Plus de 200 millions de femmes en sont victimes dans le monde.1
Les mutilations sexuelles féminines (MSF) sont encore largement répandues. Elles sont pratiquées chez des filles principalement d’origine africaine mais aussi dans certaines communautés au Yémen, Kurdistan, Sri Lanka, Thaïlande, Indonésie, Malaisie, Colombie et Inde. Compte tenu des flux migratoires importants, elles concernent aussi l’Europe, l’Amérique du Nord et l’Australie.
Les raisons de la poursuite de cette pratique sont complexes. Elles sont avant tout un héritage culturel,1 mais aussi l’assurance, pour les femmes, d’être intégrées et respectées dans la communauté puisqu’elles sont la garantie d’un futur mariage.
Le vécu et le souvenir de ce rituel douloureux et traumatisant peuvent varier d’une femme à l’autre. Pour certaines, le retentissement sur la sexualité et la perception du corps est majeur.2 Les complications physiques et psychosexuelles à court et à long terme sont nombreuses. Trop souvent, cette problématique n’est pas abordée en consultation ou l’est par des professionnel(le)s peu formé(e)s.3 La prise en charge requiert des connaissances médicales, juridiques et culturelles.
De quoi parle-t-on ?
Les MSF ont été définies par l’OMS en 1997 comme « toutes les interventions aboutissant à une ablation totale ou partielle des organes génitaux externes de la femme ou toute autre mutilation de ces derniers pratiquées à des fins non médicales ».
Rappelons que la vulve se compose du mont de Vénus, des grandes et petites lèvres, du méat urinaire, de l’orifice vaginal et de la partie externe du clitoris. Ce dernier est constitué du gland, qui est l’extrémité du genou (partie du corps qui se coude à 90° sous la symphyse pubienne et recouvert de son prépuce), du corps (réunion des piliers, en avant de l’urètre), des piliers ou crura (ou corps caverneux, qui longent les bords inférieurs du bassin osseux) et des bulbes (équivalents des corps spongieux chez l’homme, ils enserrent de chaque côté les parois latérales du vagin) [fig. 1].
Selon l’OMS, on distingue quatre types de MSF (fig. 2) :
• Type 1 : excision du prépuce et du gland clitoridien.
• Type 2 : excision des petites lèvres, associée ou non à celle du gland et des grandes lèvres.
• Type 3 : appelée aussi « infibulation » ou « circoncision pharaonique », elle consiste en l’ablation et l’accolement des petites ou des grandes lèvres conduisant à un rétrécissement de l’orifice vaginal, avec ou sans excision du clitoris. Attention : l’orifice n’est pas suturé, mais il est couvert par un pont de peau créé par l’adhérence des lèvres (tissu cicatriciel), qui s’étend également sur le gland clitoridien et l’urètre. Pour certains groupes ethniques, l’ouverture de la cicatrice la nuit de noces est considérée comme un signe de virilité. L’infibulation est partiellement ouverte lors de l’accouchement, chirurgicalement (désinfibulation) ou spontanément. La refermeture de la cicatrice ou « réinfibulation » peut être pratiquée en post-partum, parfois à la demande des femmes elles-mêmes. L’OMS interdit cette pratique et recommande à tous les praticiens (sage-femmes, infirmières, médecins) de désinfibuler les patientes lors d’un accouchement (en post-partum le plus souvent).
• Type 4 : toutes les autres interventions nocives réalisées sur les organes génitaux féminins : ponction, percement, scarification, étirement des petites lèvres (gukuna), cautérisation, piercing.
30 millions de filles à risque
Les MSF concernent plus de 200 millions de personnes dans le monde. La moitié d’entre elles vivent entre l’Indonésie, l’Égypte et l’Éthiopie.1 Trente millions de filles sont à risque dans les 10 prochaines années ; 91,5 millions de femmes de plus de 9 ans vivent actuellement avec les conséquences de ces mutilations (fig. 2). Plus de 80 % des femmes de 15 à 49 ans seraient concernées dans certains pays d’Afrique subsaharienne (Mali, Guinée Conakry, Sierra Leone, Soudan, Somalie, Érythrée, Djibouti et Égypte).
