Une mortalité supérieure à la moyenne européenne
Depuis 2015, la mortalité infantile en France est supérieure à la moyenne européenne, alors qu’elle était l’une des plus basses d’Europe auparavant (7e place parmi les taux de mortalité infantile les plus bas jusqu’en 1989). Depuis les années 1990, cet indicateur recule moins rapidement en France que chez ses voisins européens, si bien qu’en 2017, elle occupait la 27e place de la classification de l’OCDE. Plus précisément, deux tendances se sont dessinées depuis les années 2000, avec une réduction régulière de ce taux de mortalité entre 2001 et 2005, puis une stagnation jusqu’en 2012 suivie d’une tendance à la hausse depuis 2012, surtout à cause de la mortalité néonatale précoce (entre J0 et J6). Elles avaient été mises en évidence dans une étude publiée en 2022 dans le Lancet, fondée sur des données de l’Insee allant jusqu’en 2019. Aujourd’hui, les données publiées pour la période 2019-2021 confirment ce constat, tout en offrant des données géographiques plus précises.
50 % des décès surviennent dans la première semaine de vie
D’après cette nouvelle publication de l’Insee, en 2021, le taux de mortalité infantile était de 3,7 pour 1 000 ; depuis 2005, ce taux fluctue entre 3,5 et 3,9 pour 1 000, augmentant notamment entre 2014 et 2017 (fig. 1).
La baisse de la mortalité néonatale (avant J28) est particulièrement ralentie en France depuis 20 ans – ce n’est d’ailleurs pas une spécificité française : c’est aussi le cas en Allemagne. En effet, 74 % de la mortalité infantile est néonatale en 2021, contre 65 % en 2005.
La mortalité néonatale précoce (avant J7) représente, quant à elle, environ 50 % des décès d’enfants de moins d’un an ont lieu en 2021; un quart surviennent entre 7 et 27 jours et un quart après 27 jours de vie. La mortalité néonatale précoce est ainsi passée de 1,6 pour 1 000 en 2005 à 2,0 pour 1 000 en 2017 puis 1,9 pour 1 000 en 2021.
Des disparités territoriales
Le taux de mortalité infantile est plus élevé dans les départements d’outre-mer (DOM) : il est en moyenne de 7,7 pour 1 000 contre 3,5 pour 1 000 en France métropolitaine (8,9 pour 1 000 à Mayotte, 8,2 pour 1 000 en Guyane, 8,1 pour 1 000 en Guadeloupe, 7,2 pour 1 000 en Martinique et 6,7 pour 1 000 à La Réunion). Cette disparité avait déjà été constatée par le passé.
Par ailleurs, une étude conduite par l’Observatoire régional de santé (ORS) d’Île-de-France sur la mortalité infantile dans cette région entre 2000 et 2020 a montré que les décès infantiles franciliens représentent un peu plus de 25 % de l’ensemble des décès des moins d’un an de France métropolitaine. Selon les données de l’Insee, le taux de mortalité infantile dans cette région sur la période 2019-2021 est de 4 pour 1 000 (le plus haut en métropole).
L’étude de l’ORS souligne en effet que, depuis plusieurs années, l’Île-de-France se maintient en tête de liste en matière de mortalité infantile, dont les taux sont toujours supérieurs aux moyennes nationales. Ceci est particulièrement vrai, encore une fois, pour la mortalité néonatale précoce : c’est dans cette région qu’elle est la plus forte du pays depuis 2015 (aux alentours de 2 pour 1 000).
Par ailleurs, au sein même de la région, il existe des disparités territoriales, qui tendent à se creuser davantage ces dernières années. Ainsi, c’est dans le département de Seine-Saint-Denis que le taux de mortalité infantile moyen entre 2019 et 2021 est le plus élevé en France métropolitaine, atteignant 5,4 pour 1 000. Entre 2001 et 2019, 20,8 % de l’ensemble des décès domiciliés de la région francilienne sont survenus dans ce département.
Trois autres départements en France métropolitaine ont un taux supérieur à 5 pour 1 000 : le Jura, l’Indre-et-Loire et le Lot (fig. 2).
Quelles causes ?
Plusieurs hypothèses sont évoquées pour expliquer cette tendance en France. Selon l’Insee, elle pourrait être due, en partie, aux progrès de la médecine néonatale (qui permet aux grands prématurés, qui seraient autrefois mort-nés donc non comptabilisés dans les naissances vivantes, de survivre pendant quelques heures ou quelques jours après la naissance) ou bien au nombre de naissances multiples qui était en hausse jusqu’en 2010 ; il évoque aussi une augmentation importante entre 2014 et 2018 du nombre de femmes ayant choisi de poursuivre leur grossesse malgré la connaissance d’une pathologie grave du fœtus.
Toutefois, selon l’étude de l’ORS, c’est surtout l’augmentation de la prévalence des facteurs de risque qui contribue à l’accroissement de la mortalité : diabète gestationnel, troubles vasculaires, âge maternel avancé, obésité maternelle, grande précarité, faible poids de naissance… « On sait qu’en France le profil des femmes enceintes a changé : elles sont plus âgées, leur IMC est plus élevé et elles fument plus souvent », confirme Jean-David Zeitoun, docteur en épidémiologie clinique. « On sait, par ailleurs, grâce à la littérature scientifique en général, que la mortalité néonatale précoce est souvent liée à la prématurité et aux anomalies congénitales, elles-mêmes liées à la santé de la maman pendant mais aussi avant la grossesse. Cela nous renvoie au capital social et économique, puisque ce sont des déterminants fondamentaux de la santé. »
Des facteurs comme la pauvreté et le statut migratoire – qui sont également en constante progression –, avec des difficultés d’utilisation ou d’accès aux soins, peuvent aussi expliquer l’excès de mortalité infantile, notamment dans les territoires particulièrement touchés par la précarité et l’immigration récente. En effet, la part des accouchements couverts par l’Assurance maladie recule, contrairement à ceux pris en charge par l’aide médicale de l’État, signe d’une plus grande précarité sociale.
Enfin, les facteurs liés à l’organisation des soins (organisation des sorties de maternité et de service de néonatologie, articulation ville-hôpital, offre médicale insuffisante par rapport aux besoins dans certains territoires, etc.) sont aussi évoqués dans d’autres études.
L’ORS Île-de-France souligne néanmoins que davantage d’études sont nécessaires, prenant en compte les facteurs de risque évoqués, pour mieux comprendre cette évolution de la mortalité infantile.
Matulonga B. Augmentation de la mortalité infantile en Île-de-France. Observatoire régional de santé 16 juin 2023.
Zeitoun JD. Augmentation de la mortalité infantile en France : quelles sont les raisons ? Rev Prat (en ligne) 13 avril 2022.