Objectifs
Évaluer le comportement alimentaire et diagnostiquer ses différents troubles.
Argumenter les bénéfices et les effets cliniques de la pratique de l’activité physique.
Identifier les freins au changement de comportement.
Savoir prescrire et conseiller en diététique.
Promouvoir l’activité physique chez le sujet malade (démarche, orientations).
Le mode de vie des populations des pays développés a connu des transformations majeures au cours des dernières décennies, avec une chute drastique de l’activité physique et une sédentarisation, parallèlement à une augmentation des prises caloriques, à travers la consommation d’aliments transformés riches en lipides, à forte densité énergétique et faible densité nutritionnelle (pauvres en micronutriments). Ces changements environnementaux associés au vieillissement des populations jouent un rôle majeur dans l’augmentation de la prévalence de l’obésité et l’émergence des principales maladies chroniques, les plus communes étant le diabète de type 2, les pathologies cardiovasculaires et les cancers. Leur prévention et leur prise en charge thérapeutique reposent avant tout sur les modifications thérapeutiques du mode de vie (MTMV).

Évaluer le comportement alimentaire et diagnostiquer ses troubles (rang A)

Définition

Le comportement alimentaire se définit par l’ensemble des conduites d’un individu vis-à-vis de la consommation d’aliments. Il s’agit d’un système complexe contrôlé par un ensemble de processus physiologiques, psychologiques, socio-environnementaux et émotionnels et qui répond à une triple fonction :
  • nutritionnelle, pour subvenir aux besoins énergétiques et en nutriments (macro- et micronutriments) de façon à assurer l’homéostasie de l’organisme ;
  • hédonique, pour subvenir à des besoins d’ordre affectif et émotionnel en lien avec une sensation de plaisir (équilibre psychologique) ;
  • culturelle, pour participer aux processus relationnels et symboliques (équilibre sociologique).

Les trois phases de la prise alimentaire

Pour subvenir à ses besoins de manière discontinue, l’être humain organise sa prise alimentaire en une série d’événements périodiques répartis en trois phases : pré-ingestive, ingestive et post-ingestive.
Chaque phase est associée à des sensations alimentaires physiologiques (faim et appétit, rassasiement et satiété) qui permettent de réguler la prise alimentaire (tableau 1).

Évaluation des prises alimentaires

Elle repose sur les enquêtes alimentaires et a pour objectif de connaître les habitudes de la personne, tant sur le plan qualitatif que quantitatif vis-à-vis des aliments consommés.
Les méthodes sont nombreuses, et les principales sont résumées dans le tableau 2. Le carnet alimentaire, ou semainier, est le plus communément utilisé en pratique clinique alors que le questionnaire de fréquence alimentaire est plus utilisé dans les études épidémiologiques. Chaque méthode a ses avantages et ses inconvénients, la sous-estimation de l’apport énergétique étant l’écueil le plus commun et étant d’autant plus importante qu’il existe un excès de poids. La sous-estimation chez la personne vivant avec une obésité peut atteindre 30 %. Elle n’est pas nécessairement intentionnelle mais peut être liée à un problème d’estimation des portions, celle-ci étant d’autant plus difficile que les portions sont volumineuses.
Il est important d’évaluer en parallèle les sensations alimentaires avant et après les prises ainsi que les circonstances des prises, de façon à connaître les habitudes, le cadre et les circonstances émotionnelles de l’alimentation du sujet (tableau 3).
Dans toute évaluation du comportement alimentaire, il faut tenir compte des pathologies aiguës ou chroniques pouvant conduire à une diminution de la sensation de faim (cancer, maladies inflammatoires...) ou au contraire à une majoration de l’envie de manger, via une fonction antalgique de la prise alimentaire, par exemple (douleurs chroniques, maladies rhumatismales…).

Évaluation du comportement alimentaire

Le comportement alimentaire est considéré comme normal lorsqu’il satisfait à sa triple fonction, contribuant ainsi à un bon état de santé.
Il est considéré comme pathologique lorsqu’il entraîne des conséquences néfastes sur la santé (physique et/ou psychique) et/ou témoigne d’une difficulté existentielle.
Il faut distinguer :
  • les désordres de la prise alimentaire, qui sont des symptômes ;
  • les troubles du comportement alimentaire, qui sont des syndromes, regroupement symptomatique d’une entité nosologique répertoriée (selon les critères du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux [DSM], par exemple) [v. item 71 : Troubles des conduites alimentaires].
À titre d’exemple, l’anorexie est un symptôme qui se rencontre dans différentes circonstances (pathologiques ou non) et l’anorexie mentale est un syndrome.
L’analyse du comportement alimentaire doit s’intégrer dans une évaluation globale comprenant anamnèse pondérale et nutritionnelle, évaluation de l’état nutritionnel et somatique, recherche de conséquences pathologiques, évaluation psychologique, évaluation de la situation sociale et économique et recherche d’autres désordres comportementaux.
Le trouble de comportement alimentaire représente généralement une réponse à une situation de mal-être.
 