Au sein d’un même pays (surtout si son taux global est faible à modéré), la prévalence varie selon l’appartenance ethnique. Au Sénégal, par exemple : chez les Peuls et les Toucouleurs, à l’est du pays, plus de 80 % des filles sont excisées, alors que chez les Wolofs, à l’ouest, cela concerne moins de 10 % d’entre elles.
Bien souvent, les membres d’un groupe ethnique donné respectent les mêmes normes sociales quel que soit l’endroit où ils vivent. Le taux chez les Somalis résidant en Éthiopie et au Kenya est plus proche de la prévalence nationale en Somalie que de celle dans ces pays voisins.
Autres facteurs de risque : excision de la mère, faible niveau d’éducation, pauvreté des ménages, zones rurales.
De nombreuses études épidémiologiques sont en cours, notamment en Asie du Sud-Est. Selon l’Unicef, 49 % des filles seraient excisées en Indonésie.1
En Europe, on estime à 500 000 le nombre de femmes migrantes de première génération ayant subi une MSF. La moitié vivrait en France ou au Royaume-Uni. Une femme sur deux serait née en Afrique de l’Est. La prévalence en France serait proche de 100 000 (données 2011). Les MSF touchent également leurs enfants.
L’étude Excision et Handicap menée en 2009 s’est intéressée aux filles de femmes ayant subi une MSF et vivant en France2 (nées en France ou à l’étranger). Au total, sur 635 mères excisées, 394 avaient au moins une fille (en moyenne 2, soit 787 filles) dont 80 % étaient nées en France. Selon la déclaration des parents, 11 % en ont été victimes, avec des écarts importants selon le pays de naissance : 3 % pour les filles nées en France versus 45 % pour celles nées dans un pays à risque. Ainsi, ces pratiques seraient désormais peu répandues sur le sol français, grâce au renforcement de la loi et aux campagnes de prévention. Les séjours temporaires dans le pays d’origine de la famille sont particulièrement à risque.
Dans les régions où les MSF sont très fréquentes, elles sont soutenues à la fois par les hommes et par les femmes. Toute personne qui s’écarte de la norme est confrontée à la condamnation, au harcèlement et à l’ostracisme de la communauté. Il s’agit avant tout d’une convention sociale et d’une tradition. Cela fait partie des rites de passage à l’âge adulte, de l’identité culturelle et sociale de la fille.
C’est aussi garantir un bon mariage à son enfant : les hommes n’épouseraient que les femmes excisées. D’autres croyances sont largement répandues : le clitoris, embryon de sexe masculin, porterait ombrage à la virilité de l’homme et malheur à l’enfant à la naissance lorsque sa tête le touche pendant l’accouchement ; après excision, la femme serait purifiée et ainsi apte à la prière. Son désir sexuel serait atténué, assurant sa fidélité à son époux.
L’excision est en général décidée par les parents, sous la pression des grand-parents, mais on entend souvent que c’est « une affaire de femmes » ; elle est pratiquée par des exciseuses. Les hommes ont toutefois un rôle majeur : si un père décide que sa fille ne sera pas excisée, elle ne le subira pas. De nombreuses actions en Afrique et en Europe ont démontré que leur implication permettrait de diminuer ces pratiques. Par exemple, au centre communautaire de Tamouti en égypte, ce sont des hommes, éducateurs bénévoles, qui expliquent aux jeunes filles en quoi consiste l’excision et insistent sur ses impacts négatifs.
Dans certains pays, la mutilation est encore réalisée de façon traditionnelle, avec des lames de rasoir et des épines de végétaux dans des conditions d’hygiène précaire ; le matériel utilisé est souvent le même pour toutes les petites filles.
La majorité des excisions est effectuée avant la ménarche. Cependant, l’âge varie selon le pays et aussi les groupes ethniques : quelques jours après la naissance, avant les premières règles, au moment du mariage, voire après l’accouchement. Au Kenya par exemple, l’âge moyen est de 9 ans pour les Somalies, de 16 ans pour les Kambas et les Kalenjines.
Depuis les années 1970, on assiste à une médicalisation des MSF, notamment en Égypte, au Kenya et au Soudan. Dans ce dernier, un tiers des femmes a recours à un praticien. Cela ne diminue pas les risques de complications à long terme. Au contraire, cela rend légitimes ces mutilations. Or, ces professionnel(le)s portent atteinte aux droits des femmes et violent le principe fondamental de ne pas porter préjudice.
