« Ce qui est simple est toujours faux. Ce qui ne l’est pas est inutilisable. »
Paul Valery, Mauvaises Pensées et autres (1942).
Les comportements suicidaires sont des actes complexes tant ils sont multifactoriels sur le plan étiologique et polymorphes sur le plan de leur intention (par exemple, appeler au secours, mettre fin à la souffrance, condamner), de leur expression (idées suicidaires vagues, plan précis, acte avec moyen médicamenteux ou violent) et de leurs conséquences (légère sédation, nécessité de soins intensifs, décès). Les nombreuses études conduites ces 30 dernières années ont permis d’identifier un grand nombre de facteurs de risque sociodémographiques et cliniques (v . p. 32 ). Une modélisation est nécessaire pour y voir plus clair. Nous envisagerons ici les conduites suicidaires selon trois processus interactifs : la crise suicidaire, la transition des idées aux actes et la vulnérabilité suicidaire.
Paul Valery, Mauvaises Pensées et autres (1942).
Les comportements suicidaires sont des actes complexes tant ils sont multifactoriels sur le plan étiologique et polymorphes sur le plan de leur intention (par exemple, appeler au secours, mettre fin à la souffrance, condamner), de leur expression (idées suicidaires vagues, plan précis, acte avec moyen médicamenteux ou violent) et de leurs conséquences (légère sédation, nécessité de soins intensifs, décès). Les nombreuses études conduites ces 30 dernières années ont permis d’identifier un grand nombre de facteurs de risque sociodémographiques et cliniques (
Crise suicidaire
La crise suicidaire (fig. 1 ) a été définie, en 2000, par une conférence de consensus de l’Agence nationale de l’accréditation et de l’évaluation en santé comme « […] une situation de souffrance pas toujours apparente et de rupture […] représentée comme la trajectoire qui va du sentiment péjoratif d’être en situation d’échec à l’impossibilité d’échapper à cette impasse, avec élaboration d’idées suicidaires de plus en plus prégnantes et envahissantes jusqu’à l’éventuel passage à l’acte qui ne représente qu’une des sorties possibles de la crise, mais lui confère sa gravité ».
Il s’agit d’un état le plus souvent temporaire, durant quelques jours à quelques mois, mais certaines personnes – notamment celles souffrant d’un trouble mental récidivant ou chronique, ou d’un trouble de personnalité – vont avoir une histoire faite de crises itératives. L’évolution de la crise suicidaire elle-même est souvent fluctuante, ce qui peut être faussement rassurant durant les phases d’amélioration transitoire. Le passage à l’acte, qui survient globalement dans moins d’un quart des cas, est habituellement le résultat d’un processus d’accélération temporelle quasi exponentielle dans les heures qui précèdent l’acte.1 En effet, alors que les idées suicidaires peuvent évoluer depuis plusieurs jours ou semaines, la décision définitive d’agir et le geste lui-même ont souvent lieu sur une très courte période, parfois à la suite d’un dernier événement déstabilisant.
Le déclenchement de la crise suicidaire survient dans un grand nombre de cas (mais pas toujours) à la suite d’un événement ou d’une série d’événements dits « proximaux », le plus souvent un conflit interpersonnel, une rupture sentimentale, des problèmes financiers, une action légale, un deuil ou une maladie physique. Il faut penser également aux maltraitances et au harcèlement scolaire chez les adolescents, aux maltraitances et au changement de domicile chez le sujet âgé. Ces événements suscitent chez le sujet des sentiments et des émotions intenses qu’il ne peut réguler et avec lesquels il n’a aucune distance : honte, culpabilité, rejet, abandon, sentiment d’être piégé, colère, etc.
Les intentions les plus souvent rapportées sont la fin de la souffrance, la fuite d’une situation intenable, la recherche d’aide, et l’expression d’une hostilité ou d’une condamnation. Edwin Shneidman, grand suicidologue américain, a fait de la douleur psychologique le cœur de la crise suicidaire (nota bene : éviter le terme classique mais ambigu de « douleur morale »). La douleur psychologique, à l’instar de la douleur physique, est un signal d’alarme, en l’occurrence de déconnexion sociale, une situation potentiellement mortelle pour notre espèce.2 Tout comme pour la douleur physique, une douleur psychologique intense et prolongée est en soi pathogène. Une méta-analyse récente confirme le lien significatif entre douleur psychique et risque suicidaire.3 La mort est donc moins un but en soi qu’un moyen de mettre fin à une condition douloureuse dont le sujet ne perçoit pas l’issue proche.
