objectifs
Diagnostiquer une migraine, une névralgie du trijumeau et une algie de la face.
Argumenter l'attitude thérapeutique et planifier le suivi du patient.

Introduction

Les céphalées correspondent aux douleurs de l’extrémité céphalique englobant la face. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la prévalence globale des céphalées concerne un patient sur deux. La classification internationale des céphalées identifie de façon presque exhaustive toutes les céphalées. Cette classification, plusieurs fois actualisée avec une dernière version (International Classification of Headache Disorders 3rd edition, ICHD-3) en 2018, oppose les céphalées secondaires en lien avec une étiologie « identifiable », les céphalées primaires et les névralgies et autres douleurs de la face. Les plus fréquentes sont les céphalées primaires (environ 80 %), pour lesquelles il n’est pas retrouvé d’affection causale. La céphalée primaire se définit par son tableau clinique, et le diagnostic est posé grâce à l’interrogatoire basé sur les critères ICHD. Il existe 4 grands groupes de céphalées primaires : les migraines, les céphalées de tension, les céphalées trigémino-autonomiques et les autres céphalées souvent circonstancielles (toux, effort physique). Leur origine, complexe, est une activation des voies douloureuses en rapport avec un dysfonctionnement central. Elles évoluent de façon chronique plus souvent sur un mode paroxystique (migraine, algie vasculaire de la face, céphalée de tension épisodique), séparées par des périodes sans douleur, ce qui permet d’identifier le caractère « récurrent », critère indispensable pour un diagnostic de certitude (tableau 1). Certaines céphalées évoluent sur un mode continu et quotidien (céphalée de tension chronique, migraine chronique, avec ou sans abus médicamenteux). Par définition, l’examen clinique du patient est normal en dehors des crises. Les examens complémentaires ne seront réalisés que pour écarter une cause secondaire, souvent lors d’un premier épisode quand le caractère habituel est absent. Compte tenu de la fréquence des céphalées primaires (près de 50 % de la population pour céphalée de tension et migraine réunis) et de leur impact en termes de qualité de vie, il faut savoir poser un diagnostic précis pour prescrire le juste traitement.
Les céphalées secondaires, moins fréquentes (environ 20 %), sont symptomatiques d’une affection cérébrale ou extra-cérébrale à identifier, parfois grave (hémorragie sous arachnoïdienne, méningite). Ainsi, elles impliquent une lésion des structures crâniennes sensibles (méninges, vaisseaux, sinus). Lors de l’interrogatoire, on recherchera le caractère « inhabituel » récent et aigu de la céphalée qui permet de suspecter une céphalée secondaire et l’oppose à la céphalée primaire. Devant toute suspicion de céphalée secondaire, des explorations pour rechercher l’étiologie doivent être réalisées. Le degré d’urgence dépend de l’ancienneté de la céphalée (quelques heures à quelques mois), des modalités d’installation (en coup de tonnerre versus progressive) et de l’évolution dans le temps (intensité croissante, apparition de symptômes neurologique). Lors de l’interrogatoire, il faut réussir à déterminer les modalités de début de la douleur et les caractéristiques initiales, qui peuvent avoir évolué. Le traitement sera adapté à la cause, associé à un traitement antalgique.
Dans le groupe des douleurs de la face et des douleurs par atteinte des nerfs crâniens, on distingue les névralgies du trijumeau dont la sémiologie est spécifique à type de décharges électriques avec parfois un fond permanent dans le territoire du nerf sensitif concerné. Elles nécessitent toutes un examen clinique général et neurologique ainsi qu’une imagerie cérébrale permettant de les classer et de proposer le traitement adapté.

Modalités de l’interrogatoire

L’interrogatoire du patient ayant une céphalée doit toujours être semi-structuré, basé sur trois questions puis sur les critères ICHD. Il est à ce jour le seul moyen d’affirmer une céphalée primaire, en l’absence de marqueur biologique ou radiologique. L’objectif principal est de discerner les céphalées primaires des céphalées secondaires. Parmi les questions, on recherchera :
– le caractère habituel ou inhabituel « Avez-vous déjà eu ce même type de céphalée ? » ;
– brutal ou non
« En combien de temps la céphalée a-t-elle atteint son maximum d’intensité ? » ;
– aigu ou non
« Depuis combien de temps avez-vous cette céphalée ? ».
Si le caractère habituel est retrouvé, l’interrogatoire se focalise sur les critères ICHD pour déterminer le type de céphalée primaire.
Si un caractère inhabituel est retrouvé (le patient n’a jamais eu ce type de céphalée, il a l’habitude d’avoir des céphalées mais, cette fois, c’est différent, la céphalée s’est installée brutalement), il s’agit par définition d’une céphalée secondaire et des explorations orientées doivent être réalisées.
Un diagnostic de céphalée primaire ne doit pas être posé lors d’un premier épisode chez un sujet n’ayant jamais eu mal à la tête auparavant. Si les examens sont normaux, une céphalée primaire probable sera évoquée.

Migraine

Il s’agit d’une pathologie chronique évoluant par crise récurrentes, espacées par des intervalles libres de céphalée.
On parle de migraine épisodique ou de migraine chronique en fonction de la fréquence des crises.

Épidémiologie

La migraine dans le dernier rapport du « global burden of disease » est classée comme deuxième étiologie en termes de nombre d’« années vivant avec la pathologie ». On notera cependant une disparité entre les pays riches et pauvres, où la carence martiale est plus fréquente. La prévalence de la migraine est estimée entre 10 et 14 % en fonction des pays, et si l’on considère le diagnostic de migraine probable, ne réunissant pas tous les critères, la prévalence augmente jusqu’à 20 %.
La migraine débute à n’importe quel âge, toutefois le pic d’incidence se situe entre 30 et 40 ans et dans 90 % des cas elle débute avant 40 ans. Chez l’enfant la prévalence est de 5-10 % sans différence entre les sexes, alors qu’après la puberté la femme est trois fois plus touchée.
La migraine avec aura est moins fréquente (6-10 %) que la migraine sans aura. Les patients peuvent souffrir d’un seul type de migraine ou des deux associés.