Le Comité Inter-Africain (CI-AF) a développé une stratégie spécifique de lutte contre cette médicalisation (sanctions judiciaires, campagnes de sensibilisation du personnel de santé). Les autorités de réglementation médicale et les associations professionnelles se sont jointes à l’ONU pour la condamner.
Conséquences multiples
Complications somatiques
Lors de l’acte, l’ablation des terminaisons nerveuses et des tissus entraîne une douleur aiguë très intense. L’enfant se débat, ce qui peut engendrer des lésions des structures anatomiques adjacentes : plaie de l’urètre, du vagin, du rectum. Si les deux artères caverneuses ou celle dorsale du clitoris sont endommagées, une hémorragie sévère peut survenir par lésions du plexus de Kobelt, potentiellement mortelle.
La cicatrisation est également douloureuse. Un globe vésical est fréquent, en raison de la douleur qu’engendre le passage de l’urine sur les plaies. Celles-ci peuvent s’infecter localement, voire conduire à un sepsis. Si la lame de rasoir utilisée est la même pour toutes les filles, elle est un vecteur de transmission bactérienne et virale. Des cas de tétanos ont été décrits.
À long terme, les complications sont nombreuses. Au niveau urinaire : sténoses de l’urètre, infections récidivantes, cristaux urinaires et méatites.
Chéloïdes, fibroses et kystes dermoïdes peuvent être responsables de douleurs chroniques de type neuropathiques. Mycoses et vaginoses sont fréquentes.
Conséquences obstétricales. D’après une étude menée par l’OMS en 2006 auprès de 28 centres dans 6 pays africains,4 les femmes excisées auraient un risque accru d’hémorragie du post-partum et de césarienne ; les nouveau-nés seraient plus à risque de passage en réanimation et de décès précoce.
Il faut souligner que, grâce à l’accès à la désinfibulation (MSF de type 3) et au suivi obstétrical, dans les pays à hauts revenus les conséquences obstétricales sont moindres.
Psychologiques et sexologiques
Les femmes excisées ont des « flash backs » (80 %), un syndrome de stress post-traumatique (30,4 %) et d’autres pathologies psychiatriques (47,9 %) tels que des troubles affectifs ou anxieux. Une étude effectuée au Sénégal confirme l’état de stress post-traumatique chez 30,4 % des femmes ayant subi une MSF. 5
Les conséquences psychologiques ne sont pas liées au type de MSF. Leur évaluation doit prendre en compte l’histoire de la victime dans sa globalité, ces femmes ayant souvent un parcours migratoire complexe, parfois traumatique ; elles ont subi d’autres violences sexuelles.
Au niveau sexologique, les éventuelles séquelles sont à la fois anatomophysiologiques, culturelles et psychologiques. Il est parfois difficile de distinguer chacune de ces dimensions, souvent intriquées. Les répercussions de ces mutilations sur la sexualité sont complexes, faisant intervenir :
• une réduction anatomique du clitoris, qui joue un rôle prédominant dans l’orgasme ; mais aussi une atteinte symbolique, avec un impact sur l’identité féminine, l’image du corps, de la féminité et de soi-même ;
• une violence barbare susceptible d’engendrer un stress post-traumatique ; il s’agit d’une agression sexuelle majeure ;
• une douleur lors des relations sexuelles, liée à la cicatrice, voire une pénétration difficile ou impossible si l’orifice vaginal est obstrué.
Toutefois, il est important de préciser que certaines femmes n’ont pas de complications liées aux mutilations.
Que dit la Loi ?
Les premières initiatives de l’ONU datent du début des années 1950 : la question est abordée au sein de la commission des droits de l’homme. En 1979, l’Unicef lance un appel international pour condamner ces pratiques.
La même année, l’Assemblée générale de l’ONU adopte la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDAW), qui reconnaît explicitement les MSF comme une violation des droits de l’Homme. Elle demande aux États membres de « prendre toutes les mesures appropriées, y compris législatives pour modifier ou abroger toute loi, disposition réglementaire, coutume ou pratique qui constitue une discrimination à l’égard des femmes ».