Outre la douleur psychique et les émotions et sentiments négatifs intenses cités plus haut, la crise suicidaire est caractérisée par une séméiologie variable, reflet de cette perte d’équilibre et d’homéostasie psychique, et comprenant des troubles du sommeil, notamment des cauchemars (eux-mêmes facteurs d’aggravation par la fatigue qu’ils génèrent), une agitation ou au contraire un calme apparent (par exemple quand la décision suicidaire est prise), des pensées répétitives de type ruminations, et finalement un sentiment de désespoir qui fait le lit de pensées suicidaires grandissantes.
La crise suicidaire a été modélisée comme un entonnoir qui conduit à une pensée de plus en plus « tunnelisée et constrictive », le sujet ayant le sentiment croissant que l’acte suicidaire est l’unique solution à ses problèmes. Comme le décrit le romancier Alfredo Alvarez dans Le Dieu sauvage (1972) : « Une fois qu’un homme décide de prendre sa propre vie, il entre dans un monde en arrêt, inexpugnable, mais totalement convaincant où tous les détails s’adaptent et chaque incident renforce sa décision. » L’aliéniste Jean-Étienne Esquirol au XIXe siècle parle de « monomanie suicidaire ».
L’acte suicidaire étant loin d’être un comportement naturel, il est habituel de constater durant une crise suicidaire une ambivalence entre le désir de vivre et celui de mourir. En termes de prévention, il ne s’agit bien évidemment ni de compter sur cette ambivalence ni d’être rassuré par celle-ci.
Il s’agit d’un état le plus souvent temporaire, durant quelques jours à quelques mois, mais certaines personnes – notamment celles souffrant d’un trouble mental récidivant ou chronique, ou d’un trouble de personnalité – vont avoir une histoire faite de crises itératives. L’évolution de la crise suicidaire elle-même est souvent fluctuante, ce qui peut être faussement rassurant durant les phases d’amélioration transitoire. Le passage à l’acte, qui survient globalement dans moins d’un quart des cas, est habituellement le résultat d’un processus d’accélération temporelle quasi exponentielle dans les heures qui précèdent l’acte.1 En effet, alors que les idées suicidaires peuvent évoluer depuis plusieurs jours ou semaines, la décision définitive d’agir et le geste lui-même ont souvent lieu sur une très courte période, parfois à la suite d’un dernier événement déstabilisant.
Le déclenchement de la crise suicidaire survient dans un grand nombre de cas (mais pas toujours) à la suite d’un événement ou d’une série d’événements dits « proximaux », le plus souvent un conflit interpersonnel, une rupture sentimentale, des problèmes financiers, une action légale, un deuil ou une maladie physique. Il faut penser également aux maltraitances et au harcèlement scolaire chez les adolescents, aux maltraitances et au changement de domicile chez le sujet âgé. Ces événements suscitent chez le sujet des sentiments et des émotions intenses qu’il ne peut réguler et avec lesquels il n’a aucune distance : honte, culpabilité, rejet, abandon, sentiment d’être piégé, colère, etc.
Les intentions les plus souvent rapportées sont la fin de la souffrance, la fuite d’une situation intenable, la recherche d’aide, et l’expression d’une hostilité ou d’une condamnation. Edwin Shneidman, grand suicidologue américain, a fait de la douleur psychologique le cœur de la crise suicidaire (nota bene : éviter le terme classique mais ambigu de « douleur morale »). La douleur psychologique, à l’instar de la douleur physique, est un signal d’alarme, en l’occurrence de déconnexion sociale, une situation potentiellement mortelle pour notre espèce.2 Tout comme pour la douleur physique, une douleur psychologique intense et prolongée est en soi pathogène. Une méta-analyse récente confirme le lien significatif entre douleur psychique et risque suicidaire.3 La mort est donc moins un but en soi qu’un moyen de mettre fin à une condition douloureuse dont le sujet ne perçoit pas l’issue proche.
Outre la douleur psychique et les émotions et sentiments négatifs intenses cités plus haut, la crise suicidaire est caractérisée par une séméiologie variable, reflet de cette perte d’équilibre et d’homéostasie psychique, et comprenant des troubles du sommeil, notamment des cauchemars (eux-mêmes facteurs d’aggravation par la fatigue qu’ils génèrent), une agitation ou au contraire un calme apparent (par exemple quand la décision suicidaire est prise), des pensées répétitives de type ruminations, et finalement un sentiment de désespoir qui fait le lit de pensées suicidaires grandissantes.