Coûts et impact

La migraine a un coût direct en lien avec la consommation de traitement estimé entre 400 et 1 200 € par patient et par an. Si l’on considère 2 millions de migraineux, cela génère des dépenses au minimum de 1 milliard d’euros, auxquels s’ajoutent les coûts en rapport avec les arrêts de travail, mais difficiles à évaluer car souvent de courte durée, non pris en charge par les caisses d’assurance maladie. L’impact de la migraine à l’échelle individuelle est mesuré grâce à différentes échelles reflétant la baisse de productivité, la qualité de vie et les comorbidités (anxiété et dépression). L’estimation des coûts indirects est complexe car dépendant du type de travail, certaines études l’expriment en nombre de jours de baisse de productivité, d’autres en coût de baisse de production, enfin certaines en nombre de jours pour rattraper le travail.
La migraine, devant sa haute fréquence justifie d’être bien connue, pour poser le diagnostic et optimiser la prise en charge, permettant ainsi de limiter les évolutions vers les formes chroniques estimées à 1-3 %, souvent favorisées par le mésusage et la surconsommation d’antalgiques.

Physiopathologie (fig. 1)

La physiopathologie de la migraine est complexe, son étude est limitée par l’absence de modèle animal de migraine commune et la difficulté d’étudier le patient au cours d’une crise spontanée. Le type et la localisation de la céphalée, les facteurs déclenchants ainsi que les symptômes associés, font souvent s’orienter le patient vers des étiologies diverses (sinus, ophtalmologique, digestive), alors qu’il s’agit d’une pathologie neurologique. Le diagnostic de migraine est un diagnostic d’interrogatoire, les explorations (tomodensitométrie cérébrale, imagerie par résonance magnétique [IRM] cérébrale, électroencéphalogramme [EEG]) sont normales entre les crises et il n’existe pas de marqueur biologique.

Caractère génétique

La migraine se caractérise par des crises douloureuses du fait d’une hyperexcitabilité neuronale anormale en rapport avec une prédisposition génétique et environnementale. À ce jour, grâce à des études d’association pangénomique de grande ampleur, de nombreux gènes de susceptibilité ont été identifiés qui pourraient favoriser l’hyperexcitabilité neuronale et expliqueraient le caractère héréditaire de la migraine. Cependant, leur transmission polygénique et les facteurs environnementaux peuvent moduler l’expression de la maladie. En revanche, pour les migraines hémiplégiques familiales, forme rare de migraine avec aura motrice, la transmission est dominante. Trois gènes sont identifiés (CACNA1A, ATP1A2 et SCN1A) codant pour des transporteurs ioniques neuronaux ou gliaux, à l’origine d’une excitabilité neuro­nale anormale.

Céphalée

Au moment de la crise de migraine, il est établi que le système trigémino-vasculaire est activé. Les fibres de la première branche du V, innervant les vaisseaux méningés, participent à l’inflammation dite « neurogène », aseptique, expliquant en partie la céphalée et le caractère pulsatile de la douleur (vasodilatation). Un neurone de 2e ordre va activer plusieurs noyaux du tronc cérébral, l’hypothalamus et le thalamus (lieu d’intégration de la noci­ception). Lors de cette phase, plusieurs neuromédiateurs sont libérés, à l’origine d’une cascade d’activation, dont le plus étudié est le CGRP (calcitonin gene related peptide), principale cible thérapeutique actuellement en cours de développement. Le système trigémino-vasculaire s’intègre dans le complexe dit trigémino-cervical, qui comprend des connexions avec le noyau salivaire supérieur et le ganglion sphéno-palatin (participant aux symptômes digestifs), ainsi que les projections vers la moelle cervicale haute et les racines C1-C2 (expliquant les douleurs cervicales parfois présentes au cours d’une crise de migraine).

Origine des crises

Le ou les générateurs de la crise ne sont pas clairement définis, et l’on oppose l’activation périphérique et centrale, au niveau de l’hypothalamus et des noyaux du tronc cérébral (mésencéphale et protubérance). En effet, les études récentes en imagerie fonctionnelle confirment une activation centrale au moment de la crise de migraine, et les symptômes qui précèdent la céphalée (prodromes) sont pour certains modulés par l’hypothalamus (sensation de faim, bâillements). Concernant l’aura migraineuse, elle correspond à un dysfonctionnement neuronal transitoire en lien avec la dépolarisation corticale envahissante (DCE). Il s’agit d’une dépolarisation plus lente (3-4 mm/min) que le phénomène électrique épileptique, allant de proche en proche, de la région occipitale vers les régions temporales, entraînant une oligohémie et favorisant la vasodilatation. La DCE explique la marche migraineuse des symptômes et la somatotopie (aura visuelle, sensitive, puis phasique) classique de l’aura. La DCE entraîne la libération des neuromédiateurs neuronaux, à l’origine de l’activation du système trigémino-vasculaire et ainsi de la céphalée.

Facteurs déclenchants

Les facteurs qui vont déclencher une crise de migraine sont nombreux et il existe de nombreuses disparités interindividuelles. La tenue d’un agenda de crises permet de les identifier, en asso­ciant leur exposition à la survenue d’une migraine dans les heures qui suivent. D’une façon générale, il faut retenir les variations émotionnelles, de rythme, alimentaires, environnementales ou hormonales. Parfois, la combinaison de plusieurs facteurs est néces­saire (alcool, jeûne et nuit blanche). Certains patients associent la migraine, du fait des facteurs déclenchants alimentaires, à une pathologie digestive, idée longtemps renforcée par les anciens termes employés : « crise de foie », « crise d’acétone ».

