Inédit ! Une étude italienne pionnière parue dans le NEJM apporte, pour la première fois, les preuves cliniques d’un risque majoré d’événements cardiovasculaires lié à la présence de micro- et nanoplastiques dans les artères (au niveau des plaques athéromateuses). 

Les plastiques sont aujourd’hui ubiquitaires – présents dans les emballages alimentaires, les vêtements, les canalisations, etc. – et libèrent des particules microscopiques qui se retrouvent dans l’environnement et peuvent imprégner animaux et êtres humains par ingestion, inhalation, contact cutané... La présence de microplastiques (taille < 5 mm) et nanoplastiques (taille < 1 000 nm) a ainsi été décelée dans des tissus du corps humain tels que le placenta, les poumons, le foie, mais aussi dans le sang, les urines et le lait maternel. 

Les effets toxiques de ces particules ont été montrés dans des études in vitro (elles favorisent le stress oxydatif, l’inflammation et l’apoptose des cellules endothéliales et d’autres cellules vasculaires), et des études sur l’animal suggèrent des effets délétères in vivo sur le système cardiovasculaire (altération du rythme et de la fonction cardiaque, fibrose myocardique, dysfonctionnement endothélial).

Toutefois, des données cliniques faisaient défaut jusqu’ici. Cette lacune vient d’être comblée par une étude menée sur près de 300 personnes, dont les résultats viennent d’être publiés dans le NEJM .

Cette étude observationnelle, prospective, multicentrique, a été conduite à Naples (Italie), avec un recrutement entre août 2019 et juillet 2020 et un suivi jusqu’en juillet 2023. Sur les 304 participants, 257 ont été inclus dans l’analyse.

Il s’agissait de patients ayant une sténose asymptomatique de la carotide interne, de haut grade (> 70 %), pour laquelle une endartériectomie carotidienne devait être réalisée. La présence d’une insuffisance cardiaque, d’anomalies valvulaires, de néoplasies malignes ou d’hypertension secondaire étaient des critères d’exclusion. Les patients ayant eu des complications post-opératoires ont également été exclus.

Des échantillons de la plaque athéromateuse extraite pendant la chirurgie au niveau de la bifurcation de l’artère carotide ont été analysés pour chaque participant. Des microplastiques et nanoplastiques (MNP) ont été décelés dans près de deux tiers des échantillons : 150 personnes (58,4 %) avaient des niveaux détectables de polyéthylène – qui est la matière plastique la plus commune aujourd’hui –,avec un taux moyen de 21,7 μg/mg de plaque ; parmi elles, 31 (12,1 %) avaient aussi des niveaux détectables de polychlorure de vinyle, avec un taux moyen de 5,2 μg/mg de plaque.

Un risque CV plus de 4 fois plus élevé

Chez ces 150 personnes ayant des niveaux détectablesde MNP,il y avait une proportion plus élevée d’hommes (77,3 % vs 73,8 %), de diabétiques (29,9 % vs 24 %) et de personnes atteintes de maladies cardiovasculaires (33,3 % vs 32,7 %), mais il y avait moins d’hypertendus (52 % vs 64,5 %). Il n’y avait pas de différences entre les deux groupes concernant les zones de résidence.

Sur un suivi d’une durée médiane de 33,7 mois, les chercheurs ont traqué la survenue d’infarctus du myocarde, AVC ou décès toutes causes (critère de jugement primaire composite) : 7,5 % des patients du groupe sans MNP (8 sur 107) ont répondu à ce critère, contre 20 % dans le groupe avec MNP (30 sur 150). Il y a eu, respectivement, 5 et 14 cas d’AVC ; 2 et 10 cas d’infarctus du myocarde ; 1 et 6 cas de décès toutes causes. Ajustée sur des facteurs de risque CV tels que cholestérol total, HDL-c, LDL-c, triglycérides, HTA, IMC, diabète et antécédents CV, ainsi que sur l’âge et le sexe, l’analyse statistique a montré que les personnes ayant des MNP dans les plaques d’athérome avaient un risque multiplié par 4,53d’avoir un AVC, un infarctus du myocarde ou de décès toutes causes que celles chez n’ayant pas des MNP détectables dans leurs plaques d’athérome (hazard ratio = 4,53 ; IC95 % : 2,00 à 10,27 ; p < 0,001).

Par ailleurs, la mesure des biomarqueurs d’inflammation (interleukines, TNF-alpha…) a montré des niveaux plus élevés dans les échantillons du groupe avec MNP, ce qui pourrait être une piste d’explication de ce sur-risque (si les MNP contribuent à déclencher des processus inflammatoires, ils peuvent augmenter le risque de rupture de la plaque d’athérome).

Une étude « historique »

Les chercheurs soulignent toutefois que ces résultats ne permettent pas de prouver une causalité. Certains des facteurs confondants sont difficiles à exclure, notamment : niveau socio-économique des participants, comportements et style de vie, exposition à des particules fines PM2,5 et PM10. Par ailleurs, la population de l’étude n’est pas représentative de la population générale, ce qui empêche pour le moment la généralisation de ces résultats. 

Néanmoins, malgré ces limites, les données apportées par cette étude, d’ores et déjà qualifiée d’« historique  » et « révolutionnaire », sont les premières preuves cliniques d’un risque CV associé à la présence de micro- et nanoplastiques dans le corps et posent à ce titre des questions fondamentales, comme le souligne l’éditorial qui accompagne cette étude : « L’exposition aux microplastiques et aux nanoplastiques doit-elle être considérée comme un facteur de risque cardiovasculaire ? Outre le cœur, quels organes peuvent être concernés ? Comment réduire l’exposition ? ».

Ces questions semblent d’autant plus urgentes que des projections récentes estiment que la production mondiale annuelle de plastiques doublera encore d’ici 2040 et triplera d’ici 2060, malgré l’adoption en 2022 d’une résolution par l’Assemblée des Nations unies pour l’environnement visant à mettre fin à la pollution plastique et à conclure un accord international juridiquement contraignant qui devrait être présenté en 2024…

Et l’éditorial du NEJM d’ajouter que, entretemps, « nous devons encourager nos patients à réduire leur utilisation de plastiques, en particulier les articles inutiles à usage unique ».

Pour en savoir plus
Marfella R, Prattichizzo F, Sardu C, et al. Microplastics and Nanoplastics in Atheromas and Cardiovascular Events. N Engl J Med 2024;390(10):900-910.
Landrigan PJ. Plastics, Fossil Carbon, and the Heart. N Engl J Med 2024;390(10):948-950.
Kozlov M. Landmark study links microplastics to serious health problems. Nature News, 6 mars 2024.

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