Symptômes : désordres de la prise alimentaire

Hyperphagie pendant les repas : l’hyperphagie prandiale correspond à l’augmentation des prises caloriques au moment des repas. Classiquement, on observe des portions larges, toujours finies, avec possibilité de se resservir ; elle est fréquemment associée à la tachyphagie. Elle est souvent mal identifiée par les individus, qui ont une conception des « rations alimentaires normales » liée à leur éducation alimentaire et à leurs représentations. La tachyphagie prandiale est la consommation d’un repas sur une durée particulièrement courte ; elle peut favoriser l’hyperphagie.
Hyperphagie en dehors des repas : l’hyperphagie extraprandiale comporte les grignotages (consommation répétée de petites quantités d’aliments, sans faim ; comportement souvent associé à l’ennui ou à un stress), la compulsion alimentaire (consommation impulsive/brutale d’un aliment donné en dehors des repas en rapport avec une envie intense, et non une faim, suivie d’un soulagement puis d’un sentiment de culpabilité ; elle s’oriente vers un groupe d’aliments donné [par exemple : compulsion sucrée]), le « craving » (envie impérieuse, intense de manger en dehors des repas, suivie d’une prise alimentaire ou non), l’accès boulimique ou « binge eating » (consommation d’une très grande quantité d’aliments en dehors des repas sans faim, pouvant générer une pesanteur gastrique, voire des vomissements spontanés ; accès associés à une perte de contrôle qui les différencie de la compulsion et suivis d’un sentiment de culpabilité et de honte) et la noctophagie (besoin impérieux de s’alimenter au cours de la nuit).
Hypophagie : elle comporte l’anorexie (maintien d’inhibition de la prise alimentaire pouvant être liée à l’absence de faim ou au refus de manger malgré les signaux de faim), la restriction cognitive (préoccupations excessives à l’égard du poids conduisant à contrôler son alimentation dans le but de maigrir/ne pas grossir). On distingue une restriction cognitive « rigide », approche dichotomique de type « tout ou rien » de l’alimentation, du poids et des régimes et une « flexible », approche plus nuancée de l’alimentation. La forme rigide favorise les phases de désinhibition (perte de contrôle avec hyperphagie compensatrice). Restriction cognitive et désinhibition sont associées positivement à l’indice de masse corporelle.
D’autres désordres de la prise alimentaire sont à évoquer :
  • l’externalité, dans laquelle l’alimentation n’est plus contrôlée par les sensations alimentaires mais par le contexte/environnement, les stimuli externes (vue, odeur, etc.) ;
  • l’émotionnalité, dans laquelle les prises alimentaires répondent aux émotions, négatives ou positives.
 

Syndromes : troubles des comportements alimentaires (v. item 71)

Un ou plusieurs désordres de la prise alimentaire peuvent être retrouvés chez des personnes, au moins de façon épisodique, sans que cela ne prenne un caractère patho­logique. Leur intégration dans un trouble du comportement alimentaire nécessite que la conduite alimentaire :
  • diffère de façon importante sur le plan qualitatif ou quantitatif de la conduite habituelle des individus vivant dans le même environnement nutritionnel, social et culturel ;
  • entraîne des conséquences néfastes sur la santé physique (obésité, dénutrition, carences...) ou psychique (sentiment d’anormalité, obsession, dépression...) ou des conséquences sociales (exclusion sociale...) ;
  • ne soit pas secondaire à un désordre somatique ou psychique (anorexie secondaire à un cancer ou une dépression, hyperphagie secondaire à une hyperthyroïdie...).
On définit trois types de facteurs dans les troubles des comportements alimentaires :
  • des facteurs de vulnérabilité ;
  • des facteurs déclenchants ;
  • des facteurs d’entretien.
Les troubles des comportements alimentaires les plus fréquents sont l’anorexie mentale, l’hyperphagie boulimique (« binge eating disorder ») et la boulimie nerveuse.

Connaître les effets positifs de l’activité physique dans les maladies chroniques et savoir les expliquer au patient (v. item 222)

L’activité physique est bénéfique pour la santé. En France, la limitation de la sédentarité et la promotion d’une activité physique régulière d’intensité modérée font partie des axes majeurs du Programme national nutrition santé (PNNS).

Recommandations de l’Organisation mondiale de la santé (OMS)

L’activité physique englobe les loisirs, les déplacements (marche, vélo…), les activités professionnelles, les tâches ménagères, les activités ludiques, les sports ou l’exercice planifié, dans le contexte quotidien familial ou communautaire.
Il est recommandé aux adultes de tout âge de pratiquer une activité physique.
 

