention des risques d’atteinte à la santé du fait du travail, il a également bien d’autres missions.
La création de l’inspection médicale du travail date du début du xxe siècle en France. Les médecins inspecteurs du travail sont des médecins spécialistes en médecine du travail, agents publics, officiellement chargés de contribuer à l’amélioration des conditions de travail et investis de pouvoirs propres. La tâche fondamentale du médecin inspecteur du travail a consisté, dès l’origine, et consiste toujours, à surveiller et à aider à l’application correcte des dispositions législatives et réglementaires prescrites par le code du travail, concernant la prévention des risques d’atteinte à la santé du fait du travail et la protection de la santé des travailleurs.
Aujourd’hui, l’action du médecin inspecteur du travail déborde très largement du strict contrôle de l’application des dispositions législatives et réglementaires. Il est un conseiller et une ressource pour l’ensemble du système préventif de la santé au travail et pour le système d’inspection du travail rénové, notamment dans le cadre de la politique nationale et territoriale de santé au travail pour l’étude des risques d’atteinte à la santé du fait du travail, les conseils de prévention et l’évaluation des mesures prises. Il concourt également à la promotion de la santé et de la qualité de vie au travail ainsi qu’au maintien dans l’emploi.

De nombreux interlocuteurs

La mission du médecin inspecteur du travail est de veiller aux conditions de bien-être physique, mental et social des différents partenaires des entreprises : employeurs, salariés, représentants des travailleurs. Son indépendance constitue une condition essentielle pour qu’il puisse s’acquitter de ses fonctions délicates envers chacun de ses in- terlocuteurs avec l’impartialité, l’objectivité nécessaire et la confiance.
Les interlocuteurs du médecin inspecteur du travail sont multiples au sein de l’administration du travail (2 500 agents du système d’inspection du travail) et des autres ministères (Santé, Agriculture, Fonction publi- que, Transports, Recherche et Enseignement supérieur, Éducation…) ainsi qu’auprès des usagers (22 millions de travailleurs, 6 000 médecins du travail).
Le médecin inspecteur du travail collabore avec tout le système d’inspection du travail en ce qui concerne la protection de la santé dans le cadre de l’exercice déontologique de tout médecin mais aussi dans le cadre déontologique du service public de l’inspection du travail. En effet, la convention n° 81 de l’Organisation internationale du travail (OIT) sur l’inspection du travail, qui précise les principes de l’orga- nisation d’un système d’inspection du travail chargé d’assurer l’appli- cation des dispositions légales relatives aux conditions de travail et à la protection des travailleurs dans l’exercice de leur profes- sion, doit disposer des moyens nécessaires à ses missions, notamment en termes d’expertises médicales apportées par les médecins inspecteurs du travail.

Promouvoir la santé et la sécurité au travail

Au sein du ministère du Travail, l’objectif principal des avis du médecin inspecteur du travail est d’informer l’administration sur l’organisation et le fonctionnement des services de santé au travail. Il s’assure que les moyens mis à la disposition des différents professionnels animés et coordonnés par les médecins du travail permettent que toutes les actions conduites soient orientées vers la prévention primaire et la protection des risques d’atteinte à la santé des personnes du fait du travail : analyse des risques des entreprises prises en charge, conseils aux entreprises, suivis individuels de l’état de santé des travailleurs adaptés aux expositions. Il communique à la Direction générale du travail toutes les informations jugées indispensables pour évaluer les actions menées et orienter les politiques de santé au travail.
Rappelons que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) définit ainsi la médecine du travail :1« La mé- decine du travail traite de tous les aspects de la santé et de la sécurité sur le lieu de travail, l’accent étant mis en particulier sur la prévention primaire des risques. Les déterminants de la santé des travailleurs sont multiples, et comprennent les facteurs de risque sur le lieu de travail qui peuvent être la cause de cancers, d’accidents, d’affections de l’appareil locomoteur, de maladies respiratoires, d’une perte de l’audition, de maladies de l’appareil circulatoire, de troubles liés au stress et de maladies transmissibles et autres ». En 1995, le comité mixte OIT-OMS de la médecine du travail a élaboré une déclaration de consensus sur la santé au travail.2 Le médecin inspecteur du travail contribue à la préservation et à la promotion de la santé du travailleur et de sa capacité de travail ainsi qu’à l’amélioration du milieu de travail et du travail, qui doivent être rendus favorables à la sécurité et à la santé. Il participe à l’élaboration d’une organisation et d’une culture du travail qui développent la santé et la sécurité au travail.

