La mort inattendue du nourrisson (MIN) est définie comme
.
Au terme du bilan étiologique exhaustif recommandé par la HAS
(anamnèse, examen du lieu de décès et clinique, prélèvements biologiques, imagerie, autopsie), une cause est retrouvée dans environ 50 % des cas (infectieuse, génétique, cardiaque, métabolique, traumatique, accidentelle…) ; en l’absence d’explication, on parle de mort subite du nourrisson (MSN).
En France, c’est la première cause de mortalité infantile, avec une des plus fortes prévalences européennes (0,4/ 1 000 naissances). Il s’agit dans 90 % des cas de bébés de moins de 6 mois. On compte 400 à 500 MIN chaque année, nombre qui stagne depuis les années 2000, après une diminution spectaculaire (de plus de 75 %) obtenue immédiatement après les campagnes nationales « Je dors sur le dos » des années 1990.1, 3-5 La MSN est considérée comme un modèle plurifactoriel « de triple risque », 3 éléments concourant à sa survenue :

– vulnérabilité de l’enfant (prématuré, petit poids de naissance…) ;
– période critique du développement – principalement entre 1 et 6 mois – où l’immaturité neurologique, autonomique, respiratoire et cardiaque est marquée ;
– exposition à des facteurs externes de « stress » (décubitus ventral ou latéral, tabagisme passif, couchage sur une surface inadaptée, objets dans le lit, infections…).
On estime aujourd’hui qu’environ 50 % des MIN seraient évitables si les simples recommandations sur le couchage et l’environnement
du nourrisson étaient respectées. La prévention est donc actuellement le meilleur moyen de réduire le nombre de décès.

Quelles mesures ?

Les guidelines de l’American Academy of Pediatrics (AAP),5, 6 relayées par l’Association nationale des centres référents de la mort inattendue du nourrisson (ANCReMIN), ont été mises à jour en octobre 2016.

On recommande de coucher les nourrissons en décubitus dorsal strict, dans une gigoteuse (adaptée à la taille et à la saison), sur un matelas ferme et dans un lit à barreaux, sans coussin, drap, couette, oreiller, tour de lit, matelas surajouté (notamment dans un lit parapluie), cale-bébé, ni autres objets (doudous, peluches…) susceptibles de recouvrir et étouffer ou confiner l’enfant ; la chambre ne doit pas être surchauffée et l’air doit circuler.

Le décubitus dorsal n’augmente pas le risque de régurgitation, de fausse route ou de vomissement même en cas de reflux gastro-œsophagien ; la surélévation de la tête en proclive pour le réduire est inutile, voire dangereuse, car elle compromet la respiration de l’enfant s’il glisse vers le bas. Enfin, le risque de MSN est identique que le nourrisson dorme sur le côté ou en décubitus ventral (
entre 2,5 et 13 selon les études).
L’exposition au tabac ou à tout autre toxique (substituts nicotiniques, cannabis) pendant la grossesse ou après la naissance est considérée comme le 2e facteur de risque ; les études estiment qu’un tiers des décès serait évitable en l’absence de tabagisme maternel anténatal. La toxicité fœtale de la nicotine et du CO concerne le poumon, le système immunitaire, et particulièrement le cerveau, entraînant une altération des structures impliquées dans le contrôle respiratoire autonome, source de plus grande vulnérabilité.

Dormir avec le nourrisson dans le même lit est dangereux et multiplie par 5 le risque de MSN, indépendamment d’autres facteurs (couverture, tabagisme ou prise de toxique par les parents). Dans le lit des parents, même couché sur le dos, l’enfant se trouve exposé aux risques d’enfouissement, d’hyperthermie en raison des oreillers, draps, couvertures ou couettes. Le confinement respiratoire est possible s’il place son visage trop près d’un adulte ou dans un objet de literie. S’y surajoute le risque d’écrasement thoracique, si un des parents dort lourdement, appuyé sur le thorax du bébé.

À l’inverse, dormir dans la même pièce réduirait le risque de 50 % ; l’AAP conseille cette pratique pendant les 6 premiers mois au moins (âge critique de la MSN), voire la première année. Cela facilite en effet la surveillance de l’enfant et permet de le repositionner plus facilement dans son lit en cas d’allaitement. Il n’y a pas d’étude permettant d’indiquer ou contre-indiquer les berceaux fixés au lit (cododo), mais il est indispensable toutefois de respecter les autres règles de couchage.

Dans son rapport, l’AAP met en évidence les effets bénéfiques de l’allaitement maternel pendant les 6 premiers mois, surtout s’il est exclusif, mais sans pour autant partager le lit. Bien que le mécanisme ne soit pas clairement élucidé (stimulant respiratoire ?), la tétine aurait un rôle protecteur si utilisée au moment de l’endormissement et non fixée à l’enfant (risque de strangulation) ; enfin l’AAP souligne un bénéfice des vaccinations, recommandées pour les nourrissons, sans majoration du risque de MSN. En dehors de certaines indications médicales, les appareils de surveillance cardiorespiratoire à domicile pour détecter apnées et bradycardie ne sont pas recommandés.