Cette convention est ratifiée par tous les pays africains où se pratiquent les mutilations sexuelles féminines sauf la Mauritanie, l’Ouganda, la Somalie, le Soudan et le Tchad. Depuis, de nombreux textes de loi ont été adoptés en soutien aux programmes de lutte contre les violences faites aux femmes.
Vingt-six pays d’Afrique et du Moyen-Orient ont déjà interdit les MSF par un décret constitutionnel ou une loi : Bénin, Burkina Faso, Côte d’Ivoire, Djibouti, Égypte, Érythrée, Éthiopie, Ghana, Guinée, Guinée-Bissau, Irak (Kurdistan), Kenya, Mauritanie, Niger, Nigeria, Ouganda, République centrafricaine, République-Unie de Tanzanie, Sénégal, Somalie, Soudan (certains États), Tchad, Togo, Yémen, Afrique du Sud et Zambie. Malgré cela, des procès contre des personnes responsables d’excisions n’ont eu lieu qu’au Burkina Faso, Égypte, Ghana et Sénégal.
Dans les communautés d’immigrés, des lois interdisant les MSF ont été promulguées par des pays confrontés à cette pratique : Australie, Canada, Nouvelle-Zélande, États-Unis, pays européens (Norvège, Suède, Finlande, Royaume-Uni, Belgique, Danemark, Luxembourg, Pays-Bas, Autriche, Italie, Espagne, France, Allemagne, Portugal, Grèce et Suisse).
Plusieurs d’entre eux ont intégré le principe d’extraterritorialité afin d’éviter que les familles renvoient leurs femmes et filles dans leur pays d’origine pour y subir une excision. Là encore, l’existence d’une législation n’entraîne pas forcément de poursuite.
Beaucoup de pays prônent la prévention et l’information et ne font intervenir l’autorité judicaire qu’en dernier recours.
En France, le premier procès contre une exciseuse a eu lieu en 1979, elle était responsable du décès d’une petite fille (un an de prison avec sursis pour homicide involontaire). La première condamnation aux assises pour une excision date de 1988.
À ce jour, les MSF sont reconnues comme un crime et jugées par la cour d’assises. Plusieurs articles du code pénal sanctionnent ces pratiques (encadré 2).
Le rôle du praticien est bien défini dans la loi par le code pénal et le code de déontologie médicale :
• Obligation de signalement : les professionnel(le)s de santé faisant le constat d’une excision sur mineure sont tenus, sous peine de sanction, d’en informer les autorités judiciaires ou administratives (article 434-3 du code pénal). Dans ce cas, le secret professionnel est levé (article 226-14). Le signalement ne peut faire l’objet d’aucune sanction disciplinaire à l’encontre du praticien (loi du 2 janvier 2004).
• Assistance à personne en danger : les médecins informés d’un projet d’excision en France ou ailleurs doivent saisir le procureur de la République, selon l’article 223-6 du code pénal qui stipule que « toute personne pouvant empêcher par son action la commission d’un crime est tenue de le faire sous peine de poursuites judiciaires pour non-assistance à personne en péril » (5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende).
Prévenir et dépister
Le généraliste joue un rôle central dans l’accueil, l’orientation, l’information et la prise en charge des MSF tant sur le plan préventif que thérapeutique. Les occasions de dépistage et de prévention sont nombreuses.
En consultation de routine ou gynécologique, le médecin est face à des femmes dont il connaît le pays de naissance ou d’origine. Il peut aborder le sujet lors de l’anamnèse, de manière simple et non stigmatisante : « Vous êtes originaire de…, avez-vous été coupée/excisée ? ». Ensuite, il pose des questions sur les règles, la miction, les accouchements et les rapports sexuels. En effet, une patiente peut avoir une complication sans savoir qu’elle est liée à la mutilation. De même, il faut y penser devant des problèmes urinaires récidivants (MSF de type 3).
Puis, il faut savoir adresser : « Savez-vous que vous pouvez être prise en charge par des équipes spécialisées ? » et enfin prévenir : « Avez-vous des filles ? Quelle est votre intention par rapport à l’excision ? », en informant sur la loi en France.