Répondre aux sollicitations des usagers

De nombreux usagers (salariés et employeurs) sollicitent le médecin inspecteur du travail pour lui signa- ler des conditions de travail parti- culières et bénéficier de l’appui de l’inspection médicale du travail lorsqu’ils craignent qu’une situation professionnelle ne dégrade leur état de santé. Ils sollicitent également des conseils quant à l’application de la réglementation en matière de protection de la santé ou de sécurité au travail. Le médecin inspecteur du travail assure une passerelle entre le ministère du Travail, l’inspection du travail et la médecine du travail et ses usagers, notamment pour la promotion des bonnes pratiques dans les domaines de la santé et de la sécurité des travailleurs.

Veille sanitaire et alerte

Le médecin inspecteur du travail est aussi un interlocuteur régional incontournable de la médecine du travail (agences régionales de santé [ARS], caisses d’assurance retraite et de la santé au travail [CARSAT], service régional de la médecine du travail organisant les commissions régionales de reconnaissance des maladies professionnelles, facultés de médecine, sociétés régionales de médecine du travail, conseils départementaux de l’Ordre des médecins, etc.). Il soutient la veille sanitaire, qui prend en compte le déterminant de santé qu’est le travail. Cette surveillance sanitaire spécialisée nécessite notamment la mise en place de programmes spécifiques coordonnés, la constitution de réseaux et la participation à des programmes généraux de surveillance. À titre d’exemples, nous citerons :
– des programmes qui bénéficient d’une convention avec l’Agence nationale de santé publique, notamment le programme de surveillance des maladies à caractère professionnel (des médecins du travail volontaires s’engagent à signaler, lors de deux campagnes de deux semaines au cours de l’année, toutes les mala- dies qu’ils estiment, du fait de leur connaissance du milieu professionnel, en lien avec le travail), la gestion des alertes en santé au travail, la constitution d’une cohorte de salariés de surveillance des expositions et des effets sanitaires liés à l’exposition à des nanomatériaux manufacturés… ;
– l’enquête Surveillance médicale des expositions des salariés aux risques professionnels (Sumer) coordonnée par le ministère du Travail, notamment la Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) et la Direction générale du travail (DGT) via l’inspection médicale du travail (IMT). Les médecins du travail volontaires pilotés par les médecins inspecteurs du travail sont mis périodiquement à contribution pour enquêter. D’une période à l’autre, son champ s’est élargi et son questionnement s’est enrichi. La forte mobilisation et la qualité de l’expertise des médecins du travail ont contribué à la reconnaissance de cet outil comme base de données essentielle tant au niveau national qu’européen. L’enquête Sumer permet à l’État et aux partenaires sociaux de mieux cibler une politique du travail et de prévention. La répétition de ces enquêtes au fil du temps permet d’évaluer les effets de ces politiques de prévention et d’observer l’émergence de nouveaux risques. L’enquête permet ainsi de décrire, pour les 22 millions de salariés/agents en France des secteurs public et privé, plus de 300 expositions ou situations de travail, ainsi que les dispositifs de prévention mis en place dans les entreprises et le ressenti des salariés/agents vis-à-vis de leur travail.
Le médecin inspecteur du travail est un relais indispensable des autorités sanitaires nationales et régionales en cas d’alerte déclenchée par les autorités sanitaires auprès des médecins du travail et des services de santé au travail. Il agit en amont pour l’anticipation, la préparation et l’accompagnement des entreprises (employeurs et salariés) à une éventuelle crise sanitaire. En cas de crise, il organise la diffusion de l’information et des instructions émanant des autorités sanitaires et s’assure de leur mise en œuvre par les services de santé au travail et les médecins du travail. Il transmet toute infor- mation utile à la gestion de la crise à la Direction générale du travail qui est en lien avec le ministère de la Santé pilote de l’urgence.

