Des études animales indiquent que le vieillissement varie entre les organes d’un même individu, mais jusqu’ici les études humaines proposant une évaluation de cet âge « biologique » (en opposition à l’âge chronologique) de différents organes étaient difficiles à transférer en vie réelle. En cause, des approches invasives requérant le prélèvement de tissus ou bien des techniques coûteuses comme l’imagerie IRM ne permettant pas d’obtenir des informations moléculaires.
Afin de dépasser ces écueils, une équipe internationale de chercheurs a mesuré dans le plasma de 5 676 sujets issus de cinq cohortes indépendantes d’adultes un ensemble de 4 778 protéines, ultérieurement utilisées pour évaluer la différence d’âge entre un organe donné et l’organisme entier. La présence de ces protéines a été cartographiée par organe en se basant sur des données de séquençage des ARN associés. Les gènes utilisés ont été considérés comme enrichis dans un organe donné s’ils étaient au moins quatre fois plus exprimés dans celui-ci que dans l’ensemble des 11 organes étudiés, ce qui concernait en tout 893 des protéines testées.
À l’issue de ces analyses d’âge des organes, publiées en décembre 2023 dans Nature, les chercheurs ont constaté que 18,4 % des individus de leurs cohortes avaient un vieillissement accéléré d’un seul organe. Un tel vieillissement concernait plusieurs organes chez 1,7 % des sujets, qui étaient majoritairement issus de cohortes regroupant des personnes âgées. Le profil de vieillissement accéléré d’un organe était associé à un risque de mortalité plus élevé de 20 % à 50 %, et les organes touchés avaient des profils d’expression protéique corrélés avec des maladies connues de ces organes – par exemple, un âge cardiaque avancé augmente le risque d’insuffisance cardiaque ultérieure de 250 %.
Les auteurs en déduisent que leur méthode de calcul et d’interprétation du vieillissement des organes permet de prévoir la survenue d’une maladie dans un organe donné, comme l’illustre le fait qu’un âge avancé du cerveau et des vaisseaux permet de suivre l’évolution d’une maladie d’Alzheimer de manière indépendante et aussi bien que le dosage dans le plasma de la protéine p-Tau- 181 (meilleur biomarqueur sanguin disponible aujourd’hui).
Ainsi, connaître l’âge biologique des principaux organes permettrait de mettre en place précocement des moyens de prévention ad hoc pour chaque personne.