Élaborer une hypothèse de travail et expliquer les processus expérimentaux mis en œuvre.
Analyser, discuter et présenter une étude expérimentale ou observationnelle.
Analyser et argumenter les grands types d’études en santé.
Décrire l’information du patient et le consentement éclairé.
Connaître les grands principes de la réglementation de la recherche en santé (voir item 9).
Recherche en santé
La recherche clinique comprend la recherche effectuée directement chez l’homme et celle effectuée à partir d’éléments du corps humain et de données identifiables, c’est-à-dire que l’on peut relier à une personne en particulier. Elle est située en aval de la recherche fondamentale sur laquelle elle s’appuie.
Démarche
L’objectif de recherche découle de cette question, il représente la contribution que les chercheurs espèrent apporter aux connaissances en validant ou en invalidant l’hypothèse de recherche. Le choix du type d’étude, de son schéma général, de ses méthodes, formalisés dans un document écrit, le protocole, découle de la nature de l’objectif.
À l’issue de la recherche, l’analyse et l’interprétation de ses résultats permettent de confirmer ou d’infirmer l’hypothèse de départ.
Ainsi, les grandes étapes d’une recherche clinique sont :
- la rédaction d’un protocole préalablement à la recherche. Le protocole est un document écrit contenant tous les éléments scientifiques, techniques, organisationnels, réglementaires et budgétaires liés à la réalisation d’une étude. Ce protocole comprend un état des connaissances et une justification scientifique de la recherche, une formulation de l’objectif de recherche, une description détaillée de la méthodologie et du déroulement de la recherche. Ses destinataires en sont les instances éthiques et réglementaires qui vont autoriser la recherche, les financeurs éventuels et les différents acteurs de cette recherche ;
- la conduite de la recherche proprement dite, qui comprend une intervention le cas échéant, un recueil et une analyse des données. Cette conduite se doit de respecter les « bonnes pratiques » qui sont définies comme un ensemble d’exigences de qualité dans les domaines éthique et scientifique, reconnues au plan international, qui doivent être respectées lors de toutes les étapes de la réalisation d’une recherche ;
- la rédaction d’un rapport, en général sous la forme d’un article scientifique.
Différents types et champs de la recherche clinique
Les principaux champs de la recherche clinique sont :
- la recherche biologique, génétique, physiologique, physiopathologique qui étudie les mécanismes du fonctionnement normal et pathologique de l’organisme ;
- la recherche épidémiologique, qui s’intéresse à la description et à l’explication des maladies et de leur évolution. Nous sommes plus particulièrement concernés dans ce cadre par l’épidémiologie dite clinique, dont le domaine d’étude est la population des malades, et dont l’application est aussi individuelle, par l’utilisation de ses résultats comme aide à la décision clinique. Les études pronostiques trouvent leur place dans ce cadre ;
- la recherche évaluative, qui s’intéresse à évaluer l’effet des interventions quels qu’en soient le niveau (préventif, diagnostique et thérapeutique), le type (technique, pratique, action, stratégie, organisation) et la nature (médicamenteuse ou non). L’effet peut être exprimé en termes de résultats de santé (tels que la létalité ou la qualité de vie) ou de relations entre des coûts et des résultats de santé (évaluations médico-économiques).
Grands schémas généraux d’études cliniques
Pour les études descriptives, les grands schémas sont représentés par les études transversales et les études à suivi longitudinal (en général prospectives).
Pour les études analytiques (étiologiques et pronostiques), les principaux schémas sont les études à suivi prospectif (études exposés/non-exposés et études de cohorte), les études rétrospectives (études cas-témoins) et les études transversales.
Les études évaluatives peuvent avoir pour objectif l’évaluation d’examens, de techniques ou de stratégies de dépistage et de diagnostic, ou l’évaluation des interventions à visée préventive ou curative. Ces évaluations sont dites comparatives contrôlées, car l’on compare l’évolution d’un groupe soumis à une intervention à celle d’un groupe témoin (control en anglais) non soumis à cette intervention. Elles reposent sur une approche dite expérimentale (on parle d’expérimentation, ou d’essai interventionnel, ou d’essai clinique), car l’intervention est provoquée par le chercheur. Le schéma type de l’essai clinique est l’essai thérapeutique médicamenteux de phase III, développé dans le chapitre suivant.
