Si le méthylphénidate – traitement médicamenteux du TDAH – est contre-indiqué chez les patients ayant certaines pathologies cardiaques et impose un suivi CV, le risque d’événements CV associé à sa prise au long cours n’a pas été bien élucidé. Les résultats d’une vaste étude suédoise publiée dans le JAMA sont édifiants.

Le traitement du trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) repose tout d’abord sur la psychoéducation de l’enfant et des parents et les interventions environnementales visant à limiter le retentissement des symptômes. Si ces derniers sont sévères et/ou persistent malgré ces interventions, le traitement médicamenteux de première intention est le méthylphénidate, au sein d’une prise en charge globale incluant des mesures psychologiques, éducatives et sociales. Ce psychostimulant (Médikinet, Quasym, Ritaline, Ritaline LP, Concerta et génériques) a l’AMM en France à partir de l’âge de 6 ans.

Le retentissement de cette molécule sur le système cardiovasculaire impose des contre-indications cardiaques (HTA modérée à sévère, pathologies cardiaques symptomatiques, troubles cérébrovasculaires, dont AVC, anomalies vasculaires…) et une surveillance spécifique. Ainsi, une évaluation de l’état cardiovasculaire du patient – notamment mesure de la PA et de la FC – est recommandée avant l’initiation, à chaque adaptation posologique, puis au moins tous les 6 mois durant le traitement.

Néanmoins, il existe peu de données sur les conséquences cliniques CV à long terme de la prise de ce traitement. D’une part, les essais randomisés contrôlés disponibles évaluent les effets à court terme, avec une durée moyenne de traitement < 3 mois. Ils ne permettent pas de savoir si les élévations de la PA et la FC observées pendant le traitement conduisent effectivement à un risque accru d’événements cardiovasculaires. D’autre part, les études observationnelles ont des résultats contradictoires, un suivi trop court (< 2 ans) ou des échantillons trop spécifiques (enfants, patients ayant un allongement de l’intervalle QT).

Pour la première fois, une étude longitudinale suédoise, avec un suivi sur 14 ans, permet d’affiner les connaissances sur le sur-risque CV potentiellement attribuable à ces traitements.

Un sur-risque CV qui augmente avec la durée du traitement 

Sur une base de données nationale, les chercheurs ont identifié 278 027 sujets ayant un TDAH, âgés de 6 à 64 ans

Parmi eux, 10 388 ont eu un diagnostic de pathologie CV – HTA, pathologies ischémiques, thromboeboliques, cérébrovasculaires, insuffisance cardiaque, entre autres – entre janvier 2007 et décembre 2020 (âge médian : 34,6 ans ; 59,2 % d’hommes). Ils ont été appariés à des contrôles sans pathologie CV selon un ratio 1 :5 (pour un total de 51 672 contrôles, donc). Dans chaque groupe, la part de patients prenant un traitement médicamenteux pour le TDAH était similaire (83,9 % et 83,5 %), le méthylphénidate arrivant en tête, suivi de l’atomoxétine et de la lisdexamfétamine. Le suivi médian était de 4,1 ans.

L’analyse statistique a révélé que les participants prenant ces médicaments au long cours avaient un sur-risque d’événements CV comparés à ceux n’en prenant pas. Le risque était majoré par la durée cumulée du traitement : augmentation de 23 % pour une durée > 5 ans et 27 % pour une durée de 3 à 5 ans, contre 15 % pour une durée de 2 à 3 ans et 9 % pour une durée de 1 à 2 ans – en revanche, il n’y avait pas de différence au cours de la première année (odds ratio ajusté de 0,99). Globalement, sur les 14 ans de suivi, il augmentait de 4 % par année supplémentaire de traitement, mais cette hausse concernait notamment les 3 premières années (+ 8 %/an) ; une stabilisation était constatée ensuite.

Ce sur-risque concernait surtout l’HTA (+ 72 % pour une durée de traitement allant de 3 à 5 ans et + 80 % si > 5 ans) et les pathologies artérielles (+ 65 % et + 49 % respectivement). En revanche, aucune association significative avec le développement des autres pathologies étudiées n’a été constatée – cardiopathie ischémique, maladies thromboemboliques, cérébrovasculaires, insuffisance cardiaque.

Les résultats étaient similaires dans les deux sous-groupes d’âge (avant ou après 25 ans), tout comme chez les hommes et les femmes.

Enfin, si le sur-risque CV observé dans cette étude était considérable, il était néanmoins inférieur à celui constaté dans les études antérieures (HR allant de 1,60 à 1,80).

Bien que les résultats de cette étude observationnelle ne permettent pas de conclure à un lien de causalité, les auteurs exhortent les cliniciens à être très attentifs au suivi cardiovasculaire des patients prenant un traitement médicamenteux pour le TDAH – et ce d’autant plus que, selon des données récentes, près de la moitié de ces patients ont un traitement de durée supérieure à 5 ans.

Pour en savoir plus
Zhang L, Lin L, Andell P, et al. Attention-Deficit/Hyperactivity Disorder Medications and Long-Term Risk of Cardiovascular Diseases. JAMA Psychiatry 22 novembre 2023.
À lire aussi :
Martin Agudelo L. Médicaments du TDAH : prudence, surtout chez les moins de 6 ans ! Rev Prat (en ligne), novembre 2023.
Martin Agudelo L. Méthylphénidate chez l’enfant : gare aux mésusages. Rev Prat (en ligne), mars 2022.
Martin Agudelo L. TDAH : prescription du méthylphénidate en ville. Rev Prat (en ligne), octobre 2021.

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