Tableau clinique

Au sein du groupe des migraines, on distingue, en fonction du tableau clinique, les migraines sans aura (MSA) et les migraines avec aura (MA), et en fonction du profil évolutif les migraines épisodiques et les migraines chroniques définies par le nombre de jours de céphalée par mois. Le patient souffrant de migraine chronique présente depuis au moins 3 mois plus de 15 jours de céphalées par mois, dont 8 avec des caractéristiques de migraine. La migraine chronique doit être identifiée pour éviter l’abus d’antalgiques associés qui va chroniciser la douleur.

Migraine sans aura (80-90 %) (tableaux 1 et 2)

Le diagnostic est posé quand le patient a eu au moins 5 crises réunissant les critères de l’ICHD (tableau 1). La crise dure de 4 à 72 heures. La céphalée débute progressivement pour atteindre son maximum en quelques heures. Certains patients (environ 15 %) décrivent dans les heures qui précèdent des prodromes à type d’hyperphagie, de bâillements itératifs, de somnolence ou au contraire d’hyperactivité, d’irritabilité ou d’euphorie. La céphalée peut être de localisation variable, souvent temporo-orbitaire unilatérale, mais certains patients rapportent une crise débutant en latéro-cervical, puis irradiant en hémicrânie, ou restant préférentiellement en occipitocervical. Au contraire, d’autres patients peuvent avoir une douleur centrée sur la face avec une composante mandibulaire et maxillaire. Au cours d’une même crise, la douleur peut se déplacer d’un côté à l’autre, devenant parfois holocrânienne. Le caractère pulsatile de la douleur, bien que non obligatoire pour le diagnostic, est très évocateur, parfois le patient le rapporte à l’effort ou aux mouvements. L’intensité est modérée à sévère, obligeant alors le patient à interrompre toute activité. Elle est aggravée par les efforts, la lumière (photophobie), le bruit (phonophobie), les odeurs (osmophobie) et soulagée partiellement par le repos au calme dans l’obscurité. Les nausées et/ou vomis­sements sont fréquents et calment parfois la céphalée. L’examen du patient est normal, en dehors parfois d’une allodynie : douleur à la palpation de la zone douloureuse. Cette allodynie peut persister après la phase céphalalgique. Certains migraineux présentent des signes végétatifs au cours de la crise (larmoiement, obstruction nasale) mais la durée de la crise permet de faire la distinction avec l’algie vasculaire de la face (AVF).
Le diagnostic d’une première crise est par définition impossible car il n’y a pas de crises similaires par le passé. Il s’agit du seul cas justifiant une imagerie cérébrale pour éliminer une céphalée secondaire car tous les critères ne sont pas réunis.

Migraine avec aura (10-20 %) (tableau 3)

L’aura est une manifestation neurologique, qui précède ou accompagne la céphalée, d’installation progressive (marche migraineuse) et qui ne dure pas plus de 60 minutes. Au décours, l’examen neurologique est normal. La marche migraineuse consiste en l’installation pendant au moins 5 minutes des symptômes ou la succession de symptômes différents, ce qui permet de la différencier d’une atteinte vasculaire. Le plus souvent, l’aura se manifeste par des symptômes dits positifs plus que négatifs (déficit). L’aura peut être isolée ou suivie dans l’heure voire accompagnée d’une céphalée ayant ou non les caractéristiques migraineuses. Un même patient peut avoir différents types d’auras, cependant 99 % des auras comportent des symptômes visuels. C’est pourquoi, devant une aura sensitive et/ou phasique isolée, des explorations doivent être réalisées. Afin de poser le diagnostic, il faut avoir eu 2 épisodes ; ainsi toute première aura même typique justifie une IRM cérébrale.
On distingue l’aura classique qui peut être visuelle et/ou sensitive et/ou phasique, l’aura basilaire et le groupe de migraines hémiplégiques
Aura visuelle (99 %) (fig. 2)
L’aura visuelle s’installe progressivement et atteint les deux yeux. Elle peut être décrite comme un scotome scintillant, c’est-à-dire une perte de vision progressive dans un champ visuel remplacé par un scintillement, des éclairs, des étoiles lumineuses, une vision tunellaire, une hémianopsie homonyme latérale ou une vision kaléidoscopique. Parfois chez l’enfant, il peut y avoir des métamorphopsies (vision déformée), voire des hallucinations visuelles.
Aura sensitive (30 %)
Elle se manifeste le plus souvent par des paresthésies, débutant en distalité avec une marche migraineuse ascendante en proximal. Elles concernent plus souvent le membre supérieur et l’hémiface surtout le pourtour de la bouche (chéiro-oral), plus rarement le membre inférieur. La somatotopie est respectée. D’autres manifestations sont rapportées comme une douleur, une impression de brûlure et plus rarement un déficit sensitif, parfois de la pallesthésie qu’il ne faut pas confondre avec un déficit moteur.
Aura phasique (20 %)
Les troubles du langage sont plus rares. Ils sont de type dysphasique : manque du mot, dysarthrie, parfois aphasie totale. Certains patients peuvent avoir un bégaiement. Les troubles de compréhension avec fluence préservée sont très rares.
Aura du tronc cérébral (10 %)
Il s’agit d’une variété rare d’aura, se manifestant par des symptômes évoquant une atteinte du tronc cérébral : troubles visuels et sensitifs bilatéraux, vertige, ataxie, diplopie, troubles de la vigilance. Ces crises nécessitent lors de la prise en charge initiale la pratique d’examens complémentaires, car compte tenu de leur rareté il s’agit d’un diagnostic d’exclusion. Il faut ainsi réaliser une IRM/ARM cérébrale, un EEG, une exploration des vaisseaux du cou et/ou ponction lombaire selon les cas, pour éliminer une autre étiologie.
Migraine hémiplégique (6 %)
L’aura de la migraine hémiplégique familiale ou sporadique comporte un déficit moteur uni- ou bilatéral, partiel ou complet, s’associant ou non aux autres troubles (visuels, sensitifs, du langage). Des crises très sévères avec hémiplégie prolongée (plusieurs semaines) et troubles de la conscience allant jusqu’au coma surviennent chez 40 % des patients, avec récupération complète. Les patients souffrant de migraines hémiplégiques familiales peuvent souffrir d’autres pathologies neurologiques (épilepsie, ataxie cérébelleuse, retard mental). Ce type d’aura justifie toujours la réalisation d’une IRM cérébrale, pour éliminer une autre étiologie. Le patient sera adressé vers un spécialiste, pour discuter l’indication d’autres explorations, notamment les tests génétiques, à la recherche d’une mutation concernant les gènes connus (CACNA1A, SCNA1, ATP1A2).