Cette approche expérimentale se distingue de l’approche dite observationnelle, dans laquelle le chercheur constate un existant (l’intervention a été attribuée dans le cadre de la prise en charge médicale courante). Les études évaluatives observationnelles reposent sur les mêmes principes et méthodologies que les études analytiques (avec dans ce cas une intervention comme facteur d’exposition). Leur faible niveau de preuve ne leur permet pas de conclure en termes de causalité.
Essai thérapeutique de phase III
- l’étape préclinique, chez l’animal, étudie l’efficacité (études pharmacodynamiques et pharmacocinétiques) et la toxicité ;
- la phase I, qui correspond à la première administration chez l’homme (sain en général, ou malade dans certaines pathologies comme le cancer), visant à déterminer chez quelques sujets les conditions de tolérance humaine, ou à rechercher la dose maximale tolérée ;
- la phase II est l’étude de l’efficacité pharmacologique (sur quelques dizaines de patients, identification d’une relation dose-effet ; IIa : recherche d’une efficacité minimale ; IIb : optimisation de la dose) ;
- la phase III est l’étude de l’efficacité thérapeutique, en général dans des études conduites chez plusieurs centaines ou milliers de patients ;
- la phase IV correspond aux études conduites après la mise sur le marché, telles que les études de pharmacovigilance ou de stratégie thérapeutique.
L’objectif, en amont de l’autorisation de mise sur le marché, est de conduire à une indication reposant sur l’efficacité et un rapport bénéfice-risque favorable. Ceci nécessite un niveau de preuve satisfaisant, ce qui implique un résultat fiable, robuste, « généralisable », statistiquement significatif et cliniquement pertinent.
Ainsi les essais cliniques doivent-ils répondre à deux questions majeures :
- le traitement apporte-t-il un bénéfice établi avec fiabilité (c’est-à-dire un résultat réel et non biaisé) ?
- le bénéfice est-il cliniquement pertinent de façon à pouvoir l’utiliser en pratique ?
Grands principes : essai contrôlé, randomisé, en double aveugle
L’essai contrôlé avec randomisation permet de s’affranchir de l’ensemble des facteurs de confusion connus et également inconnus. Le principal modèle expérimental utilisé est l’essai en groupes parallèles, fondé sur un suivi de deux groupes contemporains. D’autres modèles expérimentaux, non abordés ici, peuvent être utilisés, tel que l’essai croisé ou en crossover (au cours duquel un même sujet reçoit le traitement A puis le traitement B, ou le traitement B puis le traitement A selon un ordre aléatoire).
Essai en groupes parallèles : mise en œuvre
Critères de jugement de l’objectif : le critère principal d’évaluation est celui sur lequel porte la conclusion essentielle de l’essai (il permet de quantifier l’effet du traitement) et sur lequel repose le calcul d’effectif (c’est-à-dire le nombre de patients devant être inclus). Il doit être unique, cliniquement pertinent, consensuel et valide. Les critères secondaires précisent le résultat obtenu (effets indésirables, par exemple).
Le critère de jugement doit être un résultat de santé (qualité de vie, survie, morbidité, disparition d’un symptôme fonctionnel gênant/douloureux…). Il ne doit pas être un critère intermédiaire paraclinique ou biologique, sauf si ce critère est reconnu comme critère de substitution à un critère clinique (ce qui est le cas par exemple de la pression artérielle et du LDL-cholestérol). Ceci implique que l’évolution spontanée et sous traitement du critère intermédiaire soit corrélée à celle du critère clinique.
Caractéristiques des inclus : les critères d’inclusion et de non-inclusion sont les caractéristiques qui permettront de décrire la population à laquelle s’appliqueront les résultats de l’essai : c’est la validité externe ou niveau d’applicabilité d’un essai. En conséquence, si on choisit des critères trop stricts, on limite l’applicabilité de l’essai en population générale.