Former les futurs médecins du travail

Enfin, le médecin inspecteur du travail contribue à la formation des futurs médecins du travail spécialistes. En Europe, la spécialité « médecine du travail » est réglementée, notamment par la directive européenne 2005/36/CE du 7 septembre 2005. Celle-ci précise, pour l’exercice de la médecine, les conditions de formation pour la reconnaissance des qualifications professionnelles entre les États membres. Selon dif- férentes études menées au niveau international3 ou européen,4 on observe un consensus sur les valeurs fondamentales et les connaissances prioritaires exigées pour exercer la médecine du travail quels que soient le mode et les modalités d’exercice de la spécialité. Ces compétences concernent en particulier l’analyse des risques d’atteinte à la santé dans le milieu de travail et leur gestion ainsi que de bonnes connaissances pour la pratique clinique de la médecine fondée sur les preuves (evidence-based practice), au regard des risques professionnels identifiés. Les capacités de management et d’animation d’équipe sont également reconnues incontournables.
Cependant, ces études récentes3, 4 rappellent les travaux publiés en 20005 qui mettent en évidence, dans trois réseaux européens de médecins du travail, une vision encore trop « traditionnelle » de l’exercice des médecins du travail orienté vers la détection de la survenue de maladies liées au travail.

PRÉVENTION PRIMAIRE PLURIDISCIPLINAIRE

En France, les recommandations de bonnes pratiques médicales en médecine du travail prennent en compte, au même titre que les préventions secondaire et tertiaire, la prévention primaire pluridisci- plinaire dont l’importance est sou- lignée par l’OMS pour la médecine du travail et rappelée dans toutes les nouvelles réglementations nationales en Europe.
Les récentes évolutions de la médecine du travail depuis les années 2000 précisent l’action de conseil du médecin du travail, d’analyse pluridisci- plinaire du milieu de l’entreprise et le développement de la promotion de la santé des travailleurs. C’est dans ce contexte que s’exerce l’action du médecin inspecteur du travail dont le rôle est essentiel pour accompagner les médecins du travail, les services de santé au travail, les entreprises et le système d’inspection du travail dans l’appropriation de ces récentes réformes et leur mise en œuvre.
Références
1. Organisation mondiale de la santé. Définition de la médecine du travail. OMS, 2018. http://www.who.int/topics/occupational_health/fr/

2. World Health Organization. Global strategy on occupational health for all. WHO, 1995. http://www.who.int/occupational_health/globstrategy/en/

3. Lalloo D, Dernou E, Kiran S, Cloeren M, Mendes R, Macdonald EB, et al. International perspective on common core competencies for occupational physicians: a modified Delphi study. Occup Environ Med 2016;73:452-8.

4. Loeppke R, Heron R, Bazas T, et al. Global trends in occupational medicine: results of the international occupational medicine society collaborative survey. J Occup Environ Med 2017;59:e13-e16.

5. Macdonald EB, Ritchie K A, Murray KJ, Gilmour WH. Requirements for occupational medicine training in Europe: a Delphi study. Occup Environ Med 2000;57:98-105.

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Résumé

Le médecin inspecteur du travail est un médecin spécialiste en médecine du travail, chargé de coopérer à la prévention des risques d’atteinte à la santé des travailleurs du fait du travail, à l’amélioration des conditions de travail et à la promotion de la santé au travail. Il contribue à la politique nationale et régionale de santé au travail, et assure une passerelle avec le secteur sanitaire territorial. Son action est essentielle pour conseiller et accompagner les médecins du travail, les services de santé au travail, les entreprises, les interlocuteurs régionaux de la médecine du travail et le système d’inspection du travail dans l’appropriation des récentes réformes prenant en compte le déterminant de santé qu’est le travail.