objectifs
Diagnostiquer une myasthénie.
Connaître les principes de la prise en charge. Identifier les situations d’urgence.
Bien qu’étant une maladie rare (définie par une prévalence < 1/2 000, soit < 0,05 % de la population), la myasthénie (myasthénie « auto-immune » ou myasthenia gravis) est la maladie de la jonction neuromusculaire la plus fréquente, devant le syndrome de Lambert-Eaton, les syndromes myasthéniques congénitaux, induits par la pénicillamine ou le botulisme… On estime qu’il y a entre 15 et 180 patients par million d’habitants suivis pour une myasthénie, avec une incidence entre 3 et 30 millions par habitant/an. La maladie peut débuter à tout âge, avec une prédominance féminine chez les sujets jeunes (< 50 ans) et masculine chez les sujets âgés (> 50 ans). Malgré sa rareté, la myasthénie est une des pathologies auto-immunes dont la physiopathologie est actuellement les mieux comprises : la fatigabilité musculaire résulte d’une attaque immunologique par des anticorps impliquant les lymphocytes T contre des protéines de la membrane postsynaptique de la jonction neuromusculaire (récepteurs de l’acétylcholine ou protéines qui lui sont associées).
Le maître symptôme est la fatigabilité musculaire anormale (diminution anormalement rapide de la force musculaire à la répé­tition de l’effort et sa restauration au repos). L’autre caractéristique importante est la fluctuation des symptômes au cours du temps, et donc leur possible absence lors de la consultation.
La myasthénie présente quelques caractères singuliers au sein des maladies neurologiques :
  • maladie chronique évoluant par poussées ;
  • mise en jeu du pronostic vital en cas d’atteinte bulbaire et/ou respiratoire ;
  • évolutivité et gêne fonctionnelle variables au cours du temps avec possibilité de rémissions très prolongées ;
  • réponse à de nombreux traitements immunomodulateurs.

Diagnostic

Dans la moitié des cas environ, la fatigabilité touche initialement les muscles oculomoteurs extrinsèques, entraînant un ptosis fluctuant et/ou une diplopie, difficilement systématisable en termes de nerf oculomoteur. Il s’agit d’une diplopie binoculaire disparaissant en vision monoculaire. Un ptosis fluctuant, indolore, sans anomalie pupillaire associé, a fortiori à bascule, est quasiment pathognomonique de la myasthénie. Une minorité des patients n’aura qu’une atteinte oculaire après 2 ans (15-20 % des cas), et l’atteinte restera limitée aux muscles oculomoteurs tout au long de l’évolution (forme oculaire pure).
Une difficulté à la mimique peut traduire l’atteinte des muscles faciaux. La paralysie des muscles d’innervation bulbaire, moins souvent inaugurale, entraîne une dysarthrie et/ou une dysphagie. La dysarthrie relève de déficits multiples, souvent associés : voile du palais (voix nasonnée), joues, lèvres, langue (« collée », « paresseuse »), faiblesse du flux expiratoire, surtout s’il existe une fuite nasale. La dysphagie doit être patiemment recherchée, elle peut être involontairement minimisée par le patient. Le reflux des liquides par le nez signe l’atteinte du voile du palais, même si celui-ci paraît normal à l’examen. Les fausses routes – parfois réduites à un toussotement plusieurs secondes après la déglutition d’une gorgée de liquide, auquel il faut savoir donner toute sa valeur – sont un signe de gravité. L’atteinte des masséters va de la difficulté à mâcher de la viande à la mâchoire tombante. Tous ces symptômes sont majorés par la répétition de l’effort (par exemple fin d’une conversation téléphonique ou d’un repas, etc.).
Dans un tiers des cas, c’est l’atteinte des membres supérieurs et/ou inférieurs qui révèle la maladie ; elle prédomine alors aux racines, rarement aux extrémités. Là encore, l’aggravation à l’effort est caractéristique. Ici (comme dans d’autres territoires), une atteinte majeure peut entraîner un déficit permanent, où la notion de fatigabilité va alors manquer.
Les releveurs de la nuque, rarement touchés, entraînent une chute antérieure de la tête ; des douleurs sont possibles dans ce territoire, même en l’absence de déficit patent, ainsi qu’à la face postérieure des épaules, alors que les autres déficits sont habituellement indolores.
L’atteinte respiratoire peut s’installer très rapidement. Rarement inaugurale, mais plus fréquente au cours de l’évolution, elle met en jeu le pronostic vital (myasthenia gravis) et est souvent sous-estimée cliniquement (pas ou peu de signe patent de détresse respiratoire). Le décubitus dorsal aggrave la dyspnée, qui peut se réduire à une impossibilité d’inspiration profonde.

