Une étude du BEH, s’appuyant sur l’analyse des volets médicaux des certificats de décès, dresse un panorama complet de l’ensemble des causes de décès en 2021 et de leur évolution par rapport aux années précédentes. Si le Covid reste la 3e cause de mortalité, l’étude révèle des tendances inattendues…

Cette étude décrit la mortalité en France en 2021 à partir des certificats de décès, et la compare à celle de l’année 2020 et à la tendance observée entre 2015 et 2019.

En 2021, 660 168 décès ont été enregistrés en France. Cela correspond à un taux standardisé de mortalité de 885,5 pour 100 000 habitants, toutes causes confondues. Si ce taux est en diminution par rapport à 2020 (904,3 pour 100 000 habitants), son niveau reste nettement plus élevé que celui auquel on aurait pu s’attendre si la tendance des années précédentes s’était prolongée (fig. 1) ; dans de précédents articles, nous avons déjà évoqué et analysé la trajectoire anormale de l’espérance de vie en France ces dernières années.

De plus, si les décès sont survenus majoritairement chez les plus de 65 ans (85 %), le taux de mortalité chez les personnes de moins de 65 ans dépasse celui de 2020, quoique de peu (189,4 contre 188,3).

Enfin, il y a eu un excès de mortalité de 43 000 décès toutes causes confondues par rapport au nombre attendu en l’absence d’épidémie ou d’autre événement inhabituel ; ce chiffre est en légère baisse par rapport à 2020 (excès de 48 000 décès).

Covid- 19 : toujours la 3e cause de décès

En 2021, le Covid était la cause principale de 60 895 décès, soit 9,2 % du total des décès. Si ces chiffres sont en baisse par rapport à l’année précédente (69 000 décès ; 10,4 % du total), le Covid demeurait la 3e cause de mortalité, tout comme en 2020.

Les personnes concernées en 2021 étaient un peu plus jeunes qu’en 2020 : la moitié (49,6 %) avaient 85 ans ou plus, alors que ce pourcentage était de 56,8 % l’année précédente, ce qui pourrait s’expliquer en partie par la vaccination prioritaire des personnes les plus âgées. Comme dans le passé, la mortalité due au Covid touchait davantage les hommes que les femmes (taux 1,9 fois supérieur).

Sur le plan géographique, les départements et régions d’outre-mer étaient les plus touchés, avec des taux de mortalité dépassant les 200 voire 300 pour 100 000 habitants, soit 2 à 3 fois supérieurs que dans les régions métropolitaines les plus touchées (Hauts-de-France, PACA, Île-de-France, Grand-Est), aussi bien en 2020 qu’en 2021. Ils étaient aussi 3 à 4 fois supérieurs en 2021 qu’en 2020 dans les mêmes régions et départements. Cette différence entre les DROM et la métropole pourrait s’expliquer par une couverture vaccinale plus basse et la plus grande fréquence de facteurs de risque tels que l’obésité ou le diabète.

Par ailleurs, la grande majorité (88 %) des personnes décédées du Covid avaient au moins une comorbidité, un chiffre en légère hausse par rapport à 2020 (86,5 %). C’est davantage le cas chez les < 65 ans : présence d’une comorbidité dans 92,9 % des cas (93,4 % en 2020). En 2021, outre les maladies de l’appareil respiratoire, surtout la pneumonie (qui est elle-même une complication aiguë du Covid), les comorbidités les plus fréquentes étaient les maladies cardiovasculaires (37,5 % des décès dus au Covid tous âges confondus et 29,3 % chez les < 65 ans), les maladies endocriniennes et métaboliques (18,4 % tous âges confondus, 23 % chez les < 65 ans) dont diabète (10,4 % tous âges confondus, 10,1 % chez les < 65 ans) et obésité (4,7 % tous âges confondus, 14,7 % chez les < 65 ans, soit davantage que dans la même classe d’âge en 2020 : 10 %).

Cancers : la mortalité poursuit sa tendance à la baisse

En 2021, comme en 2020, les tumeurs restaient la 1re cause de mortalité en France (25,7 % des décès). Plus de la moitié des personnes décédées d’un cancer avaient entre 65 et 84 ans. Les tumeurs du poumon, des bronches et de la trachée étaient les plus représentées (17,9 % des décès par cancer, taux de mortalité standardisé de 45,4 pour 100 000 habitants) en particulier chez les < 65 ans (25 % des décès par cancer), suivies du cancer colorectal (10 % des décès par cancer tous âges confondus, taux de mortalité standardisé de 23,6 pour 100 000 habitants).

Toutefois, la mortalité par cancer poursuit la tendance à la baisse observée depuis 2015 (sauf pour les tumeurs du pancréas et le mélanome). Cette diminution converge avec une tendance internationale.