Complications de la migraine

L’état de mal migraineux se définit par une crise prolongée au-delà de 72 heures, l’aura persistante se prolonge au-delà d’une heure, avec ou sans céphalée. Pour ces deux entités, il s’agit d’un diagnostic d’exclusion après avoir confirmé la normalité des examens (IRM, PL ± EEG).

Diagnostic différentiel de la migraine avec aura

Les deux diagnostics différentiels sont l’accident ischémique transitoire (AIT) et la crise d’épilepsie. Ils sont souvent évoqués lorsque la céphalée est absente. La distinction avec une aura typique se fait sur le mode d’installation (brutal pour l’AIT) et la durée (plus brève pour l’épilepsie). Pour les patients souffrant de migraine avec aura, il est souhaitable de réaliser une IRM cérébrale, de façon à ne pas négliger une migraine symptomatique notamment d'une maladie de CADASIL, bien qu’habituellement les auras symptomatiques soient atypiques (plus longues, marche migraineuse absente, autres symptômes neurologiques).

Traitements

L’automédication chez les patients migraineux est fréquente, avec des traitements obtenus sans ordonnance. On estime à 80 % des patients migraineux qui se traitent avec des traitements non spécifiques, s'exposant au risque de consommation abusive conduisant à des céphalées par abus médicamenteux. Cependant, il existe de nombreux traitements de crise et de fond qui soulagent la plupart des migraineux et qu’il faut connaître.

Traitement de crise (tableau 4)

Au cours d’une première consultation, une fois le diagnostic confirmé, la prise en charge du patient souffrant de migraine repose sur :
  • l’explication de la pathologie, notamment le caractère bénin même si le retentissement est important ;
  • l’éducation du patient et l’identification des facteurs déclenchants pour les limiter ;
  • l’importance d’un agenda de crise pour connaître la fréquence des crises, leur durée, un possible abus d’antalgiques associé ;
  • le traitement de crise, qui sera déterminé en fonction des réponses aux 4 questions suivantes (appelées les 4 questions de l’ANAES) :
. 1) Êtes-vous soulagé de manière significative deux heures après la prise ?
. 2) Votre traitement est-il bien toléré ?
. 3) Utilisez-vous une seule prise médicamenteuse ?
. 4) La prise de ce traitement vous permet-elle une reprise normale et rapide de vos activités ?
Si la réponse est oui à chacune des questions, il est recommandé de ne pas modifier le traitement de crise, en l’absence de consommation abusive. Toutefois, les antalgiques combinés à de la caféine et les opioïdes (codéine, opium, tramadol, morphine et autres opioïdes forts) ne sont pas recommandés car ils peuvent induire un abus médicamenteux risquant de chroniciser la migraine, voire une addiction. Ils sont à réserver aux patients ayant des contre-indications absolues aux anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) et aux triptans.
Si la réponse est non à au moins une des questions, le schéma thérapeutique consiste à prescrire :
  • en première intention un AINS ou de l’aspirine. De nombreuses molécules ont démontré leur efficacité, toutefois en France seuls l’ibuprofène 400 mg, le kétoprofène 150 mg et l’aspirine dans la forme associée au métoclopramide ont une autorisation de mise sur le marché (AMM) pour la migraine ;
  • sur une même ordonnance, on inscrira un triptan en cas d’échec après 2 heures. Il existe 7 triptans commercialisés ayant l’AMM. Il s’agit d’agonistes des récepteurs de la sérotonine 5-HT1B/D. Ces récepteurs ne sont que très peu présents au niveau coronarien. Les triptans agissent grâce à une action centrale neuro­nale, et dans une moindre mesure à l’effet vaso­constricteur. Il n’existe pas d’effet classe et, en cas d’échec ou d’intolérance à une molécule, ils devront tous être essayés successivement ;
  • chez les patients ayant une contre-indication à l’AINS, ou une inefficacité après échec pour 2 crises sur 3, le triptan sera pris d’emblée ;
  • le triptan peut être renouvelé à partir de la 2e heure en cas de réapparition de la céphalée, sans dépasser 2 prises par 24 heures ;
  • il peut arriver chez certains patients ayant des crises intenses de proposer l’association AINS-triptan, et parfois le métoclopramide en comprimé ou en suppositoire si les nausées sont importantes ;
  • en cas d’échec au traitement de crise, il faudra s’assurer de la prise précoce dès le début de la crise, car le patient diffère souvent ou essaye un simple paracétamol. La présence de signes digestifs, et d’une gastroparésie peut limiter l’absorption du traitement, la forme en spray, peut être une alternative voire la voie injectable (sumatriptan 6 mg sous cutané) mais non remboursé ;
  • chez le patient souffrant de migraine avec aura, le triptan doit être pris lors de la survenue de la céphalée pour être efficace. Au moment de l’aura, on propose l’aspirine 1 g ou un AINS, afin d’empêcher la survenue de la céphalée ou de l’écourter. Aucun traitement n’est démontré pour limiter la durée de l’aura ;
  • chez de rares patients ayant des crises résistantes aux triptans (< 10 %), le tartrate d’ergotamine peut être prescrit : gynergène caféiné ou dihydroergotamine spray nasal.
Les contre-indications doivent être respectées :
  • pour les AINS : insuffisance rénale, intolérance gastrique, maladie inflammatoire digestive et allergie ;
  • pour les triptans : infarctus du myocarde, angor de Prinzmetal, angor d’effort, syndrome de Wolff-Parkinson-White, accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique, hypertension artérielle (HTA) non contrôlée et artériopathie oblitérante des membres inférieurs. Les autres contre-indications relatives seront évaluées en fonction du rapport bénéfice-risque.
Il existe des associations contre-indiquées avec les triptans, dont certaines sont propres à une molécule. Un risque théorique de syndrome sérotoninergique en cas d’association avec un inhi­biteur de la recapture de la sérotonine (IRS) existe, mais n’en fait pas une contre-indication formelle.
Le patient doit être informé de certains effets indésirables liés aux triptans, mineurs et transitoires : fatigue, somnolence, paresthésies, vertiges et nausées. Chez 2 à 13 % des patients sont rapportées une sensation de pesanteur ou d’oppression thoracique, une douleur de la mâchoire ou parfois d’un membre. Ces manifestations appelées « effet triptan » ne doivent pas inquiéter le patient quant au risque vasculaire mais peuvent motiver un changement de molécule. De rares cas de spasme coronaire ont été rapportés, mais les études de pharmacovigilance quant au risque coronarien sont parfaitement rassurantes.

