Le microbiote intestinal représente l’en­semble des micro-organismes (bactéries, virus, parasites, levures et autres agents fongiques) qui peuplent l’intestin et vivent en symbiose avec l’organisme humain. L’al­tération de sa composition (dysbiose), de la barrière intestinale, de l’interaction de la barrière avec le microbiote ainsi que des modifications des métabolites bactériens jouent un rôle important dans la physiopa­thologie des maladies du foie. Ainsi, parmi les consommateurs excessifs d’alcool, seuls 15 à 20 % développent une maladie alcoo­lique du foie sévère. Le microbiote intesti­nal module cette susceptibilité. Une dimi­nution des Bacteroidetes est associée à la survenue de lésions hépatiques. Des profils microbiens particuliers ont pu également être identifiés au cours de la stéatohépatite non alcoolique, de la cholangite biliaire primitive, et des hépatites virales. 

Au cours de la cirrhose, les changements du microbiote intestinal sont importants ; 54 % des bactéries responsables de la dys­biose sont d’origine buccale. Les change­ments observés dans le microbiote salivaire sont d’ailleurs similaires à ceux observés au niveau intestinal, données qui ont mené au concept d’axe bouche-intestin-foie. 

Les mécanismes par lesquels le microbiote intervient dans les pathologies hépatiques sont multiples : augmentation de la translo­cation bactérienne du fait de l’altération de la barrière intestinale ; altération du méta­bolisme des acides biliaires avec notam­ment activation des récepteurs spécifiques aux acides biliaires (FXR) ; métabolisation du tryptophane en dérivés d’indole qui ac­tivent des récepteurs spécifiques ; modifi­cation du métabolisme des médicaments qui arrivent au contact des bactéries. 

En conclusion, le microbiote intestinal joue un rôle clé dans toutes les maladies du foie par des mécanismes multiples et complexes qui incluent des modifications de sa com­position, de ses métabolites ainsi que de la barrière intestinale. Ces éléments sont im­pliqués dans la susceptibilité individuelle à développer des maladies du foie et leur aggravation. La recherche fondamentale et translationnelle est toujours plus rapide que l’application clinique des données ex­périmentales. On peut espérer, grâce à l’étude du microbiote intestinal, aboutir à une médecine prédictive plus personnali­sée. Le microbiote étant modifiable, au moins partiellement, on peut également espérer améliorer le pronostic des maladies du foie en ciblant le microbiote intestinal ou les voies métaboliques dans lesquelles il est impliqué.

Gabriel Perlemuter, hôpital Antoine-Béclère, université Paris-Sud/Paris-Saclay

12 novembre 2019