Le dépistage est le plus souvent fait à l’interrogatoire. Cependant, certaines femmes ne savent pas si elles ont été excisées ou pas : c’est à l’examen clinique que l’on établit le diagnostic. En cas de doute ou pour toute démarche d’ordre juridique, le (ou la) professionnel(le) doit orienter la patiente vers un centre expert car l’examen physique n’est pas toujours simple.
En suivi de pédiatrie, le médecin reçoit les familles avec un ou plusieurs enfants. Il connaît les origines, les habitudes et mode de vie. Lors des examens systématiques, notamment en PMI, il est important de noter l’intégrité des organes génitaux externes des filles puis de délivrer un message de prévention : « Connaissez-vous l’excision ? Quelle est votre position par rapport à cette pratique ? Savez-vous qu’en France c’est un crime ? Si vous êtes en difficulté un jour par rapport à cela, n’hésitez pas à venir m’en parler et je vous aiderai ».
Avant un départ en voyage dans le pays d’origine, les familles consultent pour mettre à jour les vaccinations et connaître les mesures de protection à adopter (traitement antipaludique, risques sanitaires liés à l’eau, etc.).
C’est un moment privilégié pour aborder la question, en demandant à la mère si elle est excisée, en lui expliquant que cette pratique est interdite en France et qu’elle risque de s’exposer à des poursuites judiciaires, en lui indiquant les conséquences sur la santé de son enfant.
Que faire en cas de suspicion/constatation ?
Si le médecin perçoit qu’une fille est à risque, avant un voyage par exemple, il a une obligation de signalement auprès du procureur de la République ou de la CRIP (Cellule de recueil des informations préoccupantes).
Les parents sont ensuite convoqués à la Brigade des mineurs où des consignes sont données pour protéger leur fille lors du séjour : ne jamais la laisser sans surveillance, identifier une personne parmi les proches qui les aidera à la protéger, contacter les associations locales ; remise d’un document expliquant que la famille a été reçue par la police et les risques qu’elle encourt si l’enfant est excisée.
Ensuite, la petite fille est examinée par des médecins spécialistes, qui rédigent un certificat de non-excision. L’enfant et les parents sont convoqués au retour du voyage pour un examen de contrôle.
Ce rappel à la loi est en général très dissuasif : en Île-de-France, environ 6 signalements de suspicion de MSF lors d’un voyage sont réalisés par an. Aucune des filles concernées n’est revenue excisée. Le signalement est le plus souvent un soutien aux parents et une porte de sortie.
Si le praticien n’est pas à l’aise avec cette procédure, il doit s’adresser au pédiatre ou solliciter de l’aide auprès des associations (Groupe d’abolition des mutilations sexuelles, GAMS, par exemple).
Le médecin constatant une MSF sur une enfant doit le signaler à la CRIP. La loi punitive s’applique à l’exciseuse. En revanche, si les parents ont été signalés et informés et que malgré cela, une autre de leurs filles est excisée, la loi se retourne contre eux.
Si une femme adulte dit être excisée, elle peut bénéficier d’une prise en charge multidisciplinaire au sein d’équipes spécialisées (liste disponible auprès d’associations comme le GAMS).
Unités de prise en charge
Ces structures se situent le plus souvent au sein des services de gynécologie mais aussi de maladies infectieuses. Il s’agit d’équipes composées de sexologues, psychologues, gynécologues, infectiologues, assistantes sociales, juristes. Il est important de travailler en collaboration avec les pédiatres afin de suivre les enfants de ces femmes.
La prise en charge doit être adaptée à la demande de la patiente. Il faut évaluer le parcours de vie et l’histoire de la femme de façon globale, ainsi que ses besoins et attentes.
La démarche est très différente si elle est née et vit en France, a subi son excision au cours d’un voyage et a un regard critique sur cette pratique ou s’il s’agit d’une primo-arrivante, qui a vécu d’autres violences (mariage forcé, violences sexuelles…).
Certaines patientes sont très demandeuses d’une chirurgie reconstructrice, dans le but d’une recherche identitaire6 ou pour trouver du plaisir. Parfois, cela cache un désir de réparation d’autres traumatismes sexuels ou une vie sexuelle non épanouissante, non liée à l’excision. Dans ce cas, la prise en charge psychologique et/ou sexologique est au premier plan.