Adultes de 18 à 64 ans

Ils devraient consacrer au moins 150 à 300 minutes par semaine à une activité d’endurance d’intensité modérée ; ou pratiquer au moins 75 à 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue ; ou une combinaison équivalente d’activités d’intensité modérée et soutenue tout au long de la semaine.
Ils devraient pratiquer deux fois par semaine ou davantage des activités de renforcement musculaire d’intensité modérée ou supérieure.
Ils peuvent porter à plus de 300 minutes la pratique d’une activité d’endurance d’intensité modérée ; ou pratiquer plus de 150 minutes d’activité d’endurance d’intensité soutenue ; ou une combinaison équivalente d’activités d’intensité modérée et soutenue tout au long de la semaine, afin d’en retirer des bienfaits supplémentaires pour la santé.
Ils devraient limiter leur temps de sédentarité (remplacer la sédentarité par une activité physique quelle qu’en soit l’intensité).
 

Adultes de 65 ans et plus

Les recommandations sont les mêmes que pour les adultes plus jeunes.
Les personnes âgées devraient pratiquer des activités variées et à plusieurs composantes qui mettent l’accent sur l’équilibre fonctionnel et des exercices de force d’intensité modérée ou supérieure, trois fois par semaine ou davantage, afin d’améliorer leur capacité fonctionnelle et de prévenir les chutes.
Les personnes n’atteignant pas ces objectifs ont tout de même un bénéfice à pratiquer une activité physique en fonction de leurs capacités (figure).

Bénéfices santé de l’activité physique

Sur la mortalité prématurée

L’activité physique est associée à une réduction de la mortalité totale et cardiovasculaire. Sa pratique à un niveau voisin des recommandations pour une intensité modérée (au moins 3 heures par semaine) ou élevée (au moins 20 minutes trois fois par semaine) entraîne une réduction du risque de mortalité de l’ordre de 30 %.
 

Sur le bien-être, la qualité de vie

L’activité physique régulière et d’intensité modérée est bénéfique pour le bien-être (sentiment de compétence, image de soi, lutte contre l'anxiété). Au cours du vieillissement, la pratique régulière d’une activité physique préserve l’indépendance et la qualité de vie.
L’activité physique régulière est considérée comme un facteur de prévention des troubles cognitifs. Elle réduit l’anxiété de la population générale adulte et diminue le niveau de dépression.
 

Sur l’appareil musculosquelettique

Le renforcement musculaire a des effets bénéfiques sur la force et l’endurance des sujets d’âge moyen. L’activité physique agit sur la masse osseuse et les propriétés mécaniques de l’os (résistance à la fracture).
Durant la croissance, l’activité physique joue un rôle dans l’acquisition du capital osseux. Sa pratique régulière peut prévenir/inverser la perte osseuse liée au vieillissement (diminution du risque de fracture du col du fémur).
 

Sur le système cardiovasculaire et sur la prévention de l’obésité et du diabète de type 2

L’activité physique :
  • a une action favorable sur les facteurs de risque cardio­vasculaire : lipides (réduction des triglycérides et du LDL-cholestérol, augmentation du HDL), pression artérielle, diabète... ;
  • permet de différer/éviter le traitement médicamenteux d’une hypertension artérielle récente ;
  • facilite le sevrage tabagique ;
  • participe au contrôle de la surcharge pondérale (augmentation de la masse maigre et réduction de l’adiposité abdominale). Les effets sur la perte de poids sont modestes, mais l’impact sur le maintien de la perte est important, ainsi que les effets bénéfiques sur les comorbidités de l’obésité ;
  • améliore la sensibilité à l’insuline et réduit le risque de survenue de diabète de type de type 2 chez les sujets à risque. Elle constitue un objectif prioritaire dans la prévention du diabète de type 2 ;
  • est considérée, chez l’enfant et l’adolescent, comme un moyen de lutte contre le surpoids et l’obésité, le dés­investissement scolaire et social.
 

Pour la prévention des cancers

L’activité physique diminue le risque de certains cancers, du côlon et du sein, principalement.
 

Activité physique et principales maladies chroniques

L’activité physique est recommandée pour limiter les conséquences des principales affections : coronaropathie, insuffisance cardiaque chronique et artériopathie des membres inférieurs. L’activité physique réduit l’insulinorésistance, améliore le transport et l’utilisation du glucose musculaire et diminue la production hépatique de glucose. Elle facilite l’équilibre glycémique et permet de retarder/alléger le traitement médicamenteux.
L’activité physique est l’outil thérapeutique le plus performant dans le traitement de la dyspnée de la broncho­pneumopathie chronique obstructive (BPCO).
Enfin, elle ne doit pas être contre-indiquée, mais recommandée chez les sujets asthmatiques.

