En France, près de 7 200 personnes souffrent de cette maladie autosomique récessive. Sex-ratio proche de 1, mais expression clinique plus sévère chez les femmes.
L’espérance de vie atteint les 50 ans pour les patients naissant aujourd’hui (7 ans en 1965) grâce au dépistage néonatal (suivi précoce, bénéfices nutritionnels confirmés) et à l’amélioration de la prise en charge.
Conséquence : des complications à moyen et long termes apparaissent et nécessitent des traitements spécifiques.
Physiopathologie : défaut de synthèse ou absence fonctionnelle de la protéine CFTR à la surface des épithéliums → mauvaise hydratation des sécrétions devenant visqueuses.
Prédominance au poumon, tube digestif et annexes (pancréas, voies biliaires) mais aussi :
glandes sudoripares : perte de sel ;
appareil génital : hypofertilité chez la femme, agénésie bilatérale des canaux déférents chez l’homme (stérilité par azoospermie) ;
système ostéo-articulaire : ostéopénie, cyphose dorsale et contractures musculaires (atteinte respiratoire).

Traitements non médicamenteux

Kinésithérapie respiratoire : capitale
manuelle essentiellement, parfois complétée par des appareils de spirométrie incitative (débits prédéterminés à atteindre), de sangles thoraciques et/ou abdominales ;
rythme pluriquotidien : mobilisation du mucus (objectif : le rendre moins visqueux), drainage bronchique et ventilation ;
activité physique régulière : complément très utile pour maintenir une bonne capacité cardiorespiratoire mais aussi drainer les sécrétions périphériques.
Rééducation musculosquelettique : pour corriger les anomalies ostéoarticulaires, cyphose dorsale et contractures musculaires. Rééducation périnéale pour les problèmes urinaires fréquents chez les femmes.
Enrichissement des repas, entre 120 et 130 % des apports nutritionnels conseillés chez les enfants > 2 ans (tableau) pour lutter contre la dénutrition fréquente par baisse des ingestats et augmentation des pertes secondaires à l’inflammation.
Supplémentation en extraits pancréatiques oraux à chaque repas pour corriger l’insuffisance pancréatique exocrine ; compléments vitaminiques (A, D, E, K) et en oligoéléments au cas par cas.

Fonction respiratoire : un arsenal thérapeutique limité

Fluidifier les sécrétions : aérosols de désoxyribonucléase recombinante humaine (rhDNase ou dornase alfa, Pulmozyme) ou de sérum salé hypertonique.
Antibiothérapie précoce et adaptée : dès la première exacerbation pulmonaire et accompagnée d’examens cytobactériologiques des crachats (ECBC) réalisés en routine. On cible d’abord (per os) S. aureus et H. influenzae. La colonisation à P. aeruginosa est traitée selon la clinique .
Anti-inflammatoires : azithromycine au long cours à faible dose (250 mg per os 3 fois par semaine chez l’enfant > 6 ans de poids < 40 kg, jusqu’à 500 mg par prise si poids > 40 kg) en surveillant l’apparition de résistances (ECBC) ; corticoïdes oraux uniquement dans des situations spécifiques (aspergillose bronchopulmonaire allergique).
Vaccinations obligatoires et recommandées (antigrippale dès 6 mois ; avant cet âge, on vaccine l’entourage proche).
Oxygénothérapie
au long cours à domicile (OLD) si : pression artérielle en O2 à l’éveil < 55 mmHg ou entre 56 et 59 mmHg avec hypertension artérielle pulmonaire ou saturation pulsée en O2 < 90 % sur plus de 10 % de l’enregistrement (réalisé la nuit pendant 8 heures) ;
– temporaire ou de déambulation : parfois nécessaire si exacerbation.
Ventilation non invasive (VNI) : si hypercapnie et/ou dégradation ventilatoire.
Transplantation pulmonaire : discutée si insuffisance respiratoire sévère (déclin rapide de cette fonction avec dénutrition ou diabète, VEMS < 30 %, exacerbations fréquentes et répondant mal au traitement IV, dépendance à l’OLD ou à la VNI…). La mucoviscidose est une des premières causes de greffe pulmonaire en France.

