Une patiente de 72 ans, diabétique bien équilibrée par l’association biguanide-sulfamide, consulte pour une lésion exophytique de l’orteil (figure) évoluant depuis un an, qu’elle attribue à un traumatisme sous-unguéal et qui serait consécutive à une plaie initiale.
Un traitement par antifongique local (solution filmogène d’amorolfine) et antibiotiques (association d’acide clavulanique et d’amoxicilline) a été instauré sans délai par des confrères pour limiter les complications. Face à la persistance de la lésion, la patiente craint l’amputation ; un doppler artériel est réalisé et se révèle normal.
Un nouvel examen minutieux objective deux éléments :
- une pachyonychie importante en rapport avec une onychomycose associant atteintes de la tablette et de la matrice ;
- une lésion bourgeonnante à l’extrémité de la tablette unguéale, mal limitée au niveau polaire supérieur, et apparaissant recouverte d’un enduit muqueux.
L’existence d’une lésion exophytique à l’extrémité de l’ongle, persistant depuis une année, doit interpeller ; une biopsie est donc réalisée. L’analyse anatomopathologique révèle un mélanome malin unguéal achromique.

Bien que le mélanome malin achromique puisse être observé sur toutes les parties du corps – avec une prépondérance pour les zones photoexposées –, il est toutefois plus fréquent aux extrémités, notamment au niveau unguéal.1 L’atteinte de l’ongle de l’hallux et du secundus est prépondérante, le volume de la matrice unguéale y étant plus important.2 Le sex ratio est égal à 1, et cette tumeur survient plus volontiers chez la personne âgée.1 L’incidence des mélanomes unguéaux se situe entre 0,75 et 3,5 % de l’ensemble des mélanomes ; ce taux augmente chez les sujets à phototype foncé (15 à 20 %).3 Enfin, le mélanome malin achromique représente entre 11,7 et 22,8 % des mélanomes unguéaux.4 Le caractère achromique serait à mettre en relation avec une accumulation de tyrosinase au niveau du réticulum endoplasmique, laquelle serait transformée par les protéasomes.5
L’origine de cette entité n’est pas clairement définie, mais certains auteurs évoquent une cause traumatique – les doigts et les orteils étant plus exposés aux chocs.
Initialement, le mélanome a l’aspect d’un granulome pyo­génique (50 % des cas) ;4 il peut détruire la tablette unguéale ou la déformer.6
Le diagnostic, qui est anatomopathologique, est souvent posé tardivement du fait de la présentation atypique et d’un possible retard à consulter. Ainsi, seuls 20 % des mélanomes malins unguéaux achromiques sont diagnostiqués au stade 1 de la classification TNM (tumor-node-metastasis),1 ce qui explique son pronostic fréquemment péjoratif.

Références

1. Benyass Y, Chafry B, Koufagued K, et al. Récidive de mélanome malin unguéal achromique : à propos d’un cas. Pan Afr Med J 2015;22:320.
2. Banfield CC, Redburn JC, Dawber RP. The incidence and prognosis of nail apparatus melanoma: a retrospective study of 105 patients in four English regions. Br J Dermatol 1998;139(2):276-9.
3. Blessing K, Kernohan NM, Park KG. Subungual malignant melanoma: clinicopathological features of 100 cases. Histopathology 1991;19(5):425-9.
4. Scher RK, Daniel CR. Onychologie. Diagnostic. Traitement. Chirurgie. Paris: Elsevier Masson; 2007.
5. Avril MF. Aspects cliniques du mélanome cutané. Rev Prat 2004;54(11):1187-92.
6. Baran R, De Berker DAR, Holzberg M, et al. Diseases of the Nails and their Management. Ed. Wiley-Blackwell; 2012.

Une question, un commentaire ?