Renforcer les compétences psychosociales

Les compétences psychosociales sont des aptitudes qui permettent à une personne d’interagir efficacement avec son environnement. Elles incluent les compétences sociales, cognitives et émotionnelles, et sont particulièrement pertinentes dans le contexte des maladies chroniques, où les personnes doivent souvent faire face à des défis à long terme et gérer des relations complexes avec les professionnels de la santé et leur entourage. Le renforcement de ces compétences peut avoir un impact positif sur l’estime de soi, les inter­actions sociales et la conscience de soi.

Compétences sociales

Ces compétences impliquent la capacité à communiquer efficacement, à ressentir et à exprimer de l’empathie, à résister à la pression sociale et à négocier, et à coopérer et plaider pour ses besoins ou ses droits. Dans le contexte des maladies chroniques, cela pourrait inclure la capacité à exprimer clairement ses besoins et préoccupations aux professionnels de santé, à solliciter l’aide lorsqu’elle est nécessaire, et à naviguer dans le système de soins de santé.
Pour les renforcer, il s’agit de favoriser une communication ouverte et d’encourager les personnes à exprimer leurs sentiments et préoccupations, pratiquer l’écoute active et fournir des rétroactions constructives, promouvoir l’empathie et la compréhension dans tous les aspects des soins.

Compétences cognitives

Ces compétences incluent la prise de décision, la résolution de problèmes, la capacité à recevoir et analyser des informations, la pensée critique et l’auto-évaluation. Pour les personnes vivant avec des maladies chroniques, cela peut comprendre des informations sur leur maladie et leur traitement, permettre de prendre des décisions éclairées sur leurs soins et évaluer leur propre état de santé.
Pour les renforcer, il s’agit d’encourager l’autonomie et la prise de décision éclairée, fournir des informations claires et compréhensibles sur la maladie et le traitement, encourager l’auto-évaluation et la réflexion sur l’expérience de la maladie.

Compétences émotionnelles

Ces compétences concernent la régulation émotionnelle, l’expression des émotions, la gestion du stress, la conscience de soi et les compétences d’autorégulation. Pour les personnes vivant avec des pathologies chroniques, cela peut signifier gérer les émotions liées à leur maladie, gérer le stress lié à leur condition et être conscientes de leurs propres sentiments et besoins.
Pour les renforcer, il s’agit d’encourager les personnes à exprimer leurs émotions et à chercher des moyens de gérer le stress, fournir un soutien émotionnel et empathique, encourager la prise de conscience de soi et l’autorégulation.
Une partie importante du renforcement des compétences psychosociales implique de reconnaître et de respecter l’individualité de chaque personne. Chaque individu a sa propre histoire de vie, ses valeurs, ses préférences et ses ressources, qui peuvent toutes influencer la façon dont il gère sa maladie. Par conséquent, les efforts pour renforcer les compétences psychosociales devraient toujours être adaptés à l’individu et respecter son autonomie et son droit à prendre ses propres décisions en matière de soins de santé. Enfin, il est important de noter que le renforcement des compétences psychosociales est un processus continu.

Savoir déterminer avec le patient des objectifs d’éducation thérapeutique

L’éducation thérapeutique du patient (ETP) est un processus complexe qui nécessite une approche collaborative et individualisée. Les objectifs de l’ETP doivent être définis en concertation avec la personne et ajustés tout au long du processus. Ces objectifs doivent être réalistes, spécifiques, adaptés à chaque personne et limités dans le temps.
L’établissement d’objectifs communs avec la personne commence par un diagnostic éducatif partagé. Il s’agit d’explorer et de comprendre le vécu de la maladie par la personne, ses attentes et ses besoins. C’est une occasion de construire un partenariat éducatif entre le soignant et la personne soignée.
Le professionnel de santé doit écouter attentivement et relativiser les représentations que la personne a de sa maladie, qui peuvent parfois être exagérées et sources de frustration ou de sentiments d’incapacité. Cette compréhension mutuelle peut renforcer la motivation de la personne à participer à l’ETP.
Une fois le diagnostic éducatif établi, les objectifs de l’ETP sont définis en fonction des priorités d’apprentissage de la personne. Ces objectifs peuvent être fixés à court, moyen ou long terme, en fonction de la situation de la personne et de sa capacité à gérer sa maladie.
Les séances d’ETP sont ensuite planifiées et mises en œuvre, en tenant compte de ces objectifs. Ces séances peuvent être individuelles ou collectives, ou une combinaison des deux.
L’évaluation des compétences acquises par la personne est une étape essentielle du processus d’ETP. Elle permet d’estimer ce qui a changé chez elle, quels sont ses nouveaux besoins et de planifier le suivi éducatif. Les objectifs atteints sont réévalués et réajustés lors de chaque consultation de suivi, et ceux qui n’ont pas été atteints sont clarifiés sans jugement moralisateur.
Le professionnel de santé joue un rôle clé dans le renforcement positif, en encourageant et félicitant la personne pour les progrès réalisés. Cette approche positive peut favoriser de nouveaux changements et renforcer l’engagement dans l’ETP.
Enfin, la posture du professionnel de santé est cruciale pour atteindre les objectifs de l’ETP. Au lieu d’adopter une approche prescriptive, il doit ainsi savoir réaliser des entretiens motivationnels, légitimer les changements, expliquer les liens entre les comportements à modifier et les enjeux de santé, et accompagner la personne à la fois sur le plan cognitif et psychosocial. L’angoisse et la résistance au changement doivent être gérées avec soin, en respectant toujours les choix des personnes.
En résumé, l’objectif est d’aider les individus à devenir des acteurs actifs de leur santé, capables de gérer leur maladie de manière autonome et efficace. Ce processus nécessite une véritable transformation des pratiques professionnelles, qui doit être guidée par l’écoute, la bienveillance et le respect des choix des personnes vivant avec une maladie chronique.