Traitement de fond de la migraine (tableau 5)

Le traitement de fond, appelé aussi prophylactique, a comme objectif de limiter la fréquence, l’intensité et la durée des crises. Il est insuffisamment prescrit, puisqu’on estime à 1/3 les patients qui devraient en bénéficier, ce qui contribue à la survenue de céphalée par abus médicamenteux. Les critères habituellement retenus sont une fréquence de crise ≥ 4 jours par mois (par exemple 2 crises de 2 jours), des crises sévères, longues ou répondant mal au traitement de crises. Au-delà de 8 jours par mois de prise d’antalgiques pour une céphalée, il doit être prescrit. Il existe de nombreuses molécules qui sont utilisées comme traitement de fond, mais peu sont spécifiques, car beaucoup ont été initialement développées dans une autre indication. Pour les molécules issues de la recherche avec une indication exclusivement migraine, les données sont anciennes, et les critères ne permettent pas souvent de leur attribuer un grade A (étude randomisée double aveugle avec comme critère principal la diminution de la fréquence de crises de 50 %). Aucun traitement ne permet de « guérir » la migraine et il faut l’expliquer au patient. Le traitement sera discuté avec le patient, les effets secondaires expliqués, et le choix de la molécule tiendra compte de certains paramètres (crainte d’une prise de poids, sportif) car le patient doit comprendre l’importance de l’observance du traitement pour son efficacité. Il doit être informé qu’un délai de 3 mois doit être respecté pour juger de l’évolution basée sur l’agenda de crises.
Selon les recommandations françaises, les molécules à privilégier en 1re intention sont le propranolol et le métoprolol. En cas de contre-indication, d’intolérance ou d’inefficacité de ces bêtabloquants, le choix de la molécule repose sur le terrain, la comorbidité et la sévérité de la migraine, en considérant la balance bénéfice-risque et l’existence d’une AMM. Le bêtabloquant est privilégié chez un sujet stressé ou hypertendu, l’amitriptyline chez un migraineux dépressif, et l’oxétorone pour les migraines nocturnes ou du réveil.
Les doses des traitements prophylactiques sont augmentées très lentement afin d’éviter les effets secondaires. La tenue d’un agenda des crises permet de juger de l’efficacité du traitement de fond, qui sera évalué après 3 mois. En cas d’efficacité, il est poursuivi de 6 à 18 mois, puis arrêté, avec une surveillance régulière pour s’assurer de l’absence de réapparition de crises fréquentes. En cas d’échec ou d’intolérance, un nouveau traitement doit être essayé. Les traitements de fond ne sont pas associés, sauf parfois à plus faibles posologies dans le but de réduire les effets indésirables respectifs de chaque molécule, après les avoir testées séparément. Les anticorps antiCGRP (4 molécules, traitement mensuel injectable) ont démontré leur efficacité et sont en fin de développement. L'un d'eux (erenumab) a obtenu l'autorisation de mise sur le marché européenne. La prescription en France, après obtention des différentes autorisations, devrait être réservée aux neurologues pour les patients ayant déjà eu au moins deux traitements de fond sans efficacité.
Certains traitements dits adjuvants (magnésium, riboflavine et coenzyme 10) sont considérés ayant des preuves suffisantes et intégrés dans les recommandations de certains pays, ce qui n'est pas le cas en France.
Des traitements de fond non médicamenteux (relaxation, biofeedback, thérapie cognitive et comportementale de gestion du stress, hypnose) méritent d’être essayés, surtout chez les patients anxieux, ayant tendance à l’abus d’antalgiques ou à la dramatisation (retrait social).
De nombreux autres traitements non pharmacologiques ont été essayés dans la migraine : manipulations vertébrales, auriculo­thérapie, acupuncture, stimulation électrique transcutanée (Cefaly), stimulation du nerf vague (Gamacore), stimulation magnétique cérébrale. Pour certains, les études concluent à une efficacité en traitement de crise ou de fond, mais méritent d’être confortées.

