Pour apprécier l’impact de la pandémie sur la mortalité en France, les indicateurs les plus employés sont les décès hospitaliers, qui restent imparfaits. Une étude de la Drees, s’appuyant sur l’analyse des volets médicaux des certificats de décès, estime de façon plus précise la mortalité liée au Covid, tout en dressant un panorama complet de l’ensemble des causes de décès en 2020 et de leur évolution par rapport aux années précédentes.

Des données plus précises

Plusieurs sources ont été utilisées pour évaluer la mortalité liée au Covid. Les indicateurs les plus employés sont les décès de patients diagnostiqués Covid à l’hôpital, issus de la base SI-VIC de Santé publique France. Il faut y ajouter le nombre de décès dans les Ehpad et autres établissements médico-sociaux (disponibles via le système de surveillance SurvESMS). Ces données ont l’avantage d’être mises à jour quotidiennement, mais ont des limites : ces décès ne sont pas tous dus au Covid (il s’agit de patients ayant eu un test positif Covid, même si l’infection n’était pas la cause du décès) ; en plus, cette analyse exclut les décès à domicile. Une autre approche repose sur les statistiques de surmortalité « toutes causes » issues de l’exploitation des données d’état civil de l’Insee, montrant indirectement des tendances nationales et locales ; cependant ces dernières ne permettent pas d’isoler strictement l’impact du Covid.

Les statistiques du CepiDc, Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès de l’Inserm, utilisées dans ce dernier rapport de la Drees, s’appuient sur les volets médicaux des certificats de décès renseignés par les médecins, quel que soit le lieu du décès. Elles sont donc plus précises, mais leur analyse est plus fastidieuse. En effet, dans ces volets, figurent la ou les causes du décès : « maladies ou affections morbides ayant directement provoqué le décès », « autres états morbides, facteurs ou états physiologiques ayant contribué au décès »… Le Covid peut n’être qu’un des éléments ayant très indirectement contribué au décès. Ainsi, chaque certificat a été analysé manuellement de façon « approfondie », permettant de connaître le nombre de personnes dont la cause initiale de décès était le Covid.

Mortalité en 2020 : quelle est la part liée au Covid ? 

En 2020, 667 496 décès de personnes domiciliées en France ont été enregistrés (tableau) : 10,4 % étaient dus au Covid (69 238). Il s’agit de la 3e cause de décès, derrière les tumeurs (170 806) et les maladies cardio-neurovasculaires (134 763).

La moitié de décès pour Covid ont concerné des personnes de 85 ans ou plus. Autant de femmes que d’hommes, alors que la population âgée est majoritairement féminine (les hommes mourant plus jeunes). Ainsi, à structure d’âge comparable, les hommes ont une mortalité près de deux fois supérieure à celle des femmes (121,6 contre 64,1 pour 100 000 habitants). Ce n’est pas spécifique au Covid car cela concerne la plupart des causes de décès, mais c’est légèrement plus marqué pour le Covid.

Le taux standardisé de mortalité due au Covid est de 92,9 pour 100 000 habitants pour l’ensemble de l’année 2020, ce qui est supérieur aux taux de l’ensemble des maladies de l’appareil respiratoire des années précédentes (entre 61,2 et 65,4 au cours de la période 2015-2017). Il a atteint son maximum à 187,5 lors de la deuxième vague épidémique (octobre à décembre), après avoir atteint 165,5 lors de la première (mars à mai) (graphique). La mortalité était plus importante en Île-de-France, dans le Grand-Est et en Auvergne-Rhône-Alpes, régions particulièrement touchées par l’épidémie, notamment pendant la première vague (pour le Grand-Est et l’Île-de-France).

Sans surprise, dans 86,5 % des décès dus au Covid-19, au moins une comorbidité ou complication était mentionnée sur le certificat de décès : maladies de l’appareil respiratoire (pneumonie +++), maladies cardio-neurovasculaires (36,5 %)…

Tumeurs et maladies cardio-neurovasculaires en tête

En 2020, les tumeurs, première cause de décès depuis 2004, représentaient 25,6 % des décès (170 806 décès, taux standardisé de 247,5 pour 100 000), dont 95 562 décès masculins (taux standardisé de 315,8) et 75 244 décès féminins (taux standardisé de 179,3), ce qui indique un risque de décès 1,8 fois plus important chez les hommes que chez les femmes à âge comparable. Plus de la moitié des personnes décédées d’une tumeur avaient entre 65 et 84 ans. Les tumeurs du poumon, des bronches et de la trachée étaient en tête (18,1 % des décès par tumeur en 2020), avant le cancer colorectal et les tumeurs malignes du sein.

Les maladies cardio-neurovasculaires étaient la deuxième cause de décès, avec 134 763 personnes décédées (175,2 pour 100 000) soit 20,2 % des décès, dont 63 630 pour les hommes et 71 133 pour les femmes.

Six pour cent des décès étaient dus à des causes externes : surtout chutes accidentelles et suicides.

Parmi les personnes de 85 ans ou plus, ce sont les maladies cardio-neurovasculaires qui sont la première cause de décès (25,0 %), devant les tumeurs (14,2 %) et le Covid (12,5 %). Les démences, les maladies d’Alzheimer et de Parkinson représentent respectivement 4,6 %, 4,2 % et 1,1 %, et les chutes 1,8 % des décès dans cette classe d’âge.

La mortalité (hors Covid) baisse par rapport à 2015-2017

Depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la mortalité suit une tendance à la baisse générale. Par rapport à 2015-2017, en 2020 le niveau de mortalité rompt avec cette tendance : le taux standardisé de mortalité dépasse de 37 points celui de 2017 en raison de la mortalité liée au Covid, mais la mortalité est plus faible en 2020 qu’en 2017 pour chacune des autres grandes catégories de causes : tumeurs, maladies cardio-neurovasculaires, infections…

Comment l’expliquer ? Première hypothèse : une « concurrence » avec le Covid. En effet, on peut supposer que certaines personnes qui seraient décédées dans l’année du fait de ces maladies sont décédées, à la place, d’une infection par le SARS-CoV-2. Autre explication : la nette baisse de la mortalité liée aux maladies respiratoires et infectieuses – notamment la grippe, mais aussi les pneumonies, la tuberculose, les hépatites virales –, de nombreux pathogènes ayant moins circulé en raison des périodes de confinement et de restriction des déplacements et activités.

Excès de mortalité

Sur l’ensemble de l’année 2020, l’excédent de décès par rapport à ceux attendus a été estimé à 47 000 (Blanpain, 2022). Les décès liés au Covid-19 dépassent donc l’excès de mortalité ! Les auteurs du rapport de la Drees expliquentquecelui-ci cumule en effet différents effets sur la mortalité d’un événement sanitaire, la pandémie ayant « profondément bouleversé l’organisation des soins, ainsi que les comportements ». Il faudrait donc une analyse plus approfondie pour estimer le nombre attendu de décès en 2020 pour chaque cause en tenant compte de son évolution sur les années précédentes.

Pour en savoir plus
Naouri D, Fouillet A, Ghosn W, et al. Covid-19 : troisième cause de décès en France en 2020, quand les autres grandes causes de décès baissent. Drees 14 décembre 2022.

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