La crise suicidaire a été modélisée comme un entonnoir qui conduit à une pensée de plus en plus « tunnelisée et constrictive », le sujet ayant le sentiment croissant que l’acte suicidaire est l’unique solution à ses problèmes. Comme le décrit le romancier Alfredo Alvarez dans Le Dieu sauvage (1972) : « Une fois qu’un homme décide de prendre sa propre vie, il entre dans un monde en arrêt, inexpugnable, mais totalement convaincant où tous les détails s’adaptent et chaque incident renforce sa décision. » L’aliéniste Jean-Étienne Esquirol au XIXe siècle parle de « monomanie suicidaire ».
L’acte suicidaire étant loin d’être un comportement naturel, il est habituel de constater durant une crise suicidaire une ambivalence entre le désir de vivre et celui de mourir. En termes de prévention, il ne s’agit bien évidemment ni de compter sur cette ambivalence ni d’être rassuré par celle-ci.
Transition des idées aux actes
Le principe de la transition suicidaire et de ses facteurs de risque est présenté dans la figure 2 .
S’il est évident que penser au suicide n’est pas synonyme de passage à l’acte suicidaire, ces deux notions ont souvent été confondues et désignées sous le terme de « suicidalité ». Il s’agit de fait d’une erreur. Alors que tout acte suicidaire est précédé d’idées suicidaires, toutes les idées suicidaires ne conduisent pas à un acte suicidaire, que celui-ci soit létal (suicide abouti) ou pas (tentative de suicide).
Quatre types d’études ont confirmé cette distinction. D’une part, les études épidémiologiques ont montré que les facteurs de risque d’idées et d’actes suicidaires étaient en grande partie distincts. Par exemple, la dépression augmente surtout le risque d’idées suicidaires alors que les pathologies associées à l’anxiété, à l’agitation et à un faible contrôle des impulsions (état de stress post-traumatique, abus de substances, troubles des conduites, etc.) ainsi que la disponibilité d’un moyen suicidaire et une histoire personnelle de tentative de suicide augmentent la probabilité de passage à l’acte en présence d’idées suicidaires.4 Sur le plan psychologique, certaines dimensions sont distinctement associées aux idées et aux actes : c’est le cas du sentiment de désespoir, de défaite et d’humiliation, d’appartenance déçue, d’être piégé, d’être une charge, et la tendance aux ruminations pour les premières ; de traits de personnalité impulsive et agressive pour les seconds.5 Les études de génétique épidémiologique soutiennent également cette distinction idées-actes, avec une transmission familiale des idées suicidaires qui suit celle de la dépression alors que la transmission des actes suicidaires dans les familles suit en partie celle des traits de personnalité comme l’impulsivité et l’agressivité.6 Enfin, les études plus récentes de neurosciences cognitives vont également dans le sens d’une différenciation (par exemple, tendance à une prise de décision risquée et faible contrôle cognitif associés au risque de transition).
La recherche actuelle tente désormais d’identifier les facteurs de risque et de protection d’émergence des idées suicidaires d’une part, de transition vers un acte suicidaire en présence d’idées suicidaires d’autre part (fig. 2 ).
Il est à noter que le caractère plus ou moins létal du geste est associé à d’autres facteurs de risque, notamment être un homme, être plus âgé (en partie en lien avec la fragilité physique) et choisir un moyen suicidaire dit « violent » et à forte létalité (pendaison, arme à feu, saut d’une hauteur, etc.). Il s’agit évidemment de probabilités statistiques, de nombreuses jeunes femmes décédant à la suite d’une intoxication médicamenteuse volontaire.
S’il est évident que penser au suicide n’est pas synonyme de passage à l’acte suicidaire, ces deux notions ont souvent été confondues et désignées sous le terme de « suicidalité ». Il s’agit de fait d’une erreur. Alors que tout acte suicidaire est précédé d’idées suicidaires, toutes les idées suicidaires ne conduisent pas à un acte suicidaire, que celui-ci soit létal (suicide abouti) ou pas (tentative de suicide).