Cas particuliers


État de mal migraineux

L’état de mal migraineux (EMM) est défini par une crise se prolongeant au-delà de 72 heures. Si l’interrogatoire retrouve un caractère inhabituel, elle sera considérée comme une céphalée secondaire de facto et explorée. Dans le cas contraire, le traitement repose sur le sumatriptan par voie sous-cutanée, ou une association AINS-métoclopramide par voie veineuse, et en dernier recours des perfusions d’amitriptyline sur 2-3 heures (25 mg).

Migraine chronique

À ce jour, il n’existe pas de traitement recommandé spécifiquement pour la migraine chronique. La toxine botulique avec un protocole d’injection très rigoureux, utilisée dans certains pays, a eu un refus d’AMM en France à deux reprises. Les anticorps antiCGRP seront probablement autorisés dans cette indication.

Migraine et hormones

La contraception orale comportant un œstrogène reste contre-indiquée chez la femme ayant une migraine avec aura, a fortiori associant d’autres facteurs de risque. Pour la migraine sans aura, il n’y a pas de contre-indication car pas de risque vasculaire cérébral augmenté, toutefois des ajustements peuvent être proposés si une influence sur les crises est constatée (augmentation ou diminution de fréquence).
La migraine concerne majoritairement des femmes en âge de procréer et il faudra en tenir compte dans la prescription du traitement. C’est pour cette raison que le valproate de sodium n’est pas prescrit en France (traitement de fond validé dans d’autres pays). Il est recommandé de planifier la grossesse pour arréter le traitement de fond. Au cours de la grossesse, la fréquence des crises tend à diminuer après le premier trimestre. Pour la crise, le paracétamol est privilégié, mais en cas d’échec le sumatriptan, quel que soit le terme, peut être prescrit. Les traitements de fond ne sont pas conseillés, cependant s’ils devenaient nécessaires, les bêtabloquants et l’amitriptyline seront les traitements de choix.

Migraine avec aura

La migraine avec aura évolue souvent par crises regroupées suivies d’une période d’accalmie. C’est pourquoi, si elle est isolée, elle ne nécessite pas toujours un traitement de fond prolongé. L’aspirine (500-1 000 mg) quotidiennement durant 1 à 2 mois permet de stopper les crises récurrentes.

Céphalée de tension

Les céphalées de tension sont plus fréquentes que la migraine, touchant de 30 à 70 % de la population. Ce sont les maux de tête que presque tout le monde a déjà ressentis. On distingue la céphalée de tension épisodique, la céphalée de tension fréquente et la céphalée de tension chronique (> 15 j/mois sur plusieurs mois). Le siège des céphalées est typiquement bilatéral, mais peut changer au cours du temps. La description du patient est très variable (serrement, étau, pression, brûlure, fourmillement), voire imagée (écoulement liquidien, impression d’avoir des bêtes qui marchent dans la tête). L’intensité est légère à modérée, toutefois certains patients rapportent une douleur très intense, qui cependant ne les empêche pas de poursuivre leurs activités. Il n’y a habituellement pas de signes associés (nausées, vomissements), parfois est mentionnée une photophobie ou phonophobie. La céphalée peut être améliorée par l’activité physique et, quand il est occupé, le patient « oublie » sa douleur. La céphalée de tension disparaît dans les moments de détente (week-ends, vacances).
Les mécanismes des céphalées de tension sont mal identifiés, et malgré leur fréquence elles sont peu étudiées, du fait de leur caractère très hétérogène. On suppose à leur origine des facteurs myogènes avec crispation des muscles péricrâniens et cervicaux associés à des facteurs psychopathologiques. Une sensibilisation centrale avec dysfonction du système de contrôle de la douleur favoriserait la chronicisation, ce qui fait de la céphalée de tension chronique une entité un peu différente. La céphalée de tension survient généralement chez un sujet « tendu » : stressé par la vie courante (stress professionnel, burn out, émotion), anxieux (parfois par la céphalée elle-même), dépressif (la céphalée masquant souvent les autres symptômes qu’il faut s’attacher à dépister) ou alors présentant un état névrotique structuré (hypochondrie, hystérie).
L’examen recherche des contractures musculaires (muscles faciaux ou cervicaux). Les examens complémentaires ne doivent pas être répétés car ils sont normaux, or ils sont trop souvent prescrits pour rassurer le patient.
La prise en charge nécessite de passer du temps à rassurer et expliquer le mécanisme de la douleur par une tension musculaire excessive favorisée par la tension psychologique, à distinguer de la tension artérielle (interprétation souvent erronée). Les patients consultent rarement pour une céphalée de tension épisodique qu’ils traitent par automédication (paracétamol, aspirine ou AINS, proscrire les opiacés). Pour les céphalées de tension épisodiques fréquentes ou les céphalées de tension chroniques, un traitement de fond par faibles doses d’amitriptyline (5-25 mg) et parfois un anxiolytique sur une courte période sont prescrits. Il faudra rechercher un abus d’antalgiques et faire un sevrage si nécessaire. La prise en charge non médicamenteuse doit toujours être proposée, et si nécessaire un avis psychiatrique pour dépister une dépression.

Céphalées trigémino-autonomiques

Ce groupe se caractérise par des céphalées strictement unilatérales, évoluant par crises, associées à des signes dits végétatifs ou autonomiques (larmoiement, rhinorrhée, myosis, sueur de la face). On en distingue quatre types en fonction de la durée et de la fréquence des crises (tableau 1).

