Plusieurs verrous de sécurité permettent d’éviter ces interactions à risque, mais dans la vraie vie ils ne fonctionnent pas toujours :
- le prescripteur doit penser à informer l’usager des risques à prendre des médicaments sans ordonnance ;
- l’usager doit penser à signaler la prise de tous ses traitements lors de l’achat de médicaments sans ordonnance, sans trier entre ceux qui paraissent ou non importants à signaler ;
- le pharmacien doit rechercher la prise d’autres traitements avant la délivrance des médicaments sans ordonnance, au comptoir, ou sur le site en ligne.
La liste des interactions possibles est très longue, seuls les exemples les plus fréquents ou à risque sont évoqués ici. Le plus souvent, ces interactions sont sans conséquence, mais il faut y penser quand un événement indésirable survient de manière inattendue.
Médicaments sans ordonnance
Les AINS sont les médicaments à plus haut risque, car leur usage est banalisé, alors que les interactions sont potentiellement graves :
- lithium : risque de surdosage par diminution de l’élimination rénale, surtout en cas de prise ponctuelle sur quelques jours sans adaptation de dose ; si la dose d’AINS est stable, on peut les prescrire en même temps que le lithium, en diminuant la dose de ce dernier de 25 à 30 % et surveillant la lithiémie ;
- antidépresseurs : augmentation du risque de saignement digestif des AINS par l’effet anti-agrégant plaquettaire des inhibiteurs du recaptage de la sérotonine (ISRS).
L’oméprazole (IPP) peur interagir avec :
- les antidépresseurs : risque de surdosage par inhibition des enzymes CYP2C9 et CYP2C19 responsables du métabolisme de plusieurs ISRS (fluoxétine, sertraline, citalopram) ;
- le diazépam : risque de surdosage par inhibition du CYP2C19 (d’autres benzodiazépines comme l’oxazépam et le lorazépam ne sont pas concernées) ;
- clozapine : risque de sous-dosage (surtout chez les non-fumeurs) par induction du CYP1A2.
Dextromethorphane (antitussifs) :
- antidépresseurs : risque de surdosage par inhibition du CYP2D6 (fluoxétine, paroxétine, fluvoxamine, bupropion, venlafaxine, etc.)
Diphenhydramine (mal des transports) :
- antidépresseurs : risque de surdosage par inhibition du CYP2D6.
En figure 1, un schéma synthétisant ces interactions.
Phytothérapie
Les produits de phytothérapie à base de plantes sont souvent considérés comme sans risque puisque « naturels ». Or, les plantes contiennent des substances actives utilisées dans de nombreux médicaments. Ces produits peuvent donc interagir avec d’autres traitements, et entraîner l’apparition d’effets indésirables.
La plante la plus à risque pour les usagers de psychotropes est le millepertuis (herbe de St Jean). Son efficacité dans la dépression a été démontrée, et son usage est préconisé en association ou en alternative aux antidépresseurs dans de nombreuses recommandations internationales. Elle est très utilisée en Allemagne par exemple.
Le millepertuis a des effets inducteurs (augmentation de l’activité) de l’enzyme CYP3A4 responsable du métabolisme de nombreux médicaments avec un risque de sous-dosage. Les psychotropes concernés sont l’amitriptyline, plusieurs antipsychotiques (clozapine, rispéridone, quétiapine), le zolpidem et le bupropion.
Pour mémoire cet effet inducteur existe aussi pour la pilule contraceptive, avec donc un risque de perte d’efficacité.
Le millepertuis inhibe le recaptage de la sérotonine, comme la quasi-totalité des antidépresseurs. L’association millepertuis-antidépresseur peut donc entraîner un syndrome sérotoninergique lié à une trop grande concentration de ce neurotransmetteur. Les symptômes d’alerte sont : fièvre, sueurs, tachycardie, hypertension, tremblements, confusion, etc.
Le biloba a une faible efficacité sur les symptômes psychotiques, exclusivement en association avec un traitement antipsychotique. Le principal risque de ce produit est lié aux effets anti-aggrégant plaquettaire, qui augmentent le risque de saignement avec les antidépresseurs ISRS.
Le ginseng n’a pas d’effet spécifique démontré dans les troubles psychiques, mais peut aussi entraîner des saignements avec les antidépresseurs par les mêmes mécanismes.
Les interactions sont résumées dans le schéma en figure 2.