Une vaste étude parue dans le NEJM, incluant des données de plus de 1 million et demi de participants, a permis d’estimer pour la première fois le poids relatif des 5 principaux facteurs de risque modifiables dans la morbimortalité cardiovasculaire, en fonction du sexe des patients et des régions du monde… De quoi orienter les politiques de prévention !

Première cause de mortalité au niveau mondial, les maladies cardiovasculaires (CV) sont responsables d’un tiers de la mortalité totale. Si le rôle des facteurs de risque tels que l’HTA, l’hypercholestérolémie, le diabète, le tabagisme, etc. dans leur survenue est bien connu, le poids de ces derniers varie en fonction des populations étudiées, voire des méthodes de calcul. Cela retentit sur la précision des scores existants qui servent à calculer les risques de pathologies CV et de mortalité à 10 ans. Or il existe peu d’études évaluant ces associations plus finement, au moyen de données individuelles, et permettant d’en connaître les variations selon les pays et le sexe notamment – des données qui pourraient aboutir à la mise en place de mesures préventives plus adaptées selon les situations.

Pour la première fois, une telle analyse a été conduite par le Global Cardiovascular Risk Consortium. Elle a porté sur les données individuelles observationnelles de plus de 1 million et demi de participants (54,1 % de femmes ; âge médian : 54,4 ans), recueillies prospectivement et couvrant la période 1963 - 2020. Les résultats de cette vaste étude sont parus dans le NEJM.

Les données provenaient de 112 études de cohorte menées dans 34 pays dans 8 régions géographiques (Amérique du Nord, Amérique latine, Europe de l’Ouest, Europe de l’Est et Russie, Afrique du Nord et Moyen-Orient, Afrique subsaharienne, Asie, Australie). Elles ont été regroupées et harmonisées, et stratifiées par région, âge et sexe afin d’étudier l’association entre 5 facteurs de risque modifiables (IMC, PAS, non-HDL cholestérol, tabagisme en cours, diabète) et l’incidence de maladies CV et de mort toutes causes à 10 ans.

Ainsi, les proportions de maladies CV et de morts toutes causes attribuables à ces facteurs de risque dans la population ont été estimées selon la région et le sexe des participants.

Cinq facteurs modifiables en cause dans 50 % des maladies CV et 20 % des décès

Sur un suivi médian de 7,3 ans (maximum de 47,3 ans), une maladie CV est survenue chez 80 596 personnes. Quant aux décès, 177 369 ont eu lieu sur un suivi médian de 8,7 ans (maximum de 47,6 ans). L’analyse a montré que globalement 57,2 % des cas de maladies CV parmi les femmes et 52,6 % parmi les hommes, ainsi que 22,2 % et 19,1 % des décès toutes causes respectivement, pourraient être attribuables à ces 5 facteurs de risque combinés. Un contrôle strict de ces facteurs modifiables pourrait ainsi potentiellement prévenir un cas de maladie CV sur deux et une mort sur cinq au niveau mondial…

Des variations régionales étaient constatées : en Europe de l’Ouest, ces chiffres étaient ainsi de 55,8 % (chez les femmes) et 53,2 % (chez les hommes) pour les maladies CV et de 15,7 % (F) et 2,1 % (H) pour les décès toutes causes, contre respectivement 64,2 % (F) et 60,5 % (F) et 31,8 % (F) et 34,1 % (H) en Afrique du Nord et au Moyen-Orient, par exemple.

L’hypertension : en première ligne dans toutes les régions du monde

La PAS élevée était dans cette analyse le facteur de risque ayant le plus de poids parmi les 5 considérés, et ce dans toutes les régions du monde : elle apparaissait comme potentiellement responsable de 29,3 % (F) et 21,6 % (H) des cas de maladie CV dans la population globale étudiée. Ce résultat confirme la place centrale du contrôle tensionnel dans la prévention du risque CV.

En dehors de la PAS, en fonction des régions étudiées le poids des différents facteurs variait : le diabète apparaissait comme responsable d’une très large part de la morbidité CV en Afrique et au Moyen-Orient – davantage que dans les autres régions –, alors que la proportion de maladies CV potentiellement attribuables à l’IMC, en particulier parmi les hommes, était plus élevée en Europe de l’Ouest et en Amérique du Nord que dans les autres régions. Ces données pourraient ainsi servir éventuellement à mettre en place des stratégies de priorisation différentiées de prévention CV en fonction des pays.

Quelques limites sont néanmoins soulevées par les auteurs : outre l’hétérogénéité dans la quantité et la qualité des données selon les cohortes utilisées, certaines données telles que l’arrêt du tabac durant la période de suivi ont pu conduire à des résultats imprécis (sous-estimations du poids de ce dernier parmi tous les facteurs de risque). Par ailleurs, les effets du surpoids ou de l’obésité peuvent être médiés par l’hypercholestérolémie, l’hypertension et le diabète – des confusions résiduelles ne peuvent donc pas être exclues.

Pour en savoir plus
The Global Cardiovascular Risk Consortium. Global Effect of Modifiable Risk Factors on Cardiovascular Disease and Mortality.  N Engl J Med 2023;389:1273-85.

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