Quatre types d’études ont confirmé cette distinction. D’une part, les études épidémiologiques ont montré que les facteurs de risque d’idées et d’actes suicidaires étaient en grande partie distincts. Par exemple, la dépression augmente surtout le risque d’idées suicidaires alors que les pathologies associées à l’anxiété, à l’agitation et à un faible contrôle des impulsions (état de stress post-traumatique, abus de substances, troubles des conduites, etc.) ainsi que la disponibilité d’un moyen suicidaire et une histoire personnelle de tentative de suicide augmentent la probabilité de passage à l’acte en présence d’idées suicidaires.4 Sur le plan psychologique, certaines dimensions sont distinctement associées aux idées et aux actes : c’est le cas du sentiment de désespoir, de défaite et d’humiliation, d’appartenance déçue, d’être piégé, d’être une charge, et la tendance aux ruminations pour les premières ; de traits de personnalité impulsive et agressive pour les seconds.5 Les études de génétique épidémiologique soutiennent également cette distinction idées-actes, avec une transmission familiale des idées suicidaires qui suit celle de la dépression alors que la transmission des actes suicidaires dans les familles suit en partie celle des traits de personnalité comme l’impulsivité et l’agressivité.6 Enfin, les études plus récentes de neurosciences cognitives vont également dans le sens d’une différenciation (par exemple, tendance à une prise de décision risquée et faible contrôle cognitif associés au risque de transition).
La recherche actuelle tente désormais d’identifier les facteurs de risque et de protection d’émergence des idées suicidaires d’une part, de transition vers un acte suicidaire en présence d’idées suicidaires d’autre part (
Il est à noter que le caractère plus ou moins létal du geste est associé à d’autres facteurs de risque, notamment être un homme, être plus âgé (en partie en lien avec la fragilité physique) et choisir un moyen suicidaire dit « violent » et à forte létalité (pendaison, arme à feu, saut d’une hauteur, etc.). Il s’agit évidemment de probabilités statistiques, de nombreuses jeunes femmes décédant à la suite d’une intoxication médicamenteuse volontaire.
Stress et vulnérabilité
Le modèle stress-vulnérabilité est présenté dans la figure 3 .
Tous les modèles actuels des conduites suicidaires suggèrent peu ou prou que des éléments individuels de vulnérabilité augmentent le risque pour un individu donné de faire l’expérience d’une crise suicidaire dans un contexte de stress psychosocial.7 Le stress psychosocial est compris ici comme tout événement de vie négatif proximal et tout état émotionnel intense comme un épisode dépressif caractérisé, un trouble psychiatrique en phase aiguë, ou une prise aiguë d’alcool ou de substances.
L’effet de ces facteurs de stress en termes de risque suicidaire est amplifié en présence d’éléments de vulnérabilité individuelle préexistants avec lesquels ils vont interagir de manière complexe. Les facteurs de vulnérabilité reconnus sont :
– des facteurs développementaux précoces (dit « distaux ») comme les maltraitances dans l’enfance, des problèmes obstétricaux ou une perte parentale précoce ;
– une histoire personnelle de tentative de suicide et une histoire familiale de conduite suicidaire chez les apparentés biologiques, à la fois événements traumatiques et indices de vulnérabilité ;
– des traits de personnalité marqués par un faible contrôle des émotions et des actes, comme une tendance à l’impulsivité et l’agressivité (notamment chez les jeunes), au négativisme, au pessimisme et au désespoir ;
– certaines pathologies chroniques et neurotoxiques comme un trouble dépressif chronique, un trouble de l’usage de l’alcool et de substances au long cours ainsi que le vieillissement pathologique et autres processus neurodégénératifs.
Les études neurobiologiques8 ont en partie confirmé cette conceptualisation d’une vulnérabilité suicidaire en mettant notamment en évidence le rôle :
– de facteurs génétiques, l’héritabilité spécifique des comportements suicidaires étant estimée à 20 % (30 % pour les troubles mentaux comorbides et 50 % de facteurs environnementaux) ;
– de facteurs épigénétiques en lien avec une histoire de maltraitances dans l’enfance, véritables cicatrices biologiques persistantes d’événements précoces et ayant des effets au long cours sur l’expression génétique de l’axe du cortisol ;
– de neuromédiateurs, notamment la sérotonine, dont les taux tendent à être stables, un taux bas dans le liquide céphalorachidien étant associé à un risque augmenté de suicide ;
– de la dysrégulation de l’axe cortisolique du stress, également associé à un risque augmenté de suicide ultérieur ;
– de certains déficits neurocognitifs ayant des caractéristiques de traits héritables, particulièrement la tendance à prendre des décisions risquées.
Il est évident que ce modèle probabiliste très médical présente des limites. Par exemple, il est très probable que non pas une mais des vulnérabilités suicidaires existent selon les mécanismes en jeu. Il est également possible que la vulnérabilité ne soit pas totalement stable dans le temps, avec des évolutions favorables ou défavorables. L’identification des mécanismes sous-tendant ces différentes voies et la mise en évidence de modalités thérapeutiques spécifiques et personnalisées permettront peut-être à l’avenir d’améliorer la prévention au long cours en agissant directement sur les éléments de fragilité individuelle.
