En 2007 on évaluait à près de 60 000, les femmes mutilées vivant en France. Les derniers chiffres publiés par Santé publique France dans le BEH de juillet 2019 estiment désormais ce nombre à environ 120 000, prenant en compte les femmes dites de « deuxième génération », c’est-à dire nées en France de parents originaires de « pays à risque »
Du fait de l’ancienneté des flux migratoires en provenance d’Afrique, la France est l’un des premiers pays européens à avoir été confronté à la réalité des mutilations sexuelles féminines. D’après les estimations (risque calculé néanmoins théorique selon le pays d’origine), la population féminine excisée aurait donc doublé en 10 ans, alors que la pratique a quasiment disparu sur le sol français. Cette augmentation s’explique en réalité par l’arrivée sur le territoire de nouvelles femmes migrantes et par le passage à l’âge adulte des jeunes filles alors mineures qui n’étaient pas comptabilisées initialement.
Que dit la loi ?
Le médecin a obligation de signalement auprès du procureur de la République ou de la CRIP (cellule de recueil des informations préoccupantes) s’il fait le constat d’une mutilation sur une mineure ou s’il est informé d’un projet d’excision en France ou lors d’un voyage à l’étranger. Le secret professionnel est dans ce cas levé.
En fonction du pays de naissance ou d’origine de la patiente, il est important d’aborder le sujet, avant même d’examiner sa patiente, en posant quelques questions simples (recherches de troubles urinaires, douleurs lors des rapports sexuels, connaissance ou non d’une mutilation…). Pour certaines femmes, ce n’est que lors d’un premier examen gynécologique qu’elles découvrent avoir subi une mutilation à leur insu. Avoir évoqué le sujet au préalable est alors plus facile pour en parler et les orienter vers une équipe spécialisée qui pourra les prendre en charge (soutien psychologique, chirurgie réparatrice).
Pourquoi les orienter vers une unité spécialisée ?
Au-delà des complications somatiques que ces mutilations engendrent (urologiques, gynécologiques, sexuelles), la composante psychologique ne doit pas être minimisée. Lorsqu’on donne la parole à ces femmes (rapportée dans un travail de thèse par les Drs Baudu et Perrod), celles-ci expriment toute la difficulté pour elles de se confier aux soignants et d’être entendues.
« Le besoin profond de la majorité des femmes était de reconstruire cette identité altérée au-delà de la reconstruction anatomique. »
Accompagner ces femmes dans la complexité de leur vécu, c’est ce que tente de faire l’équipe des maladies infectieuses et tropicales de l’hôpital Avicenne, qui vient de développer, de manière plus large, un parcours d’accompagnement des personnes migrantes ayant subi des violences sexuelles, inspiré du travail du Dr Denis Mukwege, prix Nobel de la paix 2018.
Alexandra Karsenty - La Revue du Praticien