Selon une enquête réalisée par l’Inserm entre 2013 et 2015, les pathologies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité maternelle. En médecine de ville, il faut mieux surveiller le risque cardiovasculaire et reconnaître les symptômes d’alerte chez la femme enceinte, de la conception au post-partum…

 

10,8 décès pour 100 000 naissances vivantes sont survenus entre 2013 et 2015, selon les résultats récemment publiés de l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM). Pilotée par l’équipe Épopé de l’Inserm, cette enquête étudie depuis 1996 l’ensemble des décès maternels en France (femmes décédées pendant la grossesse ou dans l’année suivant la délivrance), avec un double objectif : la caractérisation épidémiologique de la mortalité maternelle et son évolution – niveau, facteurs de risque, profil des causes – et l’analyse des circonstances afin d’identifier des axes d’amélioration. 

Une amélioration encore possible, car bien que la mortalité maternelle soit aujourd’hui un phénomène rare dans les pays à haut revenu comme la France, elle est un indicateur fondamental témoignant des dysfonctionnements du système des soins. Selon la dernière ENCMM, 57,8 % des décès maternels sont effectivement considérés comme probablement ou possiblement évitables, et dans 66 % des cas, les soins dispensés n’ont pas été optimaux.

En cause ? Les maladies cardiovasculaires (cardiomyopathies préexistantes ou du péripartum, dissections aortiques, infarctus du myocarde…) et les suicides, qui sont devenus les deux premières causes de mortalité maternelle dans le pays, remplaçant la mortalité par hémorragie obstétricale dont la diminution se poursuit (elle a été divisée par 2 en 15 ans), ce qui rappelle que le phénomène ne se limite pas à la sphère obstétricale, et souligne l’importance d’une prise en charge multidisciplinaire. De plus, ces deux causes sont non seulement les plus fréquentes, mais aussi celles avec la plus grande proportion de morts évitables : 65,7 % et 91,3 % respectivement. 

L’âge, l’obésité et le pays de naissance sont les principaux facteurs de risque : 24,2 % des morts maternelles sont survenues chez des femmes obèses (une proportion 2 fois plus importante que dans la population générale) ; par rapport aux femmes de 25-29 ans, le risque est multiplié par 1,9 pour celles de 30-34 ans, par 3 pour celles de 35-39 ans et par 4 au-delà de 40 ans ; enfin, la surmortalité est particulièrement marquée chez les femmes nées en Afrique subsaharienne dont le risque est 2,5 fois plus important que celui des femmes nées en France.

Dépistage de la vulnérabilité psychosociale, auscultation cardiaque et examen mammaire sont donc recommandés, ainsi que l’évaluation des risques avant la conception et en début de grossesse, qui facilite une prévention primaire et secondaire individualisée. En cas de complication aiguë, si elle n’est pas obstétricale, la patiente doit être orientée vers un centre spécialisé en la matière et non de principe vers la maternité. Pour rappel, les examens radiologiques avec injection de produit de contraste ne sont pas contre-indiqués chez la femme enceinte, quel que soit le terme.

En particulier, une dyspnée récente, s’aggravant, surtout en fin de grossesse et en post-partum, doit faire évoquer une complication cardiaque. Par ailleurs, devant une douleur thoracique, la dissection aortique doit être envisagée, recommandent les auteurs du rapport, et ce avec le même degré d’urgence que l’infarctus du myocarde ou l’embolie pulmonaire, même en absence de maladie du tissu conjonctif connue. 

En ce qui concerne la santé mentale : l’interrogatoire doit être renouvelé tout au long du suivi prénatal et en post-partum. Le recours au psychologue et/ou au psychiatre doit être systématique en cas de symptôme d’alerte (variations thymiques, troubles du sommeil, anxiété, crises d’angoisse, verbalisation d’idées noires ou d’autodépréciation, modification brutale du contact). En cas de pathologie psychiatrique connue (ou découverte au cours de la grossesse), un parcours de soins spécifique coordonné doit être élaboré entre le médecin traitant, la maternité et le psychiatre référent. Mise en place le plus tôt possible, cette collaboration doit permettre, le cas échéant, d’adapter le traitement avant la grossesse, de suivre son respect et l’adapter au cours du temps, voire, si besoin, d’évaluer la capacité de la mère à s’occuper de l’enfant. La période de post-partum est une période à risque de complication psychiatrique, ce qui doit être rappelé à la patiente (et à son entourage) afin qu’elle n’hésite pas à consulter ; enfin, le retour de couches doit être retardé en cas de doute sur un trouble anxieux ou dépressif.

Pour en savoir plus

Epopé, Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles, 7 janvier 2021.

L.M.A., La Revue du Praticien