Durant la pandémie de SARS-CoV- 2, la téléconsultation a connu un essor inédit.
Cette pratique est encadrée par des textes datant de 2018. Elle est ouverte à tous les médecins, quels que soient leur spécialité, mode d’exercice, place dans le parcours de soins et secteur conventionnel. Si c’est au praticien de décider de la pertinence de son recours, des règles déontologiques s’appliquent néanmoins : informer le patient des modalités techniques et avoir obtenu son consentement, sécuriser les échanges de documents... De plus, téléconsultations et télé-expertises doivent représenter moins de 20 % du volume d’activité annuel.
Le remboursement de la téléconsultation est applicable à tous les patients sous trois conditions : respect du parcours de soins coordonné (avec des exceptions) ;1 alternance avec des consultations en présentiel ; inscription dans une logique d’ancrage territorial. Cette dernière condition, garde-fou essentiel, bénéficie pourtant de dérogations : patients résidant en zone d’intervention prioritaire ou orientés par le médecin régulateur du service d’accès aux soins.
La téléconsultation s’est bien installée dans l’exercice actuel et elle semble appréciée des médecins comme des patients. Elle permet, en effet, une souplesse d’organisation pour tous et la valorisation d’actes jusque-là effectués gratuitement. Néanmoins, cela est vrai lorsque la télémédecine est pratiquée en proximité et dans le cadre du parcours de soins coordonné comme établi, sauf exceptions, par la réglementation.
Ce qui n’est peut-être pas le cas pour les cabines de téléconsultation…
L’une des premières est apparue en 2018, à titre expérimental. Depuis, pléthore d’entreprises se sont lancées dans l’aventure, voyant là une manne.
Sur ou sans rendez-vous, généralement équipées d’un tensiomètre, d’un otoscope, d’un stéthoscope, d’un oxymètre et d’un dermatoscope, ces cabines ont d’abord été installées dans des officines, au sein de collectivités territoriales et dans des Ehpad.
Initialement très opposé à leur création, l’Ordre des médecins jugeait cette pratique « en contradiction directe avec l’organisation de notre système de santé ». Et puis – résigné ou convaincu ? – il a finalement fait des propositions d’encadrement : autorisation préalable du CDOM et de l’ARS avec le nom d’un médecin responsable, la liste des médecins téléconsultant avec activité présentielle majoritaire, la possibilité d’une prise en charge médicale sous quarante-huit heures dans un rayon de quinze minutes, un personnel formé et tenu au secret, les procédures d’hygiène, l’engagement de non-dérive commerciale...
Or c’est désormais dans les gares SNCF et les supermarchés qu’on trouve ces cabines ! Par exemple, celles installées chez Monoprix, à Paris, rendent possibles des consultations avec des médecins généralistes, pneumologues, gastroentérologues, tabacologues, gériatres et dermatologues. En avril 2021, la directrice du concept et de l’innovation de cette enseigne confiait cette édifiante formule à RTL : « Au même titre qu’on vend des pommes bio et des vêtements, il est important pour nous d’adresser ces nouveaux besoins que sont ceux de prendre soin de soi. »
Une cabine coûte environ 500 euros mensuels, frais de fonctionnement inclus. L’installation en supermarché permet évidemment de pallier l’éventuel non-renouvellement de contrats actuellement établis avec les officines et communes…
On l’a vu, un accompagnement par un professionnel formé et soumis au secret est indispensable. Possible dans les supermarchés ? alors même que cela était déjà difficile dans les autres lieux d’installation ? Le Monde écrivait ainsi récemment : « Sur le terrain, des dysfonctionnements sont déjà visibles, notamment sur l’entretien des cabines, dont la charge revient normalement aux pharmaciens : “ Nous ne nous en occupons pas, c’est au patient de nettoyer les instruments avant la consultation ”, explique-t-on dans plusieurs officines. Pourtant, aucune indication n’en avertit généralement le patient. »2
Les recommandations de bonne pratique semblent bien fragiles face à une réalité apparemment déjà presque hors de contrôle… l’acte médical, un produit de consommation comme un autre… Bien loin de la relation privilégiée médecin-patient, bien loin d’une médecine holistique et préventive pourtant affichée sur le fronton du ministère. Or, si l’on en doutait, des études confirment l’intérêt du lien de confiance : par exemple, cet article paru dans le JAMA montrant que les patients téléconsultants vus par leur médecin traitant se rendent moins aux urgences dans les sept jours suivants que ceux vus par un médecin extérieur…3