Étapes pour envisager une modification des habitudes alimentaires

Quatre étapes sont nécessaires pour envisager une modif­ication des habitudes alimentaires :
  • évaluer la motivation au changement ;
  • évaluer la consommation alimentaire spontanée et conseiller la personne selon les résultats de cette évaluation (par exemple réduire certains aliments, limiter les grignotages, augmenter la durée des repas ou l’apport en fruits et légumes, manger sans autre activité type télé­vision, lecture...) ;
  • fixer des objectifs réalistes adaptés et progressifs en accord avec la personne ; faire en fonction de ses possibilités, son rythme de travail, son milieu socioculturel... ;
  • suivre l’application des conseils : renforcer la motivation de la personne à chaque contact, vérifier régulièrement l’obtention d’une modification durable des habitudes alimentaires, renforcer les conseils diététiques, s’enquérir des difficultés et répondre aux questions des personnes.
Il faut éviter de délivrer des messages standard, rigides, extrêmes en matière de restriction alimentaire. De même, tout discours culpabilisant et moralisateur est à proscrire.
Lorsque l’alimentation est associée à des troubles psychologiques, un accompagnement spécialisé peut être indiqué.

Prescrire une alimentation adaptée dans les principales maladies chroniques

L’alimentation est un pilier essentiel de la prise en charge thérapeutique de diverses maladies chroniques, contribuant à la prévention, au contrôle des symptômes et à l’amélioration de la qualité de vie des personnes. Lorsqu’une alimentation thérapeutique est indiquée pour une personne hospitalisée, une prescription écrite par le médecin est nécessaire et doit indiquer clairement le type et la texture de l’alimentation, ainsi que les détails relatifs aux compléments nutritionnels, aux repas, aux collations et aux mesures posturales.
La responsabilité du médecin dans cette prescription est majeure, et des erreurs peuvent avoir des conséquences médicolégales. Par exemple, certaines textures alimentaires peuvent présenter un risque de « fausse route » et certaines prescriptions diététiques sont essentielles dans des conditions telles que l’insuffisance cardiaque ou rénale, le diabète ou lors d’une corticothérapie au long cours. Il faut également noter que la combinaison de plusieurs régimes restrictifs peut exposer les individus à un risque de dénutrition.
Plusieurs éléments sont ainsi à prendre en compte lors de la prescription d’un régime thérapeutique au cours d’une maladie chronique.

Insuffisance rénale chronique

L’objectif est de prévenir la dénutrition, d’adapter les apports en protéines, en eau et en sodium et de tenir compte des facteurs de risque cardiovasculaire. Une attention particulière est portée aux apports hydroélectrolytiques pour minimiser les risques d’hyperkaliémie, d’hyperphosphorémie, d’acidose métabolique et de surcharge sodée. Les apports protidiques sont adaptés au stade de l’insuffisance rénale chronique ; ils varient entre 0,8 et 1,4 g/kg/j selon le stade et la présence de dialyse.

Diabète

L’alimentation standard est généralement adaptée aux personnes vivant avec un diabète, avec un accent sur la nécessité d’une consommation régulière de glucides pour limiter les fluctuations glycémiques. La prise en compte de l’indice glycémique des aliments et la limitation des aliments à indice glycémique élevé sont également importantes pour un meilleur contrôle glycémique.