Ce qu’il faut rechercher à l’examen clinique

Les symptômes, fluctuants et minimes, peuvent transitoirement disparaître au début. Il faut répéter les efforts musculaires pour faire apparaître un déficit latent dans les territoires habituellement touchés. Quelques signes sont utiles dans les formes frustes : un ptosis discret corrigé par la contraction du frontal en regard (« signe du peaucier compensateur ») ; l’élévation du sourcil par le pouce de l’examinateur « trop facile » lors de l’occlusion forcée des yeux, traduisant une faiblesse de l’orbiculaire ; l’apparition du ptosis lors de l’élévation du regard ; le test du glaçon : appliqué 20 secondes dans une compresse sur la paupière il corrige brièvement le ptosis jusqu’à ce que la paupière se réchauffe ; la diplopie dans les regards extrêmes, en particulier latéraux et vers le haut ; concernant les membres, le déficit de l’abduction des bras et la flexion des cuisses sont les plus fréquents. En l’absence d’atteinte respiratoire patente, il faut rechercher une tachypnée et une faiblesse de l’inspiration lors du reniflement (sniff test). Le reste de l’examen neurologique est normal.
Les principaux pièges diagnostiques sont les formes motrices pures de syndrome de Guillain-Barré, la sclérose latérale amyo­trophique (ou maladie de Charcot), les complications musculaires des statines et les autres maladies de la jonction neuromusculaire cités plus haut mais beaucoup plus rares (syndrome de Lambert-Eaton, syndromes myasthéniques congénitaux ou induits par la pénicillamine et botulisme).

Examens complémentaires


Anticorps antirécepteurs à l’acétylcholine (anti-RACh) : spécifiques et sensibles

Ces anticorps sont positifs dans 85 % des myasthénies généralisées et 50 % des myasthénies oculaires. Le taux varie d’un malade à l’autre, sans rapport avec la gravité. Les anticorps anti-­MuSK (muscle-specific tyrosine kinase) sont présents dans certaines myasthénies à anticorps anti-RACh négatifs, volontiers avec atteinte faciale et bulbaire. D’autres anticorps, beaucoup plus rares (par exemple la lipoprotein receptor-related protein 4 [LRP4]) peuvent être utiles au diagnostic.

Test pharmacologique

Fiable en cas de réponse nette, surtout sur ptosis, l’interprétation est plus difficile dans d’autres territoires. Le test se fait avec un anticholinestérasique d’action rapide : néo­stigmine (Prostigmine) 0,5-1 mg (par voie intramusculaire (IM) ou intraveineuse lente (IVL) ; le délai d’action est de 10-20 min. Une hypersalivation, des nausées, des crampes épigastriques, plus rarement une hypotension ou une bradycardie sont possibles (une ampoule d’atropine doit être disponible à proximité). La pyridostigmine (Mestinon) per os peut aussi être utilisée (notamment lorsque la déglutition n’est pas compromise) à titre de test diag­nostique, avec un délai d’action plus long (20-40 min).

Électroneuromyogramme

L’électroneuromyogramme, réalisé après l’arrêt d’un éventuel traitement anticholinestérasique pouvant négativer l’examen, recherche un décrément anormalement important de la réponse musculaire, en enregistrant le potentiel d’action musculaire, alors que l’on fait une stimulation supramaximale répétitive à 3 Hz dans le nerf correspondant. La présence d’un décrément ≥ 10 %, au minimum sur 2 couples nerf-muscle objective et quantifie le phénomène observé cliniquement de fatigabilité. L’électromyographie en fibre unique est plus sensible, mais moins spécifique, de technique très délicate et plus rarement utilisée. Dans la forme particulière oculaire pure, la recherche d’un décrément est plus rarement positive que dans la forme généralisée. L’absence d’un décrément n’élimine en rien un diag­nostic affirmé cliniquement.
Les tests pharmacologiques et l’électroneuromyogramme sont précieux pour les formes sans anticorps (« dites séronégatives »).