Traitements, traitement de référence : le traitement à évaluer peut être comparé à un traitement de référence à dose efficace, ou à un placebo.
Essai en groupes parallèles : détermination de l’effectif et interprétation
- du risque α (risque de première espèce) de conclure à une différence qui n’existe pas, c’est-à-dire de considérer comme efficace un traitement qui ne l’est pas ;
- du risque β (de deuxième espèce) de ne pas mettre en évidence une différence qui existe réellement. La puissance (1 - β) est la probabilité de mettre en évidence une différence qui existe réellement, c’est-à-dire de montrer l’efficacité d’un traitement réellement efficace ;
- de la fréquence et de la variabilité du critère de jugement ;
- et de la différence d’effet escompté entre les deux interventions (plus la différence est faible, plus l’effectif nécessaire pour la mettre en évidence est important).
Analyse statistique
Lors d’une analyse en intention de traiter, les patients sont analysés dans leur groupe d’allocation, indépendamment du traitement qu’ils ont en fait reçu. Cette analyse correspond à l’effet d’un traitement « prescrit ». Elle a tendance à minimiser les différences entre les groupes s’il y a de nombreux perdus de vue ; pour cette raison, c’est l’analyse de choix dans les études de supériorité.
L’analyse per protocole compare les patients qui ont suivi le protocole du début à la fin de l’étude. Elle correspond à l’effet d’un traitement « pris ». Elle a tendance à maximiser les écarts entre les groupes, raison pour laquelle c’est une analyse très intéressante pour les études de non-infériorité. Pour ces dernières, on réalise le plus souvent les deux (intention de traiter et per protocole) et on vérifie que les résultats obtenus soient concordants.
Recherche en santé : principes éthiques, règlementation et protection des données à caractère personnel
La loi française a fait l’objet d’évolutions dans cedomaine.
La loi Huriet-Sérusclat (loi du 20 décembre 1988 relative à la protection des personnes se prêtant à la recherche biomédicale) a été révisée en 2004 (loi n° 2004-806 du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique), puis en 2012 (loi n° 2012-300 du 5 mars 2012 relative aux recherches impliquant la personne humaine, dite loi Jardé).
En 2006, la France se dote des bonnes pratiques cliniques (BPC) pour les recherches biomédicales portant sur des médicaments à usage humain (décision du 24 novembre 2006). Ce texte, applicable encore aujourd’hui, a « pour but de concourir à la protection des droits, à la sécurité et à la protection des personnes se prêtant à ces recherches ainsi qu’à la crédibilité et la confidentialité des données à caractère personnel et des résultats de ces recherches. On entend par crédibilité l’intégrité, l’authenticité, la précision, l’exactitude et la possibilité de vérifier ».
Les exigences des BPC concernent « la planification, la mise en œuvre, la conduite, le suivi, le contrôle de qualité, l’audit, le recueil des données, l’analyse et l’expression des résultats des recherches ».
Les BPC définissent également les rôles des intervenants dans la recherche. « La ou les personnes physiques qui dirigent et surveillent la réalisation de la recherche sur un lieu sont dénommées investigateurs » (article L1121-1 du code de la santé publique). À titre d’exemple, l’investigateur peut être le clinicien, porteur du projet de recherche mené dans son service au sein du centre hospitalier universitaire (CHU) ainsi que dans des services d’autres CHU en France.
« La personne physique ou la personne morale qui est responsable d’une recherche impliquant la personne humaine, en assure la gestion et vérifie que son financement est prévu, est dénommée le promoteur » (article L1121-1 du code de la santé publique). Dans l’exemple précité, un CHU peut être promoteur de la recherche, de même qu’une entreprise pharmaceutique.
En France, le cadre réglementaire distingue les recherches « impliquant la personne humaine » de celles « n’impliquant pas la personne humaine ».