La chirurgie clitoridienne, mise au point pour la première fois en 1998,7 consiste à réexposer le clitoris sous la cicatrice, après avoir sectionné son ligament suspenseur et enlevé le tissu fibreux périclitoridien.
Cette intervention (durée < 1 h), se fait sous anesthésie générale, le plus souvent en ambulatoire. En postopératoire, la prise en charge de la douleur est capitale, pour éviter que les femmes revivent l’expérience traumatisante de l’excision. Des massages du clitoris sont recommandés, afin que la patiente redécouvre son corps. Le nouveau clitoris se réépidermise progressivement et prend la couleur de la peau en 3 mois environ.
Les complications sont rares : infection, douleur, chéloïdes, abcès, lâchage de suture, nouveau recouvrement du clitoris lors du processus de cicatrisation.
La chirurgie est systématiquement proposée, quel que soit l’âge, en cas d’infibulation, en raison des conséquences somatiques sévères associées.
Certains outils pédagogiques (comme les vulves en silicone avec clitoris intégré) sont très utiles en consultation, pour expliquer l’excision – en montrant la persistance de l’organe clitoridien sous la cicatrice –, la chirurgie ou la désinfibulation, la masturbation.8 La prise en charge sociale peut dans certains cas être aussi au premier plan (demandes d’asile, par exemple).
Pour en savoir plus
Sites institutionnels
• Ministère des Solidarités et de la Santé ; secrétariat chargé de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la lutte contre les discriminations :
https://solidarites-sante.gouv.fr/
http://stop-violences-femmes.gouv.fr
https://www.egalite-femmes-hommes.gouv.fr/
> La page dédiée aux MSF : https://bit.ly/2OChBeC
> Le dépliant « Les mutilations sexuelles féminines, un crime puni par la loi » (disponible en français et en anglais) : https://bit.ly/2QvTVdT
> La lettre de l’Observatoire national des violences faites aux femmes « Mesurer, comprendre et lutter contre les MSF » https://bit.ly/2zEBwnH
• Institut national de prévention et d’éduction pour la santé (Inpes) : inpes.santepubliquefrance.fr
> Le guide « Migrants/étrangers en situation précaire, prise en charge médico-psycho-sociale. Guide pratique destiné aux professionnel(le)s. » https://bit.ly/2QuzXQD
Numéros et sites utiles
• 3919 « Violences Femmes info » : numéro d’écoute national destiné aux femmes victimes de toutes formes de violences (au sein du couple, sexuelles, violences au travail, mutilations sexuelles féminines, mariages forcés…), ainsi qu’à leur entourage et aux professionnel(le)s concerné(e)s.
• 119 : service national d’accueil téléphonique de l’Enfance en danger : numéro dédié à la prévention et à la protection des enfants en danger ou en risque de l'être.
• Observatoire national de la protection de l’enfance (ONED) : https://www.oned.gouv.fr
• Conseil national de l’Ordre des médecins : https://www.conseil-national.medecin.fr
• Conseil national de l’Ordre des sages-femmes : www.ordre-sages-femmes.fr
• Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF) : www.cngof.fr
• Maison des femmes de Saint-Denis : https://www.lamaisondesfemmes.fr/
Lire aussi l’entretien de Ghada Hatem sur la Maison des femmes de Saint-Denis (La Revue du Praticien-Médecine Générale, n° 978, mars 2017).
Associations
• Combattre l’excision : https://combattrelexcision.org/
• Groupe de femmes pour l’abolition des mutilations sexuelles (GAMS) : http://federationgams.org
• Gynécologie sans frontières (GSF) : www.gynsf.org
• Commission pour l’abolition des mutilations sexuelles (CAMS) : www.cams-fgm.net
• Mouvement français pour le planning familial (MFPF) : www.planning-familial.org
• Équilibres et Populations : www.equipop.org/
1. Un peu d’histoire…
L’Égypte ancienne serait le berceau des MSF dès 5 000 à 6 000 av. J.-C. À partir de la région du Haut-Nil, la pratique se serait répandue en Afrique, en Asie et au Moyen-Orient. Tout au long de l’histoire, des mutilations sexuelles sont réalisées dans les différents peuples, y compris en Europe, à visée esthétique, pour préserver la virginité, pour empêcher les femmes d’avoir des rapports sexuels ou pour les guérir de leur histrionisme et de leur hyperexcitabilité sexuelle.
