Le mouvement de contestation inédit qui affecte les urgences contraint la ministre de la Santé à agir vite, ce qu’elle vient de faire en annonçant 12 mesures, dotées de 754 millions d’euros (des dépenses réaffectées) pour les désengorger mais aussi les « refonder ». Un service d’accès aux soins sera créé pour répondre à toute heure à la demande de soins et orienter sous 24 heures un patient vers un médecin généraliste. L’offre de ville sera accrue avec la création de 50 maisons médicales de garde à proximité des gros services d’urgence. Les SAMU pourront déclencher le transport sanitaire d’un patient vers un cabinet ou une maison de santé qui pourront pratiquer sur place des examens de biologie, la procédure bénéficiant du tiers payant. Des filières d’admission directe des sujets âgés dans les services de médecine seront généralisées. De nouvelles tâches seront dévolues aux infirmiers (prescription d’imagerie, sutures de plaies, création d’infirmiers de pratique avancée « urgences ») et le financement des urgences sera revu. Ces mesures suffiront-elles à désamorcer la crise ou seront-elle jugées insuffisantes (il n’y a pas de réouverture de lits ou de revalorisation salariale), prélude peut-être à un conflit hospitalier de plus grande ampleur encore ?
La ministre est présente sur bien des fronts… Elle a déjà marqué des points sur celui de la santé publique, bien délaissée par les deux quinquennats précédents. Le plus notable est l’instauration des onze vaccins obligatoires pour les nourrissons, décision difficile dans le climat actuel de défiance vis-à-vis de la vaccination, mais qu’elle a su assumer et imposer malgré les attaques et dont les résultats sont déjà notables en matière de couverture vaccinale dans un contexte qui, de fait, s’est beaucoup apaisé. Elle a bien relancé la lutte contre le tabagisme par sa décision d’augmenter rapidement et de façon répétée le prix du paquet de cigarettes pour atteindre 10 euros en 2020, ce qui est la mesure la plus efficace pour faire diminuer la consommation ; et on lui saura gré de résister au lobby alcoolier, ce qui n’est pas une mince histoire tant il a l’écoute bienveillante du président de la République et de de son ministre de l’Agriculture. L’offensive récente, portée par 105 députés de La République en marche, pour réintroduire la vente d’alcool dans les stades, au prétexte de sa consommation dans les loges réservées aux VIP s’est heurtée à la détermination de la ministre à défendre la loi Évin et à sa proposition, pleine de bon sens, de supprimer plutôt la consommation dans les loges…  Sa détermination aura aussi été sans faille pour suivre l’avis de la Haute Autorité de santé (qu’elle avait demandé) préconisant (enfin !) le déremboursement de l’homéopathie (totalement effectif en 2021, après une première baisse du remboursement à 15 % en 2020), malgré là encore de fortes oppositions. Cela faisait quand même 36 ans que l’Assurance maladie remboursait du sucre… Certes les dossiers ne manquent pas où des actions décisives sont attendues : psychiatrie, handicap, autisme, démocratie sanitaire, ruptures médicamenteuses, déserts médicaux, crises sanitaires à répétition (dans la crise du Levothyrox, la ministre a su se démarquer par son écoute des patients et de leurs associations) et dans bien d’autres domaines encore, sans compter le dossier explosif des retraites pour lequel elle est aussi partie prenante.
En cette rentrée, le premier dossier de Mme Buzyn est donc de déminer celui des urgences (et plus largement celui de l’hôpital public). Y arriverait-elle qu’elle pourrait apparaître un des plus efficaces ministres de la Santé que nous avons eus depuis bien longtemps… V