Imagerie thoracique : recherche d’un thymome

Le scanner thoracique doit être systématique au moment du diagnostic, à la recherche d’un thymome ou d’une anomalie de taille du reliquat thymique. Un contrôle doit être discuté en cas d’aggravation ou de difficulté à contrôler la maladie.
On recherche également une autre maladie auto-immune associée par la clinique et des examens biologiques simples : dysthyroïdie, la plus fréquente, lupus, polyarthrite rhumatoïde, syndrome de Gougerot-Sjögren, connectivite mixte, polymyosite.
Il faut garder à l’esprit que, dans un petit nombre de cas (~10 %), tous les examens complémentaires sus-cités sont normaux. Le diagnostic ne repose alors que sur l’anamnèse et l’examen clinique. Ces formes doivent impérativement être expertisées par un clinicien habitué à cette pathologie afin d’éviter la prise injustifiée de traitements immunosuppresseurs au long cours avec de potentiels effets secondaires graves (voir plus bas).

Prise en charge au long cours

La prise en charge d’un patient myasthénique est multidisciplinaire. Il faut bien expliquer la maladie, son caractère fluctuant, la longue durée, les risques évolutifs, les options thérapeutiques. Comme pour un malade diabétique, l’instauration d’une relation de confiance et d’une bonne coopération avec les différents intervenants est indispensable.
C’est une « maladie orpheline » dont le malade n’a en général pas entendu parler antérieurement, et les explications sont souvent recherchées sur internet, avec une pertinence variable. Donner quelques éléments physiopathologiques simples est souvent très utile (anticorps, traitements anticholinestérasiques et immuno­­suppresseurs…). Un « groupe myasthénique » existe à l’Association française contre les myopathies (AFM) [http://www.afm-france.org/], et peut être indiqué aux patients. La myasthénie entre dans le cadre des affections de longue durée (ALD), permettant une prise en charge à 100 %. C’est le médecin traitant qui fait la demande d’ALD.

Une maladie déconcertante pour le patient

À la différence d’un handicap établi dont le patient apprend à s’accommoder, le déficit myasthénique peut être variable au cours de la journée (en règle plus net le soir) ; il est majoré par les efforts, les émotions, les stress, calmé par le repos et fluctuant au cours du temps, sans que l’on retrouve toujours d’explications. Si des rémissions très prolongées, voire des guérisons, sont possibles, la règle est qu’il s’agit d’une maladie dont l’évolution est émaillée de rechutes et de pronostic difficilement prévisible. Cette variabilité reste troublante pour le patient, même après des années d’évolution, et les explications renouvelées participent à la prise en charge psychologique.
La liste des médicaments contre-indiqués, susceptibles de provoquer une aggravation, doit être remise au patient (v. tableau 1). La carte myasthénie élaborée par le ministère de la Santé est à remettre au patient dès que le diagnostic est établi. Les contre-­indications médicamenteuses y sont répertoriées, ce qui guidera les médecins lors de toute prescription. Le patient devra la présenter à chaque consultation ainsi qu’au pharmacien, également à même de repérer l’éventuelle prescription d’un produit contre-­indiqué.
Les décompensations graves (v. infra « crise myasthénique »), nécessitant l’hospitalisation en réanimation, avec parfois le recours à la ventilation mécanique, sont plus souvent liées à la rapidité d’aggravation (à l’occasion d’une infection intercurrente, la prise d’un médicament contre-indiqué, des signes annonciateurs négligés par le malade) qu’à une myasthénie véritablement résistante aux traitements. Progressivement, le patient myasthénique apprend à connaître ses symptômes et sa maladie, et le médecin doit croire le malade lorsqu’il dit s’aggraver, même si cette aggravation n’apparaît pas évidente.
Le score myasthénique (aussi appelé score de Garches, v. tableau 2) est utile pour quantifier le déficit ; ses variations vont quasiment toujours dans le même sens que les signes fonctionnels ; il présente quelques inconvénients : le score final étant la résultante de déficits segmentaires, a priori non comparables, il n’a pas grande signification en lui-même, et le détail des résultats est donc nécessaire ; pour les mêmes raisons, un score médiocre peut n’entraîner qu’un handicap moyen et un score assez élevé s’accompagner d’une gêne notable selon les muscles atteints. Enfin, il ne tient pas compte d’une éventuelle atteinte respiratoire, qu’il ne faut pas oublier d’évaluer par l’interrogatoire et l’examen clinique. En revanche, il a l’intérêt de quantifier les déficits pour le suivi où il est plus utile que d’autres classifications proposées (Osserman, Myasthenia Gravis Foundation of America [MGFA]).

