Recommandée dès 2020 par la HAS, puis confirmée par décret en 2021, la possibilité de prescrire le midazolam en ville en situation palliative est désormais effective, avec l’arrivée dans les pharmacies de deux nouvelles formes adaptées à l’utilisation en ambulatoire. En pratique, dans quels cas le médecin traitant peut-il prescrire ce médicament ? Quelles modalités selon la sédation recherchée et selon le patient ?
Les médecins de ville qui prennent en charge des patients en fin de vie peuvent prescrire le midazolam, qui est le médicament de première intention pour les sédations proportionnées ou profondes et continues en situation palliative, suivant les recommandations émises par la HAS en 2020. Ces deux indications sont les seules prises en charge en médecine ambulatoire, remboursables à 65 % (les autres indications de l’AMM concernent les utilisations hospitalières).
L’arrivée imminente dans les pharmacies d’officine – annoncée dès janvier mais retardée en raison de contraintes de production – de deux nouvelles présentations de ce médicament permet la mise en œuvre de cette recommandation : midazolam 1 mg/mL solution injectable (ampoules de 5 mL) et midazolam 5 mg/mL solution injectable (ampoules de 1 mL ou 10 mL).
En pratique, le médecin (ou l’équipe) prenant en charge le patient rédige la prescription, en tant que responsable de la décision mais à l’issue d’une réflexion collégiale : la HAS recommande systématiquement l’appui d’une équipe spécialisée en soins palliatifs (réseaux, équipes mobiles de soins palliatifs, équipes d’hospitalisation à domicile [annuaire disponible sur ce lien]…) ; en cas de sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMD), la procédure collégiale est imposée par la loi (tableau en annexe ci-dessous).
La prescription doit être établie en toutes lettres sur ordonnance sécurisée, pour une durée maximale de 28 jours, et la délivrance est fractionnée par période de 7 jours.
La posologie dépend du type de sédation recherchée et doit être adaptée au profil du patient (âgé de 65 ans et plus, atteint d’une insuffisance d’organe – respiratoire, rénale, hépatique –, de dénutrition sévère ou de déshydratation).
En pratique
–> Sédation proportionnée
Elle correspond à une sédation de profondeur et de durée proportionnelles au soulagement du symptôme :
– légère (-2 ou -3 dans l’échelle Richmond, v. tableau en annexe ci-dessous) ou profonde selon l’intensité du symptôme à soulager (Richmond -4 à -5) ;
– courte (par exemple, dose unique pour pansement douloureux) ou prolongée (par exemple, dose initiale + dose d’entretien pour insomnie importante) ;
– transitoire ou poursuivie jusqu’au décès si la symptomatologie le nécessite, mais reste réversible.
Certaines situations de détresse vitale peuvent nécessiter un soulagement urgent qui pourra être prolongé jusqu’au décès en l’absence de résolution du symptôme (syndrome d’asphyxie, hémorragie grave, par exemple).
Dans cette indication, le midazolam s’administre autant que possible par voie intraveineuse (voie IV), en bolus ou en continu (tableau 1). Lorsqu’aucun abord veineux n’est accessible, la voie sous-cutanée (SC) peut être envisagée.
Suivi de la sédation : des doses de secours, en bolus IV (toutes les 2 à 3 minutes) ou SC (toutes les 20 à 30 minutes) selon la voie d’administration de la sédation, égales à la dose reçue en 1 heure, sont possibles. Ces bolus sont à prescrire de manière anticipée afin qu’ils soient rapidement administrés si nécessaire. En IV comme en SC, la dose d’entretien doit être réadaptée régulièrement, proportionnellement au besoin de soulagement et au nombre de doses de secours nécessaires.
Dans les situations de détresse nécessitant un soulagement urgent (syndrome d’asphyxie, hémorragie grave) une dose de charge de midazolam entre 2 et 5 mg IV peut être administrée en début de titration. Une association avec un opioïde est possible, en particulier en présence d’une douleur ou d’une détresse respiratoire. En cas d’impossibilité d’administration IV, une dose de charge de 2 à 5 mg peut être administrée par voie IM plutôt que SC afin de diminuer le délai d’action. La dose d’entretien se fait néanmoins par voie SC.
–> Sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès (SPCMD)
La sédation profonde et continue provoque une altération de la conscience maintenue jusqu’au décès (niveau de profondeur de la sédation : Richmond = -4, -5). Un patient peut demander une SPCMD dans les deux situations suivantes :
– en cas de souffrance réfractaire aux traitements lorsqu’il est atteint d’une affection grave et incurable et que le pronostic vital est engagé à court terme ;
– si, atteint d’une affection grave et incurable, il décide d’arrêter un traitement et que cette décision engage son pronostic vital à court terme et est susceptible d’entraîner une souffrance insupportable.
Chez un patient qui ne peut pas exprimer sa volonté : si le médecin arrête un traitement de maintien en vie au titre du refus de l’obstination déraisonnable, il met en œuvre une SPCMD (sauf si le patient s’y est opposé dans ses directives anticipées).
Les indications, processus de décision, organisation, évaluation et surveillance d’une SPCMD sont détaillés dans le guide du parcours de soins de la HAS, notamment : obligation de la procédure collégiale prévue par la loi (maintenue en pratique ambulatoire) [v. tableau en annexe ci-dessous] ; présence du médecin lors de la titration ; médecin joignable 24 h/24 avec possibilité de visites médicales à domicile ; personnel formé aux techniques, à l’administration et à la surveillance des thérapeutiques utilisées ; équipes ou réseau de soins palliatifs associés même si HAD ; disponibilité d’un lit de repli, de préférence en unité de soins palliatifs.
Dans ce contexte, les traitements de maintien artificiel en vie, dont la nutrition et l’hydratation, sont arrêtés.
La voie IV est privilégiée pour l’administration du midazolam. En cas d’impossibilité, la voie SC peut être envisagée (tableau 2). L’association à un antalgique est préconisée pour éviter tout risque de douleur.
Surveillance du patient sédaté
Elle repose sur l’évaluation clinique de l’équipe de soins incluant et des échelles pour mesurer la profondeur de la sédation (Richmond) et le degré de soulagement du patient (Algoplus) [annexes ci-dessous]. Parmi les paramètres physiologiques, seuls le rythme respiratoire et le pouls sont surveillés (toutes les 15 min pendant la 1re heure, puis minimum 2 fois par jour à domicile).
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
Martin Agudelo L. Soins palliatifs : pourquoi se former ? Entretien avec Juliette Vassalli et Marion Claes. Rev Prat (en ligne), mars 2022.
Paitraud D. Soins palliatifs en ville : mise à disposition effective de Midazolam Mylan 5 mg/mL en officine.Vidal 1er mars 2022.
Sfap. Le vadémécum de l’utilisation du Midazolam à visée sédative. Novembre 2021.
HAS. Comment mettre en œuvre une sédation profonde et continue maintenue jusqu’au décès ? Guide du parcours de soins. Janvier 2020.