Il est urgent d’agir !

L’espérance de vie des femmes augmente et cela allonge la période post-ménopause. Or cette situation à risque cardio­vasculaire (CV) spécifique, n’est pas encore intégrée par les professionnels de santé et les femmes : ces dernières restent sous-dépistées, sous-traitées et sans véritable suivi coordonné cardio-gynécologique. Les maladies cardiovasculaires sont devenues la première cause de mortalité féminine en France et en Europe, avec 6 fois plus de décès que par cancer du sein.Trois raisons à cela :
– les symptômes atypiques ;
– la sous-estimation des facteurs de risque cardiovasculaire (FRCV) spécifiquement féminins : contraception combinée, grossesse, ménopause, endométriose, syndrome des ovaires polykystiques, migraine avec aura… ;
– l’exposition de plus en plus précoce aux FRCV traditionnels.
Ainsi, à âge égal, les hommes ont moins de FRCV. Plus de 80 % des femmes ont au moins 2 FRCV après 45 ans...3, 4
Étape incontournable de la vie, la ménopause survient en moyenne vers 51 ans.5 Le déficit progressif en estrogènes est associé à une période de transition métabolique et vasculaire.5, 6 La première se manifeste par une prise de poids androïde, favorisant insulino­résistance, diabète, diminution du HDL- cholestérol et augmentation du LDL- cholestérol.6 La transition vasculaire apparaît ensuite, avec activation de la coagulation, dysfonction endothéliale et rigidité artérielle.6 À la clé, une HTA plutôt systolique, une progression de la maladie athéromateuse et des accidents thrombotiques. Le risque cardiovasculaire devient alors équivalent à celui de l’homme.6, 7-10
Dépister les FRCV et conseiller des règles hygiénodiététiques adaptées aux femmes de plus de 50 ans offre une prévention optimale.7, 8

Mieux évaluer le risque cardiovasculaire de la femme

Une prévention efficace nécessite d’identifier précocement les femmes à risque modéré à très élevé relevant d’interventions spécifiques. Les scores usuels ne sont pas adaptés à cette population, car aucun n’intègre le déficit hormonal.
En France, la Haute Autorité de santé (HAS) conseille d’utiliser le score européen ESC-SCORE (qui convient aux pays à bas risque CV) pour guider la décision de traiter (www.has-sante.fr). Celui-ci tient compte du sexe et des principaux facteurs de risque classiques (âge, cholestérol total, ou ratio cholestérol total/HDL-C, pression artérielle systolique, statut tabagique). L’ESC-score calcule le risque absolu de mortalité CV à 10 ans chez des femmes entre 40 et 65 ans qui sont, au moment de la consultation, estimées en bonne santé CV. Celles à haut ou très haut risque ne sont pas concernées puisqu’elles relèvent automatiquement d’un traitement adapté.
En 2018, la Société française d’HTA a élaboré un consensus du risque CV de la femme (www.sfhta.eu) avec 15 préconisations (méthode GRADE). Cette stratification a tenu compte des recommandations de la HAS, de la société européenne de cardiologie, de guidelines américains et européens et de l’actualisation des FRCV émergeants de la femme (tableau).11, 12
Les experts français prennent en compte : consommation de tabac, indice de masse corporelle, circonférence abdominale, diabète, glycémie à jeun, dyslipidémie, antécédents CV familiaux précoces, altération de la fonction rénale, détection d’une protéinurie.
Ils incitent par ailleurs à évaluer la sédentarité, le stress psycho-social, les antécédents personnels de migraines avec aura, d’HTA de la grossesse (HTA gravidique, prééclampsie, HELLP syndrome), de retard de croissance intra-utérin ou de diabète gestationnel. Ils suggèrent de dépister un syndrome d’apnées du sommeil devant des signes cliniques évocateurs.
Le traitement hormonal de la ménopause (THM) fait encore l’objet de controverses.13 Les experts du consensus de la Société française d’HTA ont précisé ses indications : voie transdermique, femme de moins de 60 ans, symptômes climatériques invalidants, faible RCV et ménopause datant de moins de 10 ans.
L’information éclairée de la patiente sur la balance bénéfice-risque du THM repose sur la double évaluation cardiovasculaire et gynécologique (figure).

Proposer une consultation de dépistage

Un parcours de santé « Cœur, artères et femmes », conforme au référentiel de la HAS, a été mis en place depuis 2013 au CHU de Lille. Il permet d’appréhender la santé globale de la femme, de développer la pluridisciplinarité et d’établir des bilans CV et des suivis structurés des femmes à risque.
Il nexiste pas d’acte codant pour une consultation longue de dépistage du risque CV. Ce qui signifie qu’il n’y a pas de remboursement spécifique par la Sécurité sociale. Pour y parvenir, une expérimentation formalisée sur 3 ans dans le cadre du dispositif d’innovation en santé, dit « article 51 » (code de la Sécurité sociale) a été mise en place dans les Hauts-de-France. La Caisse primaire d’Assurance maladie, les unions régionales des professionnels de santé, le CHU de Lille et des associations de prévention sont réunis autour de ce projet.
Cette consultation permettra de dépister en soins primaires (gynécologue ou médecin traitant) les femmes à risque CV incertain et de proposer, via une télé­consultation cardiologique, un bilan cardiovasculaire personnalisé.
Encadre

Que dire à vos patientes ?