Obésité

Une approche personnalisée et globale est nécessaire, intégrant des conseils nutritionnels, de l’activité physique et un soutien psychologique et comportemental. Les régimes restrictifs doivent être évités car ils mènent à un regain de poids (effet yo-yo) à une altération de l’estime de soi, voire à une dépression et à une dénutrition.

Maladies inflammatoires (corticothérapie)

Une alimentation adaptée et des suppléments peuvent être nécessaires pour gérer les effets indésirables des corticoïdes, tels que la rétention hydrosodée, les perturbations du métabolisme des glucides, l’augmentation du catabolisme protéique, l’augmentation de l’élimination urinaire du potassium et la déminéralisation osseuse.
Il est essentiel de souligner que chaque personne est unique et qu’une prescription diététique doit toujours être individualisée, en tenant compte des préférences alimentaires de la personne, de son mode de vie et de ses comorbidités.

Promouvoir l’activité physique

Évaluation de l’activité physique et de la sédentarité

L’évaluation de l’activité physique habituelle s’effectue par questionnaire ou par carnet d’activité physique (sur 7 jours, par exemple) ou avec un podomètre permettant d’estimer un nombre de pas par jour.
La sédentarité, état dans lequel les mouvements sont réduits au minimum, doit également être évaluée : temps passé devant un écran (télévision, ordinateur, jeux vidéo, etc.) ou assis.
Il s’agit, dans une même démarche, de se renseigner sur le passé de la personne, les éventuelles activités ­réalisées et les raisons ou les circonstances de l’arrêt de l’activité physique.
Cette double évaluation permet de repérer les opportunités d’activité physique.

Prescrire ou conseiller une activité physique

La prescription d’une activité physique est toujours personnalisée, après évaluation globale de la personne, en fonction de sa motivation, de ses obstacles, de ses capacités physiques. Un bilan médical préalable, notamment cardiovasculaire, peut être nécessaire, en fonction de l’âge, des facteurs de risque ou de la pathologie.
Le soignant doit guider la personne vers des objectifs réalistes et progressifs pour favoriser la réussite et l’autosatisfaction. Chez l’adulte sédentaire, la première étape est « de faire sortir du fauteuil » en valorisant les périodes non sédentaires puis progressivement en encourageant à entreprendre une activité physique modérée selon ses capacités (5 minutes est mieux que rien du tout). La marche et le vélo sont favorisés en ciblant les trajets pouvant être réalisés (domicile-travail, domicile-école, domicile-­courses, etc.) et les escaliers sont préférés aux ascenseurs et escalators. Les activités mobilisant plusieurs chefs musculaires sont à privilégier. Le podomètre est un moyen éducatif et de suivi. Un nombre quotidien de pas inférieur à 3 000 correspond à un bas niveau d’activité physique, 6 000 à un niveau moyen et 11 000 à la recommandation d’activité journalière (30 minutes).
En pratique, il s’agit de tenir compte du sujet dans sa globalité (motivation, santé, capacité, entourage, milieu social, facteur professionnel, goût pour une activité) ; de fixer des objectifs précis (fréquence, durée, intensité), réalistes et faisables ; de suivre le sujet dans ses objectifs et adapter de nouveaux objectifs ; d'encourager et féliciter.
En cas de difficulté à atteindre les objectifs ou à la mise en place de l’activité physique, la personne peut être adressée à un kinésithérapeute, à un programme d’ETP, à un professionnel en activités physiques adaptées (APA) ou à un service de réadaptation. Cette activité doit s’adresser à tous les âges de la vie.
Un certificat de non-contre-indication à la pratique sportive n’est obligatoire que pour certains sports.

Orienter vers la pratique d’une activité physique adaptée

Activité physique et obésité (v. item 253)

L’activité d’endurance d’intensité modérée doit être privilégiée ; elle induit l’oxydation préférentielle des lipides. Les recommandations sont celles de l’OMS. Le médecin doit prendre conscience des difficultés à réaliser l’activité physique en cas d’obésité. Il est possible d’avoir recours à un professionnel en APA.

Activité physique et diabète (v. Item 247)

L’activité physique est indiquée dans le diabète de type 2 comme dans le diabète de type 1. La particularité des sujets diabétiques est la présence potentielle de traitements pouvant induire des hypoglycémies (insuline/sulfamides hypoglycémiants) et nécessitant donc une anticipation (adaptation des traitements/collations, etc.). L’éducation thérapeutique du patient sur la gestion du traitement, l’autosurveillance glycémique, l’alimentation en fonction de l’activité physique est indispensable.
Tout type d’activité peut être pratiqué par le sujet diabétique, avec des réserves sur la plongée et le sport aérien (parachute, parapente, etc.) en cas de risque d’hypo­­glycémie.
Le patient peut être orienté vers des associations, des ateliers d’activité physique adaptée animés par un enseignant en APA ou un éducateur sportif, des réseaux de santé ou des associations sport-santé.