Nouvelles thérapeutiques

L’ivacaftor (Kalydeco) est indiqué chez les sujets de plus de 6 mois avec au moins une mutation de classe III parmi 9 dont la G551D. Soit 2-3 % des patients. Posologie adaptée à l’âge (granulés pour les enfants de 6 mois à 5 ans et comprimés pour ceux de plus de 6 ans) : 1 cp de 150 mg 2 fois par jour, à prendre avec un repas riche en graisses. L’AMM date de 2012 pour G551D et de 2015 pour les 8 autres mutations plus rares. Cette molécule améliore le VEMS de presque 10 % en moyenne, raréfie les exacerbations respiratoires et favorise la prise de poids. Bilan hépatique : 1 mois après initiation, tous les 3 mois la première année, puis 1 fois par an. Au préalable, éliminer une cataracte.
L’association de l’ivacaftor et du lumacaftor (Orkambi) accroît modérément le VEMS et diminue les exacerbations respiratoires chez les plus de 2 ans homozygotes pour la mutation F508del, soit environ 40 % des patients en France. Commercialisé depuis fin 2015, pour les plus de 12 ans et depuis début 2020 pour les plus de 2 ans. Forme galénique également adaptée à l’âge.
L’association ivacaftor-tezacaftor (Symkevi) est indiquée pour les enfants de plus de 12 ans homozygotes pour la mutation F508del ou hétérozygotes pour cette mutation et porteurs d’une mutation du gène CFTR à fonction résiduelle. Serait mieux tolérée qu’Orkambi ; avec une efficacité sensiblement similaire. Pourrait concerner près de 2 000 patients. L’AMM date de 2018 mais le prix est en cours de négociation.
La trithérapie ivacaftor-tezacaftor-elexacaftor (Kaftrio) disponible en ATUn a montré des effets d’amplitude variable. Dans un grand nombre de cas et précocement : modification des sécrétions bronchiques, de la toux, amélioration de l’état respiratoire, prise de poids et régression des symptômes digestifs. L’AMM est attendue courant 2021 pour les sujets de plus de 12 ans. Indiquée en association avec ivacaftor chez les homozygotes pour la mutation F508del ou hétérozygotes pour cette mutation et porteurs d’une mutation du gène CFTR à fonction minimale (environ 80 % des patients non greffés).
Kaftrio est une avancée réellement significative, avec des résultats extrêmement prometteurs.

Suivi : quelle place pour le généraliste ?

Prise en charge et suivi sont assurés par les 47 centres de ressources et de compétences de la mucoviscidose (CRCM) français dont les équipes multidisciplinaires ont pour interlocuteurs privilégiés les professionnels libéraux en charge du patient (médecin traitant, kiné et infirmier référent).
Le médecin traitant gère les pathologies intercurrentes survenant en dehors des consultations au CRCM, dont le rythme est défini par la HAS : au moins tous les 2 mois jusqu’à l’âge de 1 an, puis tous les 3 mois avec un bilan annuel complet (radiographie du thorax, échographie abdominale, biologie : inflammation, glycémie, bilan phosphocalcique, rénal et entérohépatique).
Son rôle clé = dépistage précoce des complications, exacerbations pulmonaires, hémoptysies, pneumothorax et décompensations diabétiques.
Encadre

Mucoviscidose et poumon

Complications : obstruction chronique des bronchioles par un mucus épais entraînant une inflammation excessive et des infections à répétition à germes opportunistes : S. aureus, H. influenzae, puis P. aeruginosa, qui marque un tournant évolutif péjoratif.

Évolution par poussées, depuis des bronchites récidivantes associées à une toux productive perannuelle jusqu’à l’insuffisance respiratoire chronique.

Pour en savoir plus
– Corvol H. Mucoviscidose. Rev Prat Med Gen 2018;32:23-9.

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