Situations d’urgence et planification de leur prise en charge


Crise myasthénique

Une aggravation rapide et majeure des déficits musculaires, avec atteinte respiratoire et/ou bulbaire, parfois en quelques heures, définit la crise myasthénique. La classique distinction avec une crise cholinergique, très rare, liée à un surdosage médicamenteux, n’a que peu d’intérêt en pratique puisque l’hospitalisation en réanimation s’impose en urgence et que l’augmentation éventuelle des anticholinergiques par le malade est due à l’aggravation des symptômes…
Le signe majeur est une polypnée, de faible amplitude, avec souvent une orthopnée ; l’atteinte du diaphragme est visible sur la disparition du gonflement du creux épigastrique à l’inspiration, voire d’une respiration paradoxale ; cette dyspnée est en règle majorée par l’encombrement qui résulte de l’hypersécrétion, des fausses routes et de la diminution de la toux ; cette dernière s’apprécie en mettant la main sur l’abdomen du malade et en le faisant tousser. Il faut retenir que la gravité de l’atteinte respiratoire est le plus souvent sous-évaluée.
La mesure de la capacité vitale peut fournir un critère plus objectif, mais rarement disponible en pratique : la ventilation mécanique est impérative dès que la capacité vitale est inférieure à 15 mL/kg. Il ne faut en aucun cas attendre d’éventuelles modifications des gaz du sang, mais l’existence d’une hypercapnie est une indication à la ventilation mécanique d’urgence. Le meilleur signe est la vitesse d’aggravation – qui peut être très rapide – appréciée sur la diminution de la capacité vitale, rarement réalisable, et en pratique sur la diminution du comptage en apnée après une inspiration profonde.

Facteurs déclenchants

Les principaux facteurs déclenchants sont : les infections, en particulier pulmonaires, bactériennes ou virales (une infection bactérienne pouvant être la conséquence de fausses routes passées inaperçues), la prise de médicaments contre-indiqués, la grossesse (1er, 3e trimestres et post-partum), les interventions chirurgicales, les vaccinations (à limiter à celles indispensables.
Le rapport bénéfice/risque de certains médicaments peut être pesé en l’absence d’alternative (par exemple en cas d’infection bactérienne grave). De plus cette liste est évolutive. Par exemple de nouvelles immunothérapies « inhibitrices de checkpoint » indiquées dans certains cancers (anti-CTLA4 [ipilimumab] et anti-PD1 [pembrolizumab, nivolimumab]) peuvent déclencher ou aggraver une myasthénie.
La grossesse constitue une situation à risque avec possibilité d’aggravation de la maladie chez la mère, et la survenue dans 10 à 20 % d’une myasthénie transitoire de l’enfant à la naissance, due à un transfert transplacentaire passif des anticorps (à ne pas confondre avec une myasthénie congénitale).
La période peropératoire constitue une situation fréquente et à risque. Pour les patients fragiles, une cure d’immunoglobulines en préopératoire peut être discutée (notamment avant une thymectomie).
Enfin des « pannes motrices » induites par les anticholinestérasiques (forme mineure de crise cholinergique) peuvent survenir. Les pannes motrices se caractérisent par leur brièveté, une résolution rapide en quelques minutes à quelques heures, et surtout un lien chronologique clair avec la prise d’anticholinestérasiques (généralement < 30 min). Elles ont un caractère répétitif et stéréotypé, survenant« dans un ciel serein », chez un patient par ailleurs bien équilibré et s’accompagnement d’autres signes de surdosage en anticholinergiques (raideur musculaire, crampes, fasciculations, diarrhée motrice, etc.). La réduction des doses d’anticholinestérasique permet généralement de faire disparaître ces effets indésirables.

Traitement

Les traitements comprennent trois volets : les anticholinestérasiques, les immunosuppresseurs et la thymectomie. Ils sont efficaces et permettent à la majorité des malades de mener une vie normale. Leur mise en œuvre doit se faire dans la perspective d’une maladie chronique, c’est-à-dire que le patient doit avoir compris les traitements, les accepter et y adhérer. Il n’y a pas de schéma unique ; les éléments à prendre en compte sont la sévérité de la maladie, sa topographie, son évolution sous traitement, l’âge du patient… L’objectif doit être une vie quotidienne, y compris professionnelle, normale, sans chercher à tout prix à une récupération complète de la force musculaire, en particulier dans le domaine sportif.