Activité physique et maladies cardiovasculaires (v. item 222)

La pathologie doit être stabilisée, à distance de l’événement cardiovasculaire (par exemple, un mois après un infarctus du myocarde). Une épreuve d’effort est indiquée chez les personnes avec antécédent ou à haut risque. Chez les sujets avec une fonction cardiaque altérée, une demande de réadaptation à l’effort en centre spécialisé est indispensable pour envisager la pratique d’activité physique régulière.
Les antécédents familiaux (mort subite...) doivent être recherchés. Les examens complémentaires ne sont pas systématiques mais adaptés à la clinique du patient (électrocardiogramme, épreuve d’effort, échographie cardiaque...).

Activité physique et douleurs ostéoarticulaires chroniques

Les douleurs ostéoarticulaires sont souvent un frein à la pratique d’une activité physique, aboutissant à une sédentarité, une prise de poids, une limitation des amplitudes articulaires, une réduction de la force musculaire et un mauvais vécu psychologique pouvant lui-même aggraver les douleurs et aboutir à un cercle vicieux. Or l’activité physique d’intensité faible à modérée constitue une modalité d’amélioration des atteintes ostéo­articulaires (lombalgie chronique, fibromyalgie, gon­arthrose).
Il est important de prendre en compte la douleur, d’adapter le traitement antalgique, d’encourager l’activité physique lors des moments de répit douloureux.
La personne peut être adressée à un kinésithérapeute ou à un service de réadaptation en fonction des difficultés lors de la mise en place du projet.

Activité physique, pathologies psychiatriques et traitements psychotropes

Les programmes en activité physique semblent améliorer les symptômes schizophréniques. Ils permettent également de limiter les troubles métaboliques induits par les traitements antipsychotiques. L’implication des personnes dans des programmes d’activité physique leur permet de limiter les grignotages et la prise de poids, souvent favorisés par les neuroleptiques.

Activité physique et handicap

Que le handicap soit physique, mental, sensoriel ou multiple, l’activité physique ne doit pas être oubliée. Il existe en France une accessibilité au sport adapté (identique aux valides ou spécifique aux sujets handicapés).

Activité physique et autres situations (hors items)

Activité physique et traitement par corticoïdes

La pratique régulière d’une activité physique est recommandée chez les personnes sous corticothérapie. Elle permet de limiter de nombreux effets indésirables du traitement (faiblesse musculaire, ostéoporose, prise de poids, etc.) et doit être recommandée aux personnes traitées par corticoïdes de façon prolongée.
 

Activité physique chez l’enfant/adolescent

Chez l’enfant, l’objectif est de réduire les activités sédentaires (télévision, jeux vidéo) et de favoriser les activités extérieures et les loisirs sources de marche. Les trajets pour aller à l’école peuvent favoriser la marche ou le vélo. Il est important de prendre en compte les goûts de l’enfant et d’encourager la pratique d’une activité en périodes extrascolaires selon ses envies (association et club de sport, maison de quartier, centre aéré/de loisirs, colonie de vacances...). La famille doit être sollicitée dans la démarche d’activité physique (promenade en famille...).

Évaluer la motivation au changement

Les modifications thérapeutiques du mode de vie sont un véritable enjeu pour soignant et soigné. Elles ne peuvent se faire sans entretien motivationnel, après avoir déterminé le stade de motivation de la personne.
La motivation à changer de comportement est la probabilité qu’un sujet débute, poursuive et adhère à une stratégie de changement (différent de la volonté ou du courage). Elle nécessite des prérequis :
  • être conscient d’être atteint d’une maladie ;
  • connaître les conséquences de celle-ci ;
  • penser que le traitement proposé est nécessaire et est associé à des bénéfices ;
  • estimer que les avantages du traitement contre­balancent ses inconvénients.
La motivation comprend une composante extrinsèque (pression liée à la famille, aux soignants, habituellement insuffisante pour induire un changement) et une composante intrinsèque (raisons propres du sujet pour changer). Le modèle de Prochaska et DiClemente décrit différents stades de motivation (tableau 4).
Pour le soignant, il est important de repérer le stade où se situe la personne vivant avec une maladie chronique de façon à accorder son discours pour l’aider à passer d’un stade à un autre. Au stade de précontemplation, il est contre-productif de vouloir travailler avec elle sur les modifications de son mode de vie. Il est plus intéressant de collaborer avec elle sur la prise de conscience des enjeux sur sa santé et de l’amener à former un projet de changement qui lui conviendra.