Elles existaient avant l’apparition des religions monothéistes. Malgré cela, on les associe souvent à l’islam, puisque ce dernier s’est répandu dans les régions où elles étaient traditionnelles. Pourtant, aucune des sourates du Coran ne prône les MSF. En 1998, des chercheurs de plus de 35 pays musulmans, réunis au Caire, ont conclu que les MSF ne sont pas une coutume de cette religion ; de plus, en 2013, des professeurs de gynécologie et des hommes politiques égyptiens ont rédigé un rapport intitulé « Excision : entre utilisation incorrecte de la science et compréhension erronée de la doctrine ».
2. Articles du code pénal sanctionnant les MSF
• Article 222-9 : violences ayant entraîné une mutilation ou une infirmité permanente. Infraction punie de 10 ans d’emprisonnement et de 150 000 euros d’amende.
• Article 222-10 : lorsque l’infraction est commise à l’encontre d’un mineur de moins de 15 ans : 15 ans de réclusion criminelle ou 20 ans si elle est faite par un ascendant ou toute personne ayant autorité sur le mineur.
• Articles 222-7 et 8 : les violences ayant entraîné la mort sans intention de la donner sont punies par 15 ans de réclusion criminelle et 20 ans lorsqu’elles concernent des mineurs.
• Article 222-12 : une action en justice peut être engagée au titre de violences ayant entraîné une incapacité totale de travail (ITT) > 8 jours, condamnant à une sanction de 5 ans d’emprisonnement et 75 000 euros d’amende lorsque l’infraction est commise contre un mineur de moins de 15 ans.
• Articles 113-7, 113-5 et 222-16 : la loi s’applique aussi quand la mutilation est commise à l’étranger. L’auteur (Français ou non) sera poursuivi, si la victime est de nationalité française ou qu’elle réside en France. Les parents peuvent être poursuivis en tant que complices et encourent les mêmes peines que l’exciseuse.
3. Exemple d’une équipe spécialisée
Le service de maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Bichat (Pr Yazdanpanah) accueille des femmes et des jeunes filles originaires des pays à risque d’excision : consultation avant un départ en Afrique subsaharienne, suivi d’une infection virale ou bactérienne (VIH, hépatite, tuberculose), hospitalisation au retour de voyage (paludisme, etc.).
Une fois la patiente dépistée, le praticien lui propose une prise en charge avec un accompagnement pluridisciplinaire, impliquant infectiologue, psychologue, gynécologue, sexologue, urologue, assistante sociale et juriste. Les filles des femmes concernées sont adressées à l’hôpital Robert-Debré en consultation de pédiatrie pour information et prévention.
1. Unicef. Les mutilations génitales féminines/ l’excision : un problème mondial. 2016.
https://uni.cf/2PQWaew
2. Andro A, Lesclingand M, Cambois E, Cirbeau C. Volet quantitatif du projet Excision et Handicap (ExH). Excision et Handicap (ExH) : mesure des lésions et traumatismes et évaluation des besoins en chirurgie réparatrice. Mars 2009.
https://bit.ly/2OypEJF
3. Tantet C, Aupiais C, Bourdon M, et al. Female genital mutilation: an evaluation of the knowledge of French general and specialized travel medicine practitioners. Travel Med 2018;25:doi: 10.1093/jtm/tax090.
4. WHO study group on female genital mutilation and obstetric outcome; Banks E, Meirik O, Farley T, Akande O, Bathija H, Ali M.Female genital mutilation and obstetric outcome: WHO collaborative prospective study in six African countries.Lancet 2006;367:1835-41
5. Behrendt A, Moritz S. Posttraumatic stress disorder and memory problems after female genital mutilation. Am J Psychiatry 2005;162:1000-2.
6. Bounan S. Mutilations sexuelles féminines: que faut-il réparer ? Réalité en gynécologie obstétrique 2015;177.
7. Foldès P, Cuzin B, Andro A. Reconstructive surgery after female genital mutilation: a prospective cohort study. Lancet 2012;380:134:41.
8. WHO. Care of girls and wowen living with female genital mutilation, a clinical handbook. 2018; 425 p.