Dans de nombreux territoires sous-dotés, les patientèles des généralistes sont tellement fournies que les praticiens ne peuvent répondre aux demandes des nouveaux patients. La disponibilité des généralistes – coordinateurs des parcours de soins – est pourtant essentielle !
Certes, on peut voir là les effets pervers d’un numerus clausus drastique dans les années 1970. Il s’agissait de répondre à la crainte des professionnels d’une concurrence trop importante mais surtout, pour l’Assurance maladie et les politiques du moment, de réduire les dépenses de santé… Ce numerus clausus a bien été augmenté mais pas assez et trop tard. Il faut au moins une dizaine d’années avant de ressentir l’impact d’un tel changement de stratégie…
Seconde explication, une certaine inadéquation entre l’organisation de l’offre de soins et les souhaits des étudiants concernant leur avenir professionnel, d’autant plus sensible que leur nombre est réduit. Leurs craintes – surcharge de travail, exercice solitaire, contraintes administratives – sont justifiées. On comprend parfaitement pourquoi, globalement, les départs en retraite n’ont pas pu être compensés notamment dans certaines régions considérées comme moins attractives !
De nombreuses collectivités territoriales se sont mobilisées pour faciliter des installations en zones déficitaires, d’abord via des incitations financières individuelles avec des résultats assez décevants et plus récemment en soutenant la construction, voire une partie du fonctionnement des maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP) répondant ainsi à la demande de nombreux étudiants et d’une partie importante de la profession.
D’après l’Irdes,1en 10 ans, le nombre de MSPest passé de 20 à plus de 1 300 dont les deux tiers fonctionnent avec l’aide de l’accord conventionnel interprofessionnel (ACI). Leur répartition géographique est assez inhomogène mais il semble qu’une majorité d’entre elles ont été créées en zones sous-dotées (64 %) surtout dans les territoires ruraux (86 %) et moins sensiblement en espace péri-urbain (55 %). Même si ce nombre de MSP reste assez marginal vis-à-vis de l’offre globale en soins primaires, il est important d’en juger l’impact sur la densité médicale en particulier dans les zones sous-dotées.
Sur l’ensemble des territoires de vie, l’implantation d’une MSP a permis une augmentation du nombre de nouveaux généralistes de moins de 45 ans (+ 3,4/100 000 habitants) sans pour autant toujours compenser les départs à la retraite. Toutefois, les répercussions démographiques ne sont pas identiques en fonction des zones considérées. Pour l’Irdes, les MSP en zones péri-urbaines permettent de rééquilibrer l’offre de soins (+ 4 à 4,5/100 000 habitants) alors que dans les marges rurales elles ne font qu’atténuer les conséquences des départs en retraite (+ 2,3 à 2,9/100 000 habitants).
Les MSP sont peut-être une des solutions pour répondre aux problèmes démographiques des soins primaires mais elles sont loin d’être suffisantes surtout en ruralité. « La prise en compte de l’origine sociale et géographique des étudiants pourrait être un moyen d’augmenter le potentiel de futurs soignants dans des zones sous-dotées, analyse l’Irdes. L’extension d’internats ruraux, dans la lignée des stages obligatoires en zones sous-dotées pourrait aussi être un moyen de faire connaitre l’exercice et le mode de vie dans ces territoires ».

1. Chevillard G, Mousquès J. Les maisons de santé attirent-elles les jeunes médecins généralistes dans les zones sous-dotées en offre de soins ? Irdes. Questions d’économie de la santé, n° 247, mars 2020. https://bit.ly/3bjD87W