Tous les modèles actuels des conduites suicidaires suggèrent peu ou prou que des éléments individuels de vulnérabilité augmentent le risque pour un individu donné de faire l’expérience d’une crise suicidaire dans un contexte de stress psychosocial.7 Le stress psychosocial est compris ici comme tout événement de vie négatif proximal et tout état émotionnel intense comme un épisode dépressif caractérisé, un trouble psychiatrique en phase aiguë, ou une prise aiguë d’alcool ou de substances.
L’effet de ces facteurs de stress en termes de risque suicidaire est amplifié en présence d’éléments de vulnérabilité individuelle préexistants avec lesquels ils vont interagir de manière complexe. Les facteurs de vulnérabilité reconnus sont :
– des facteurs développementaux précoces (dit « distaux ») comme les maltraitances dans l’enfance, des problèmes obstétricaux ou une perte parentale précoce ;
– une histoire personnelle de tentative de suicide et une histoire familiale de conduite suicidaire chez les apparentés biologiques, à la fois événements traumatiques et indices de vulnérabilité ;
– des traits de personnalité marqués par un faible contrôle des émotions et des actes, comme une tendance à l’impulsivité et l’agressivité (notamment chez les jeunes), au négativisme, au pessimisme et au désespoir ;
– certaines pathologies chroniques et neurotoxiques comme un trouble dépressif chronique, un trouble de l’usage de l’alcool et de substances au long cours ainsi que le vieillissement pathologique et autres processus neurodégénératifs.
Les études neurobiologiques8 ont en partie confirmé cette conceptualisation d’une vulnérabilité suicidaire en mettant notamment en évidence le rôle :
– de facteurs génétiques, l’héritabilité spécifique des comportements suicidaires étant estimée à 20 % (30 % pour les troubles mentaux comorbides et 50 % de facteurs environnementaux) ;
– de facteurs épigénétiques en lien avec une histoire de maltraitances dans l’enfance, véritables cicatrices biologiques persistantes d’événements précoces et ayant des effets au long cours sur l’expression génétique de l’axe du cortisol ;
– de neuromédiateurs, notamment la sérotonine, dont les taux tendent à être stables, un taux bas dans le liquide céphalorachidien étant associé à un risque augmenté de suicide ;
– de la dysrégulation de l’axe cortisolique du stress, également associé à un risque augmenté de suicide ultérieur ;
– de certains déficits neurocognitifs ayant des caractéristiques de traits héritables, particulièrement la tendance à prendre des décisions risquées.
Il est évident que ce modèle probabiliste très médical présente des limites. Par exemple, il est très probable que non pas une mais des vulnérabilités suicidaires existent selon les mécanismes en jeu. Il est également possible que la vulnérabilité ne soit pas totalement stable dans le temps, avec des évolutions favorables ou défavorables. L’identification des mécanismes sous-tendant ces différentes voies et la mise en évidence de modalités thérapeutiques spécifiques et personnalisées permettront peut-être à l’avenir d’améliorer la prévention au long cours en agissant directement sur les éléments de fragilité individuelle.
Références
1. Millner AJ, Lee MD, Nock MK. Describing and measuring the pathway to suicide attempts: a preliminary study. Suicide Life Threat Behav 2017;47:353-69.
2. Jollant F, Olié E. La douleur psychologique. Douleur Analg 2018;31:122-8.
3. Ducasse D, Holden RR, Boyer L, et al. Psychological pain in suicidality: a meta-analysis. J Clin Psychiatry 2018;79:16r10732.
4. Nock MK, Hwang I, Sampson NA, Kessler RC. Mental disorders, comorbidity and suicidal behavior: results from the National Comorbidity Survey Replication. Mol Psychiatry 2010;15:868-76.
5. O’Connor RC, Nock MK. The psychology of suicidal behaviour. Lancet Psychiatry 2014;173-85.
6. Brent DA, Mann JJ. Family genetic studies, suicide, and suicidal behavior. Am J Med Genet C Semin Med Genet 2005;133:13-24.
7. Hawton K, van Heeringen K. Suicide. Lancet 2009;373:1372-81.
8. Turecki G. The molecular bases of the suicidal brain. Nat Rev Neurosci 2014;15:802-16.
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7. Hawton K, van Heeringen K. Suicide. Lancet 2009;373:1372-81.
8. Turecki G. The molecular bases of the suicidal brain. Nat Rev Neurosci 2014;15:802-16.