Anticholinestérasiques

Traitement de première intention, ils augmentent, au niveau de la jonction neuromusculaire, la durée de vie de l’acétylcholine et donc celle de son action sur les récepteurs musculaires encore fonctionnels. Les médicaments utilisés sont Mestinon, 60 mg (pyridostigmine), jusqu’à 8 comprimés par jour, et Mytelase, 10 mg (chlorure d’ambénonium), jusqu’à 10 comprimés par jour. Il n’y a pas de dose standard, et le traitement optimal s’obtient par tâtonnement. On commence par 2 à 3 comprimés par jour, régulièrement répartis, et on augmente progressivement si besoin ; en pratique, au-delà de 6 comprimés par jour, le malade doit consulter rapidement car il faut discuter l’adjonction d’un traitement immunosuppresseur ; les effets secondaires doivent être connus du patient car indice d’un début de surdosage : ils sont muscariniques (douleurs et crampes abdominales, diarrhée, hypersécrétion salivaire et bronchique) et nicotiniques (crampes, fasciculations). Il existe une forme retard de Mestinon LP (180 mg) parfois plus efficace que le Mestinon 60 mg qui peut être utile et réduire le nombre de prises médicamenteuses. Les effets indésirables digestifs peuvent être parfois soulagés par de la teinture de Belladone.
Les anticholinestérasiques ne sont généralement pas très efficaces dans les formes oculaires pures et le plus souvent inefficaces (voire aggravants) dans les formes associées à des anticorps anti-MuSK.

Immunomodulateurs


Corticothérapie systémique

Les corticoïdes sont les premiers, les plus actifs et les plus utilisés des immunosuppresseurs. La réponse s’obtient dans plus 75 % des cas dans un délai de 2 à 4 semaines ; la dose habituelle initiale se situe généralement entre 0,5 et 1 mg/kg/j d’équivalent prednisone ; une aggravation transitoire est fréquente (30 %) en début de traitement, conduisant à une hospitalisation préventive si les signes sont généralisés. Une augmentation progressive peut être proposée pour éviter cette aggravation transitoire (par exemple 20 mg puis +10 mg/j tous les 2 à 7 jours jusqu’à la dose cible). Une fois l’amélioration obtenue, la diminution doit être lente (par exemple -5 mg/2 semaines). L’efficacité et la rapidité d’action des corticoïdes ne doivent pas faire oublier leurs effets secondaires, en particulier à long terme, d’autant plus que les patients sont âgés.
Une dose de 3 à 4 mg/j peut être maintenue au long cours, avec très peu d’effets secondaires, mais une réelle efficacité.

Traitement immunomodulateur d’action rapide mais de durée d’action limitée (IgIV et plasmaphérèses)

Les plasmaphérèse sont utilisés en cures courtes dans les poussées sévères ou en préparation à la chirurgie (thymectomie), toujours associés à d’autres immunosuppresseurs, très rarement de façon répétée, en complément d’autres traitements chez des patients résistants. Les risques sont techniques (voies d’abord, surcharge cardiovasculaire).
Les immunoglobulines intraveineuses (IgIV), d’efficacité équi- valente aux échanges plasmatiques sont plus faciles à mettre en œuvre. Les effets secondaires sont de possibles allergies, des céphalées mais surtout une insuffisance rénale, en particulier chez les sujets âgés et/ou diabétiques, prévenue par une bonne hydratation.