Mortalité par maladies cardiométaboliques : en augmentation

Des hausses notables de mortalité en 2021 concernent les maladies endocriniennes, nutritionnelles et métaboliques, ainsi que les maladies cardiovasculaires et celles de l’appareil digestif, en rupture avec la tendance à la baisse observée les années précédentes (fig. 1) :

  • Deuxième cause de mortalité en 2021, les maladies de l’appareil circulatoire ont entraîné 137 716 décès : 20,9 % du total, tous âges confondus (avec un taux de 177,7 pour 100 000 habitants) ; 26,4 % chez les 85 ans et plus ; 12 % chez les moins de 65 ans. Les cardiopathies ischémiques représentaient 22,7 % des décès cardiovasculaires ; les pathologies cérébrovasculaires, 22,6 %. La hausse de la mortalité est plus marquée entre 65 et 84 ans et chez les hommes.
  • La mortalité par maladies métaboliques et endocriniennes a légèrement augmenté en 2020 et est restée stable à ce même niveau en 2021 – année où elle a même augmenté chez les personnes de 65 à 84 ans. Cette évolution est portée par un arrêt de la baisse de l’incidence du diabète sucré depuis 2020 et une hausse des autres pathologies endocriniennes.
  • La mortalité due aux maladies de l’appareil digestif augmente en 2021 pour toutes les classes d’âge, après une stabilisation en 2019 et 2020, notamment pour les cirrhoses, fibroses et hépatites chroniques chez les hommes de 65 ans ou plus, et pour les autres maladies de l’appareil digestif chez les femmes de cette classe d’âge. Globalement, la mortalité liée à l’abus d’alcool croît chez les > 65 ans, bien que restant dans la tendance observée entre 2015 et 2019.
 

Cette rupture pourrait être liée en partie à des effets indirects et durables de l’épidémie de Covid (retard de prise en charge, isolement social croissant affectant les comportements, hausse de la consommation d’alcool, etc.). Ce même phénomène est aussi observé dans d’autres pays (États-Unis, Italie…). Les auteurs rapportent par ailleurs que des analyses préliminaires de la mortalité en 2022 suggèrent que ces hausses de mortalité se sont poursuivies cette année-là.

À l’inverse, une diminution de la mortalité a été observée en 2021 (voire dès 2020) pour certaines pathologies : maladies respiratoires et du système nerveux (dont Alzheimer et démences), de façon plus accentuée que la tendance qui se dessinait déjà entre 2015 et 2019. Selon les auteurs, ces baisses pourraient être liées à une concurrence entre le Covid et ces autres causes : concrètement, il est possible qu’une partie des personnes décédées du Covid seraient décédées d’une autre cause, dont celles évoquées, la même année en l’absence de pandémie. Quant aux maladies respiratoires, la baisse pourrait s’expliquer par l’instauration et le maintien des mesures de prévention depuis la pandémie.

Néanmoins, cette étude ne permet pas d’estimer quantitativement la part respective de chaque cause de décès dans l’excès de mortalité toutes causes confondues observé en 2021. D’autres études sont donc nécessaires pour approfondir ce sujet.

Qu’en retenir ? L’analyse de Catherine Hill (Institut Gustave-Roussy)

Nous résumons les principaux résultats de l’étude sous forme graphique (fig. 2, 3 et 4).

Les principales causes de décès chez les hommes comme chez les femmes sont les tumeurs, les maladies cardiovasculaires et le Covid. La répartition des causes de décès est un peu différente chez les hommes et chez les femmes (fig. 2a), essentiellement à cause de la différence de la répartition par âge entre les deux sexes. À âge égal (fig. 2b), les répartitions sont très proches.

Parmi les décès attribués au Covid- 19, 88 % avaient au moins une cause associée et souvent plusieurs causes associées. Les deux tiers de ces causes associées étaient des maladies respiratoires (28 %) circulatoires (19 %) ou mal définies (20 %) [fig. 3].

1,1 % des décès avaient le Covid comme cause associée, les causes initiales étaient réparties à peu près comme dans l’ensemble des décès, mais il y avait très peu de causes mal définies (fig. 4) ; 57 % avaient une tumeur ou une maladie cardiovasculaire comme cause initiale.

Le nombre de décès qui ont le Covid- 19 comme cause initiale en 2021 est 60 895, proche des 60 631 et 58 772 décès attribués au Covid en France dans les bases de données internationales Our World in Data (https ://ourworldindata.org/covid-deaths) et Wordometer (https ://www.worldometers.info/coronavirus/).

 

 

Dans cet article

Ce contenu est exclusivement réservé aux abonnés