Algie vasculaire de la face

C'est la plus fréquente des céphalées trigémino-autonomiques (1/1 000), mais elle est environ 25 fois moins fréquente que la migraine. Elle touche majoritairement les hommes, avec un âge de début vers 30 ans. Les patients sont souvent de gros fumeurs. La douleur est décrite comme atroce à type de broiement, arrachement, strictement unilatérale, localisée en orbito- temporal, mais irradiant souvent en hémicrânie, avec une compo­­sante cervicale associée. La crise va durer de 15 à 180 minutes, survenant 1 à 8 fois par jour, avec très fréquemment des crises nocturnes. La forme épisodique (80 %) survient par périodes de 2 à 8 semaines 1 ou 2 fois par an. La forme chronique évolue sans rémission de crise de plus de 1 mois. Habituellement, le patient présente des crises toujours du même côté, rarement les crises changent de côté d’une période à l’autre.
Au cours de la crise, pour porter le diagnostic, au moins un signe végétatif (injection conjonctivale et/ou larmoiement, congestion nasale et/ou rhinorrhée, œdème palpébral, transpiration du front et/ou de la face, rougeur du front et/ou de la face, impression de plénitude de l’oreille, myosis et/ou ptosis) ou une agitation doivent être retrouvés. Entre les crises, ces signes disparaissent, rarement certains patients conservent un signe de Claude-Bernard-Horner ; toutefois il faudra alors s’assurer de l’absence de cause secondaire. Quand un doute existe, l’agitation et la durée de la crise sont des éléments d’orientation importants, permettant d’opposer le patient souffrant d’algie vasculaire de la face au migraineux qui s’isole au repos. Certains patients peuvent avoir des vomissements, à l’acmé de la douleur.
Le diagnostic d’algie vasculaire de la face est aisé sur une description de crises stéréotypées, cependant devant tout patient n’ayant jamais eu de crises, même avec un tableau typique, une étiologie secondaire doit être éliminée. D’une façon générale, il est recommandé de réaliser une IRM cérébrale chez tout patient souffrant d’algie vasculaire de la face.
La physiopathologie retenue est une activation du complexe trigémino-cervical et l’implication probable de l’hypothalamus comme générateur.

Traitement

Prise en charge globale
Une fois le diagnostic posé après normalité de l’IRM, il faut expliquer au patient la maladie, l’absence de gravité, l’inutilité des traitements « invasifs », dentaires et ORL. L’évaluation du retentissement social, notamment professionnel et familial, est indispensable. Les patients souffrant d’algie vasculaire de la face chronique ont souvent des comorbidités importantes, dont la dépression (56 %), l’agoraphobie (33 %) et les tendances suicidaires (25 %) pouvant conduire à un isolement terrible. L’alcool doit être évité car il déclenche les crises.
Traitements
Traitement de crise : il est prescrit à tous les patients. Il s’agit du sumatriptan dans sa forme injectable (Imiject ou SUN) avec auto-injecteur. Le patient le prendra dès le début de la crise sans dépasser 2 injections par jour. On s’assurera de l’absence de contre-indication comme pour les autres triptans. La prescription est faite sur une ordonnance d’exception. Si le patient fait plus de 2 crises par jour, ou ne souhaite pas faire de piqûres, l’oxygéno­thérapie est prescrite, 12-15 L/min pendant 15-30 minutes au masque, au domicile (prescription par un neurologue), l’ordonnance est faite pour 3 mois pour une algie vasculaire de la face épisodique, puis le matériel est retiré, pour l’algie vasculaire de la face chronique, le traitement est renouvelé tous les 6 mois.
Traitement de fond : il repose en premier lieu sur le vérapamil (120 mg, 3 ou 4 fois par jour) après un électrocardiogramme pour vérifier l’absence de contre-indication. Les doses peuvent être augmentées doucement jusqu’à des posologies élevées (960 mg/j) avec un contrôle de l’électrocardiogramme à chaque palier. Dans les formes épisodiques, le vérapamil est débuté au début de la période et arrêté progressivement à l’arrêt des crises. Certains patients ayant peu de crises (1 voire 2/j) et des périodes courtes ne prennent pas de traitement de fond.
Le carbonate de lithium (Téralithe, posologie moyenne 750 mg/j) est réservé aux formes chroniques et doit être associé à une surveillance biologique régulière.
Il est recommandé un traitement dit transitionnel chez des patients ayant une exacerbation de la fréquence des crises soit par corticothérapie orale (qui expose au rebond des crises à l’arrêt), soit par injections sous-occipitales de corticoïdes (cortivazol).
Pour les patients souffrant d’une algie vasculaire de la face pharmaco-résistante (évolution depuis au moins 3 ans, avec crises quotidiennes malgré un traitement bien conduit par vérapamil et lithium), un traitement par technique de neuromodulation peut être proposé. La stimulation du nerf grand occipital (bilatérale) sera la technique à proposer en première intention car elle est moins invasive et a démontré une grande efficacité. De nombreuses autres techniques de stimulation ont été étudiées (ganglion sphéno-palatin, hypothalamus, plancher du 4e ventricule), elles n’ont pas démontré d’efficacité supérieure et/ou une morbidité importante, et ne doivent être envisagées qu’après concertation pluridisciplinaire.
Les anticorps monoclonaux anti-CGRP sont en cours d’étude dans l’indication « traitement de fond de l’algie vasculaire de la face » sous forme d’injection mensuelle sous-cutanée.