Traitement immunosuppresseur au long cours

Parmi les traitements immunosuppresseurs, l’azathioprine (Imurel) est le plus utilisé (à la dose de 1 à 3 mg/kg/j). Il diminue la prolifération des lymphocytes B et T en inhibant la synthèse des pu- rines. Il n’est actif qu’après environ 2 mois. La surveillance est hématologique (leucopénie et surtout lymphopénie) et hépatique (cytolyse) ; une réaction idiosyncrasique (pseudogrippale, rash cutané fébrile) doit faire interrompre le traitement. L’évaluation de l’activité thiopurine méthyltransférase (TPMT) est recommandée car une activité réduite (chez des hétéro ou homozygotes), bien que rare, expose à un risque de surdosage. De même, l’allopurinol augmente fortement les taux sanguins d’azathioprine par compétition sur l’activité TPMT. Le traitement est prolongé, parfois plusieurs années, et peut être repris en cas de rechute. Le mycophénolate mofétil (CellCept) est le deuxième médicament utilisé en France (à la dose de 2 à 3 g/j, mécanisme d’action similaire à l’azathioprine). La ciclosporine, le tacrolimus et le méthotrexate constituent des alternatives possibles. D’autres traitements plus récents tels que le rituximab, anticorps monoclonal anti-CD20 réduisant le taux de lymphocytes B circulants, ou l’éculizumab, anticorps monoclonal anti-complément, peuvent être utilisés dans les formes réfractaires aux traitements de première intention.Traitement chirurgical : la thymectomie
Le bénéfice de la thymectomie a été démontré dans une récente étude contrôlée pour les patients de moins de 65 ans avec formes généralisées associée à des anti-RACh, évoluant depuis moins de 5 ans et insuffisamment contrôlés par les anticholinestérasiques. La thymectomie est toujours indiquée en cas de thymome. Des voies d’abord chirurgicales « mini-invasives » permettent aujourd’hui de limiter les complications postopératoires et le préjudice esthétique (pas de sternotomie). Une série d’échanges plasmatiques ou une cure d’IgIV est souvent discutée en préparation à cette chirurgie.

Suivi et adaptation du traitement

Dans tous les cas, la réponse au traitement s’évalue sur la clinique uniquement. Il n’est pas recommandé de suivre le taux d’anticorps, mal corrélé aux symptômes, ou tout autre marqueur biologique. Des scores à type d’autoquestionnaires évaluant l’impact de la maladie sur les activités quotidiennes tels que le score d’activité quotidienne (SAQ) (tableau 3) ou la Myasthenia Gravis Quality of Life (MGQoL) peuvent être très utiles au suivi.

Autres aspects de la prise en charge


Autres pathologies auto-immunes

Environ 15 % des patients myasthéniques développent une autre maladie auto-immune. Les thyroïdites, le lupus érythémateux disséminé et la polyarthrite rhumatoïde sont les plus fréquents.
Les patients avec thymome peuvent présenter d’autres anomalies telles que cytopénies à hémogramme, hypogammaglobulinémie, polymyosite, syndrome POEMS (polyneuropathy, organomegaly, endocrinopathy, M component, and skin changes), neuromyotonie, ou des tableaux d’encéphalite auto-immune.
La neuromyélite optique (maladie de Devic) associée aux anticorps anti-aquaporine-4 est plus fréquente chez les patients myasthéniques.
La sclérose latérale amyotrophique est enfin un peu plus fréquente chez les patients atteints de pathologie auto-immune et particulièrement les patients myasthéniques.

Prévention des complications liées aux traitements

L’administration prolongée de corticoïdes doit s’accompagner de mesures de prévention des complications (règles hygiéno-­diététiques) et parfois de traitements associés (traitement antihypertenseur, prophylaxie de l’ostéoporose…). Situation fréquente en médecine générale, ces traitements doivent être discutés au cas par cas lorsque nécessaire.
L’azathioprine utilisée à visée immunosuppressive ne semble pas augmenter de manière importante le risque de cancer. Les cancers cutanés sont les plus fréquents, et des mesures préventives (protection solaire) ainsi qu’un suivi dermatologique sont recommandés pour les personnes à risque.

Vaccinations

Le retentissement de la vaccination sur la myasthénie est mal documenté. Les vaccinations classiques (diphtérie, coqueluche, tétanos, poliomyélite) sont recommandées. De même, la vaccination contre la grippe saisonnière est généralement proposée lorsque la myasthénie est bien contrôlée. Les vaccins vivants (par exemple polio buccal ou fièvre jaune) sont formellement contre-indiqués chez les patients sous corticoïdes ou immunosuppresseurs.

Conclusion

La myasthénie, dont les circonstances diagnostiques sont multiples, requiert une prise en charge adaptée aux situations cliniques rencontrées, très diverses, et les schémas thérapeutiques doivent être adaptés au cas par cas, dans une perspective de suivi à très long terme. Le risque de poussée sévère mettant en jeu le pronostic vital doit être gardé à l’esprit.

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