La ménopause est l’occasion de faire un point sur votre santé cardiovasculaire et gynécologique.

Il est possible d’anticiper la prise de poids et l’apparition d’un syndrome métabolique en améliorant votre hygiène de vie (sel, activité physique, stress, sommeil, tabac, alcool…).

Préparez votre consultation en apportant vos ordonnances, vos derniers bilans biologiques et/ou comptes rendus médicaux, en effectuant un relevé d’automesure si vous êtes hypertendue.

N’hésitez pas à parler de vos symptômes (bouffées de chaleur, troubles du sommeil, irritabilité, douleurs articulaires, sécheresse vaginale…) pour discuter de l’intérêt d’un traitement hormonal de la ménopause (si vous avez moins de 60 ans, une ménopause récente et aucune contre-indication cardiovasculaire ou gynécologique).

Conseiller la consultation des sites suivants :

www.agirpourlecoeurdesfemmes.com, permettant d’alerter, d’agir et d’accompagner les femmes dans une médecine préventive ;

www.comitehta.org (Comité français de lutte contre l’HTA) ;

www.sfhta.eu (Société française d’HTA) pour télécharger le consensus « HTA, hormones et femmes ».

Encadre

« Agir pour le cœur des femmes » : un fonds de dotation dédié à la santé féminine

À vocation nationale et internationale, il a été créé par Thierry Drilhon, haut dirigeant d’entreprises et Claire Mounier-Véhier pour impliquer tous les acteurs économiques et de santé dans ce combat devenu sociétal (www.agirpourlecoeurdesfemmes.com).

Références
1. Surveillance de la mortalité par cause médicale en France : les dernières évolutions. BEH (n° 29-30). Novembre 2019. https://bit.ly/2H7ZeRj
2. Townsend N, Wilson L, Bhatnagar P, et al. Cardiovascular disease in Europe: epidemiological update 2016. Eur Heart J 2016;37:3232-45.
3. EUROASPIRE II Study Group. Lifestyle and risk factor management and use of drug therapies in coronary patients from 15 countries; principal results from EUROASPIRE II Euro Heart Survey Programme. Eur Heart J 2001;22:554-72.
4. Kotseva K, De Bacquer D, De Backer G, et al.; Euro- aspire Investigators. Lifestyle and risk factor management in people at high risk of cardiovascular disease. A report from the European Society of Cardiology European Action on Secondary and Primary Prevention by Intervention to Reduce Events (EUROASPIRE) IV cross-sectional survey in 14 European regions. Eur J Prev Cardiol 2016;23:2007-18.
5. Gurka MJ, Vishnu A, Santen RJ, et al. Progression of Metabolic Syndrome Severity During the Menopausal Transition. J Am Heart Assoc 2016;5:e003609.
6. Munir JA, Wu H, Bauer K, et al. The perimenopausal atherosclerosis transition: relationships between calcified and noncalcified coronary, aortic, and carotid atherosclerosis and risk factors and hormone levels. Menopause 2012;19:10-5.
7. Lundberg GP, Dunbar SB, Wenger NK. Guidelines for the Reduction of Cardiovascular Disease in Women. J Obstet Gynecol Neonatal Nurs 2016;45:402-12.
8. Sarri G, Davies M, Lumsden MA; Guideline Development Group. Diagnosis and management of menopause: summary of NICE guidance. BMJ 2015;351: h5746.
9. Perrine AL, Lecoffre C, Blacher J, Olié V. L’hypertension artérielle en France : prévalence, traitement et contrôle en 2015 et évolutions depuis 2006. BEH (n° 10). Avril 2018. https://bit.ly/3o8bZM5
10. Woodward M. Cardiovascular Disease and the Female Disadvantage Int J Environ Res Public Health 2019;16:1165.
11. Maas AHEM, Bairey Mzea CN. Manual of gyne- cardiology. Female-specific cardiology. Springer; 2017: 259 p.
12. Brown HL, Warner JJ, Gianos E, et al.; American Heart Association and the American College of Obstetricians and Gynecologists. Promoting Risk Identification and Reduction of Cardiovascular Disease in Women Through Collaboration With Obstetricians and Gynecologists. Circulation 2018;137:e843-e852.
13. Muka T, Oliver-Williams C, Kunutsor S, et al. Association of Age at Onset of Menopause and Time Since Onset of Menopause With Cardiovascular Outcomes, Intermediate Vascular Traits, and All-Cause Mortality: A Systematic Review and Meta-analysis. JAMA Cardiol 2016;1:767‑76.

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essentiel

La ménopause expose à un risque cardiovasculaire accru.

Les mesures préventives combinent dépistage des FRCV et mesures hygiéno-diététiques.

Une nouvelle stratification du RCV de la femme a été proposée par la Société française d’HTA.

Les indications et les modalités de prescription du traitement hormonal de la ménopause ont été précisées.