Conclusion

Mettre en place les modifications thérapeutiques du mode de vie est une tâche compliquée, et il serait réducteur et simpliste de résumer les principes de l’initiation au changement à une série de conseils standard. Le discours du soignant doit s’adapter à la personne concernée dans sa globalité et en fonction de son niveau de motivation. Il s’agit d’une réelle coopération entre soignant et soigné.
L’évaluation du mode de vie dans ses différents aspects permet de cibler les objectifs à mettre en place en accord avec la personne. Les objectifs doivent à la fois se fonder sur les recommandations médicales et sur la capacité et la motivation de la personne à les mettre en place. Le suivi des personnes vise à valoriser chaque changement, entretenir la motivation, identifier les difficultés et les rechutes pour pouvoir y répondre de manière adaptée.
Points forts
Modifications thérapeutiques du mode de vie (alimentation et activité physique) chez l’adulte et l’enfant

Les changements environnementaux associés au vieillissement des populations jouent un rôle majeur dans l’émergence des principales maladies chroniques (obésité, diabète, maladies cardiovasculaires, etc.).

La prévention et la prise en charge thérapeutique de ces pathologies reposent avant tout sur les modifications thérapeutiques du mode de vie.

L’évaluation du comportement alimentaire, de l’activité physique et du temps de sédentarité d’un individu est un préalable à la mise en place des modifications thérapeutiques du mode de vie.

La mise en place des modifications thérapeutiques du mode de vie nécessite également d’évaluer les freins au changement et d’avoir une approche reposant sur l’entretien motivationnel.

La prescription et le conseil en diététique nécessitent une approche empathique, centrée sur la personne, prenant en compte les stades de motivation au changement et fondée sur les principes de l’éducation thérapeutique.

Les personnes n’atteignant pas les objectifs des recommandations en matière d'activité physique ont tout de même un bénéfice à pratiquer une activité en fonction de leurs capacités.

Les objectifs en matière de modifications thérapeutiques du mode de vie doivent à la fois se fonder sur les recommandations médicales et sur la capacité et la motivation de la personne à les mettre en place.

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Modifications thérapeutiques du mode de vie (alimentation et activité physique) chez l’adulte et l’enfant

Les connaissances à acquérir pour cet item sont classées ainsi :

  • Savoir évaluer le comportement alimentaire : rang A
  • Connaître les effets positifs de l’activité physique dans les maladies chroniques et savoir les expliquer au patient : rang A
  • Savoir comment renforcer les compétences psycho-sociales : rang B
  • Savoir déterminer avec le patient des objectifs d’éducation thérapeutique : rang B
  • Savoir prescrire une alimentation adaptée dans les principales maladies chroniques : rang B
  • Savoir promouvoir l’activité physique : rang B
  • Savoir orienter vers la pratique d’une activité physique adaptée : rang B
Pour en savoir plus
Haute Autorité de santé (HAS). Guide de parcours de soins. Diabète de type 2 de l’adulte. Février 2019. https://vu.fr/DOgn
HAS. Recommandation de bonne pratique. Obésité de l’adulte : prise en charge de 2e et 3e niveaux. Partie I : prise en charge médicale. Juin 2022. https://vu.fr/woLJ
HAS. Guide du parcours de soins : Surpoids et obésité de l’adulte. Février 2023. https://vu.fr/pYjgQ
HAS. Guide de parcours de soins. Maladie coronarienne stable. Octobre 2016. https://vu.fr/lePEe
2019 ESC/EAS Guidelines for the management of dyslipidaemias: lipid modification to reduce cardiovascular risk. European Heart Journal 2020;41(44):4255.
Simon C, Chabrier G. Comment prescrire l’activité physique en pratique médicale ? Ann Endocrinol 2005;66(2 cah 3):2S29-35.
HAS. Prescrire l’activité physique : un guide pratique pour les médecins. Octobre 2018. https://vu.fr/rKDA
Duclos M, Oppert JM, Verges B, Coliche V, Gautier JF, Guezennec Y, et al. Physical activity and type 2 diabetes. Recommandations of the SFD (Francophone Diabetes Society) diabetes and physical activity working group. Diabetes & Metabolism 2013;39(3):205-16.
Polycopié de nutrition. Collège des enseignants de nutrition 2022. https://www.lewebducen.fr/
Sémiologie des troubles du comportement alimentaire de l’adulte. Cahier de nutrition et de diététique, 36, hors-série, 2001.
Expertise collective. Activités physiques : contexte et effet sur la santé. Inserm, 2008. https://vu.fr/nNis
Les outils de formation. Afero. www.obesite-formation.fr/motivation
Ziegler O, Bertin E, Jouret B, Calvar R, Sanguignol F, Avignon A, Basdevant A. Éducation thérapeutique et parcours de soins de la personne obèse. Obésité 2014;9(4):302-28.

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