En écharpe ou dans le porte-bébé, il faut veiller à ce que la bouche et le nez de l’enfant soient bien dégagés et à l’air libre.

Enfin, pour prévenir la plagiocéphalie postérieure non synostotique liée au couchage dorsal strict, il faut changer plusieurs fois par jour le positionnement de la tête de l’enfant dans son lit ; à l’éveil, proposer des stimulus visuels des 2 côtés (jeux sur tapis de sol, position ventrale sous surveillance), en respectant la motricité libre du nourrisson et en supprimant toute contrainte physique (cale-bébé, maxicosy, transat…). Les supports mous type « cocon de positionnement » ou coussin « anti-tête plate », inutiles, voire néfastes, sont à proscrire en dehors des services de néonatologie et d’indications médicales très spécifiques.

Des centres dédiés

En 1986, la circulaire interministérielle du 14 mars (DGS/DH/225/2B) a défini les centres de référence régionaux MIN (CRRMIN) dont la mission principale est de prendre en charge, dans une structure hospitalière adaptée, les enfants décédés de mort inattendue du nourrisson et de réaliser les investigations diagnostiques nécessaires et recommandées par la HAS, afin d’établir la cause du décès. Ils ont aussi la vocation d’accompagner les familles, de favoriser la recherche clinique – en mettant en place ou en participant à des études pour mieux comprendre les mécanismes de cette pathologie –, de participer à la formation des professionnels de santé et de diffuser l’information aux parents (conseils de prévention).
En 2013, ces centres se sont réunis au sein de l’Association nationale des centres référents de la mort inattendue du nourrisson (ANCReMIN). À l’initiative de celle-ci et en collaboration avec le CHU de Nantes, l’Observatoire national des morts inattendues du nourrisson (OMIN) a été créé en mai 2015, avec pour mission de recueillir – avec l’accord des parents –, les données épidémiologiques, socio-environnementales, pharmacologiques, cliniques et paracliniques de tous les enfants décédés de MIN pris en charge dans un centre référent français.

Une collection d’échantillons biologiques devrait prochainement être mise en place.
Depuis sa création, 296 cas de MIN ont été inclus dans l’Observatoire. L’analyse des premières données est en cours d’élaboration.
Encadre

Recommandations

Enfant seul dans son lit

Dans la chambre des parents jusqu’à 6 mois au moins, si possible la première année

En décubitus dorsal

Dans une turbulette

Sur un matelas ferme

Dans un lit vide, aéré

Dans une pièce non surchauffée (19-20 °C) ; découvrir l’enfant s’il fait plus chaud

Pas d’exposition au tabac

Fiche pratique
1. Fleming PJ, Blair PS, Pease A. Sudden unexpected death in infancy: aetiology, pathophysiology, epidemiology and prevention in 2015. Arch Dis Child 2015;100:984-8.

2. HAS. Prise en charge en cas de mort inattendue du nourrisson (moins de 2 ans). Recommandations de bonne pratique. Argumentaire. Février 2007. https://bit.ly/2BUckfA

3. Pavillon G, Laurent F. Certification et codification des causes médicales de décès. BEH 2003;n° 30-31:134-8.

4. Bloch J, Denis P, Jezewski-Terra D; Comité de pilotage InVS. Les morts inattendues du nourrisson de moins de 2 ans. Enquête nationale 2007-2009. https://bit.ly/2UqxAki

5. Moon RY; Task Force on Sudden Infant Death Syndrome. SIDS and Other Sleep Related Infant Deaths: Evidence Base for 2016 Updated Recommendations for a Safe Infant Sleeping Environment. Pediatrics 2016;138:pii: e20162940.

ANCReMIN : Association nationale des centres référents de la mort inattendue du nourrisson ; CHU de Montpellier, 34090 Montpellier.

OMIN : Observatoire national de la mort inattendue du nourrisson. Coordonnateur médical scientifique : Dr Karine Levieux, hôpital Femme-Enfant-Adolescent, 44093 Nantes Cedex 1. Tél. secrétariat : 02 40 08 44 54 ; mail : karine.levieux@chu-nantes.fr

Naître et vivre : pour l’étude et la prévention de la mort inattendue du nourrisson et l’accompagnement des parents en deuil d’un tout-petit ; oriente en fonction de la demande vers des contacts locaux. Tél. : 01 47 23 05 08, 24 h/24, 7 j/7 ; 5, rue La Pérouse,75116 Paris. Mail : contact@naitre-et-vivre.org ; site web : www.naitre-et-vivre.org

Association SA VIE : aide au développement et au financement de la recherche sur le syndrome de la mort subite du nourrisson et de la mort subite in utero et accompagne les parents. Tél. : 06 13 57 75 05/07 70 38 25 79, 24 h/24, 7 j/7 ; 8, impasse Richeux, 44100 Nantes. Mail : contact@sa-vie.org ou partageons-ensemble@sa-vie.org ; site web : www.sa-vie.fr

Protégez-moi : les règles d’or de ma première année (CHU de Montpellier). https://bit.ly/2rm3NvF

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés
essentiel