Recherches impliquant la personne humaine
- catégorie 1 : les recherches interventionnelles qui comportent une intervention sur la personne non justifiée par sa prise en charge habituelle. Il s’agit, par exemple, de recherche sur un acte chirurgical ;
- catégorie 2 : les recherches interventionnelles qui ne comportent que des risques et des contraintes minimes, dont la liste est fixée par arrêté. Il peut s’agir de recherches impliquant la réalisation d’actes qui ,dans le cadre de cette recherche, sont pratiqués de façon habituelle (par exemple, une prise de sang ou une imagerie par résonance magnétique) ;
- catégorie 3 : les recherches non interventionnelles qui ne comportent aucun risque ni contrainte dans lesquelles tous les actes sont pratiqués et les produits utilisés de manière habituelle. À titre d’exemple, ce sont les recherches observationnelles sur les données de comparaison de pratiques médicales, sans intervention sur la prise en charge habituelle des patients.
Les démarches réglementaires complémentaires dépendent de la catégorie de recherche. Seule la catégorie 1 nécessite une autorisation de l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM) préalablement à son démarrage. Les catégories 2 et 3 ne sont soumises qu’à une information de l’ANSM.
Recherches n’impliquant pas la personne humaine
Dans ce cas, l’information des participants concernés est nécessaire avant le début du traitement des données.
Protection des données à caractère personnel
En 2016, l’Union européenne refond les dispositions relatives à la protection des données à caractère personnel, avec le Règlement général relatif à la protection des données ou RGPD (règlement relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données). Le RGPD permet une harmonisation du cadre juridique de la protection des données applicable à l’Union européenne.
La Commission nationale informatique et libertés (CNIL) a adopté six méthodologies de référence ou MR (MR-001, MR-002 , MR-003, MR-004, MR-005 et MR-006) qui proposent un cadre sécurisé pour la mise en œuvre des traitements de recherche dans le domaine de la santé (consultables sur le site internet de la CNIL). Il convient de vérifier si les recherches menées entrent dans le cadre des MR.
Dans le cas contraire, il peut être nécessaire de déposer un dossier auprès du Comité éthique et scientifique pour les recherches, les études et les évaluations dans le domaine de la santé (CESREES) puis de la CNIL. Les démarches adaptées à la recherche sont à vérifier auprès des délégués à la protection des données des structures.
Bonnes pratiques cliniques
Parmi les bonnes pratiques cliniques, citons l’obligation de colliger non seulement les données sur l’efficacité du traitement mais également tout événement indésirable (manifestation nocive survenant chez une personne qui se prête à une recherche biomédicale, que cette manifestation soit liée ou non à la recherche ou au produit sur lequel porte cette recherche). Un événement indésirable grave (EIG) est un événement indésirable ayant pu contribuer à la survenue d’un décès, susceptible de mettre en jeu le pronostic vital immédiat du sujet, qui entraîne une invalidité ou une incapacité, ou qui provoque ou prolonge une hospitalisation.
POINTS FORTS À RETENIR
Il existe différents schémas d’études. On distingue classiquement les études observationnelles, où le chercheur constate un existant, et les études interventionnelles, où le chercheur modifie la prise en charge du participant.
L’essai clinique randomisé est le schéma d’étude permettant le meilleur niveau de preuve et d’affirmer la causalité.
Les trois « règles d’or » d’un essai clinique : contrôlé, randomisé, en double aveugle.
En France, le cadre règlementaire distingue les recherches « impliquant la personne humaine » de celles « n’impliquant pas la personne humaine ».
Méthodologie de la recherche en santé
Ce qui peut tomber à l'examen
Dans un dossier clinique
Bien que peu probable, une question en fin de dossier progressif est possible. Au décours de questions sur la prise en charge, une question du type « Vous désirez inclure ce patient dans un essai clinique, précisez les conditions à respecter » n’est pas impossible.
Pour l’épreuve de lecture d’article
Les articles de recherche clinique sont particulièrement concernés par cette épreuve. Les questions porteront sur l’analyse de la méthodologie et l’interprétation des résultats. Pour les essais cliniques randomisés, des questions sur la méthodologie de randomisation (par bloc, stratifiée…), ses conséquences en termes de biais sont incontournables. De même, des questions sur l’insu (ou aveugle) sont très probables. Enfin, les questions sur l’aspect éthique et réglementaire ainsi qu’une question sur l’utilisation des résultats en pratique clinique sont très fréquentes.