Névralgies

Névralgie du trijumeau
La névralgie du trijumeau, relativement rare (5/100 000/an) atteint les patients dans la 3e partie de leur vie (après 50 ans), prédominant chez les femmes. Les névralgies se manifestent par des douleurs fulgurantes décrites souvent comme une décharge électrique ou un éclair, très intense, dans le territoire d’une des branches du nerf trijumeau sensitif (fig. 3). Par ordre de fréquence, l’atteinte concerne la branche V2 puis V3 puis V1, parfois certains patients ont des douleurs dans deux territoires. Les douleurs surviennent souvent par salve suivie d’une période réfractaire.
Le patient rapporte des facteurs déclenchants appelés en anglais « triggers », avec au premier plan la zone gachette : le contact cutané du territoire concerné par une stimulation indolore déclenche une crise, le patient présente alors le « tic douloureux de la face ». Les triggers peuvent être nombreux : parole, mimique, mastication, brossage des dents, rasage, contact du vent. Le patient a souvent un faciès figé. La fréquence des crises varie de quelques-unes par jour à des crises subintrantes constituant un état de mal, qui justifie une hospitalisation, le patient étant alors dans l’incapacité de se nourrir et de s’hydrater. Certains patients ont des signes vasomoteurs associés (larmoiement, rhinorrhée), cependant les caractéristiques de la douleur permettent de faire une distinction avec l’algie vasculaire de la face.
L’origine de la douleur est une atteinte de la zone appelée REZ (rooth emergence zone : transition entre la myéline périphérique et centrale), environ 4 mm après la sortie du nerf, provoquée par un contact vasculaire. Ce conflit vasculo-nerveux, le plus souvent avec l’artère cérébelleuse supérieure, va provoquer une dysfonction du nerf. L’examen clinique doit être normal : sensibilité faciale et cornéenne (réflexe cornéen présent), force des muscles masticateurs (innervés par le V moteur), absence de toute atteinte neurologique, peau. La constatation de la moindre anomalie oriente vers une névralgie secondaire, c’est-à-dire symptomatique. Chez le sujet jeune, on évoquera toujours une névralgie symptomatique avec en tête de file la sclérose en plaques.
Une IRM cérébrale est systématiquement réalisée avec des séquences spécifiques et des coupes fines centrées sur le nerf trijumeau. L’objectif est double : éliminer une névralgie secondaire et objectiver le conflit vasculo-nerveux.
Dans la dernière classification ICHD3, on distingue désormais : la névralgie classique (en rapport avec un conflit vasculaire), la névralgie symptomatique, et la névralgie idiopathique (sans conflit). En outre, une névralgie peut être classée comme purement paroxystique ou avoir un fond persistant.
Le traitement repose en première intention selon les recommandations françaises, sur la carbamazépine (Tegretol), libération immédiate, en 3 prises, 30 à 45 minutes avant les repas. Ce traitement est efficace pour près de 70 %, mais les effets secondaires centraux sont fréquents (somnolence, vertiges, ataxie). Ainsi, l’instauration du traitement se fait par palier, la posologie moyenne est de 600 mg/j et la dose maximale de 1 600 mg/j. Ce traitement a l’AMM en France. Une surveillance biologique est recommandée à l’instauration du traitement.
Parmi les autres traitements, l’oxcarbamazépine (Trileptal) peut être une alternative en cas d’intolérance à la carbamazépine. La posologie est de 300 à 900 mg/j avec une surveillance de la natrémie. Ce traitement n’a pas d’AMM dans l’indication névralgie. Le baclofène (Lioresal) peut être utilisé, seul ou en association (2 cp/j). Les autres antiépileptiques (phénytoïne, lamotrigine, gabapentine) sont parfois proposés avec une efficacité moindre.
En cas d’échec des traitements médicamenteux, des traitements chirurgicaux sont possibles. La thermocoagulation percutanée du ganglion de Gasser consiste à chauffer le nerf pour détruire les fibres amyéliniques. Cette technique se pratique sous anesthésie courte et ne nécessite pas d’ouvrir la boîte crânienne. La sensibilité de la face peut être touchée (rarement) ; ainsi elle n’est pas pratiquée pour les névralgies V1 afin de limiter les risques de kératite. Sinon pourront être proposées la radiochirurgie (gamma knife) ou la chirurgie de décompression qui nécessite une crâniectomie.
Autres névralgies
La névralgie du glossopharyngien est très rare (1/70-100 cas de névralgie du V), la douleur intense se situe à la base de la langue dans le pharynx irradiant dans la région rétro-auriculaire. Les facteurs déclenchants sont la déglutition et la parole. Un bilan ORL pour éliminer une cause secondaire est systématique. La névralgie du ganglion géniculé se manifeste par une douleur du conduit auditif externe et fait suite à un zona du ganglion géniculé. Enfin, la névralgie d’Arnold est très rare et trop souvent évoquée devant des douleurs hémicrâniennes ou occipitales unilatérales mais sans caractère névralgique ni trajet radiculaire. Son traitement repose sur les AINS (en particulier Indocid) et, parfois, des infiltrations de l’émergence du grand nerf occipital avec un corticoïde et/ou un anesthésiant.

Névralgies symptomatiques

Elles se manifestent souvent par des douleurs plus continues et des paroxysmes sans trigger. Compte tenu de l’anatomie des nerfs sensitifs crâniens, toute lésion de la fosse postérieure ou de la face peut en être responsable. Les causes sont donc multiples : neuri­nome de l’acoustique, tumeur du cavum, plaque de démyélinisation, syndrome de Wallenberg et syringomyélie, entre autres.
Points forts
Migraine, névralgie du trijumeau et algies de la face

Bases épidémiologiques et physiopathologiques des céphalées primaires. Critères diagnostiques de la migraine sans et avec aura. Principaux critères de distinction entre céphalée de tension et migraine. Stratégie thérapeutique devant une crise de migraine. Modalités de prescription d’un traitement de fond antimigraineux. Description clinique et traitement de l’algie vasculaire de la face. Description clinique et traitement de la névralgie.

Pour en savoir
IHS. Headache Classification Committee of the International Headache Society. The International Classification of Headache Disorders, 3rd edition. (2018). Cephalalgia 38(1):1-211.
Lanteri-Minet M, et al. Guidelines for the diagnosis and management of migraine in adults and children (2013). Rev Neurol (Paris). 2013;169(1):14-29.
Donnet A, et al. French guidelines for diagnosis and treatment of cluster headache (French Headache Society). Rev Neurol (Paris) 2014;170(11):653-70.
Donnet A, et al. French guidelines for diagnosis and treatment of classical trigeminal neuralgia (French Headache Society and French Neurosurgical Society). Rev Neurol (Paris) 2017;173(3):131-51.

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés