Environ 40 % des femmes ont au moins un épisode de mycose vulvovaginale au cours de leur vie (diagnostic confirmé ; le chiffre de 75 % souvent relayé relevant de l’autodiagnostic). Deuxième cause la plus fréquente de vulvovaginites (17 à 39 %) derrière les causes bactériennes (22 à 50 %), ces mycoses sont dans la quasi-totalité des cas dues à Candida albicans (90 %). Les récidives concernent près de 23 % des patientes ayant eu un premier épisode.
Classer la candidose
Symptômes et diagnostics différentiels
La triade prurit, brûlures et leucorrhées a une forte valeur prédictive positive en faveur d’une candidose. Blanchâtres, souvent épaisses (en aspect de « lait caillé »), mais pouvant aussi être fluides, les leucorrhées ne sont toutefois ni spécifiques à elles seules, ni constantes ; malodorantes, elles signent au contraire une cause bactérienne. Des dyspareunies et une sécheresse sont également possibles.
Les symptômes inflammatoires sont de bons signes, notamment l’érythème situé spécifiquement sur le vestibule (en prolongement de l’inflammation vaginale), mais pouvant s’étendre à d’autres parties de la vulve.
Il existe toutefois des tableaux trompeurs (encadré).
Quand prélever ?
Le prélèvement n’est pas systématique : il n’est pas nécessaire en cas d’épisode isolé, mais devant des récidives fréquentes ou une suspicion de résistance ; il est ainsi indispensable avant toute instauration de traitement au long cours (v. ci-dessous), et peut être associé à un bilan IST.
Prélever à la fois la vulve et le vagin est utile : bien que le foyer de la mycose soit vaginal, le prélèvement peut y être négatif alors qu’il reste positif au niveau de la vulve voire du périnée (l’application répétée de dermocorticoïdes par les patientes pour soulager le prurit pouvant entretenir l’infection). Dans le vagin, l’autoprélèvement est à privilégier (aussi efficace que le prélèvement par un tiers) ; sur les parties extérieures, bien humidifier la peau avant d’écouvillonner pour recueillir le maximum de matériel.
Des facteurs favorisants ?
L’interrogatoire permet de classer la candidose, de préciser
1) la forme de la récidive :
– récidives prémenstruelles ;
– post-coïtales : le liquide séminal faciliterait la filamentation de Candida (condition de sa pathogénicité) et le multipartenariat a été identifié comme facteur favorisant des récidives ; toutefois, celles-ci sont liées sans doute à un effet mécanique et non à une recontamination (il est donc inutile de traiter le partenaire s’il est asymptomatique) ;
– épisodes aléatoires.
2) les éventuels facteurs favorisants :
– diabète : facteur de risque +++ ; si non diagnostiqué, des candidoses récidivantes, en particulier en présence d’autres facteurs (surpoids) et de lésions très étendues et inflammatoires, doivent faire réaliser une glycémie ; un diabète traité et équilibré peut toutefois rester un facteur favorisant (glycosurie induite par les SGLT2) ;
– immunodépression ;
– prise d’antibiotiques ;
– stress.
L’identification de ces facteurs pourra orienter le traitement et la prévention.
Traitement des récidives
Ponctuel ou continu ?
En France, les azolés sont le seul traitement des candidoses vulvovaginales disponible à l’heure actuelle. Topiques (éconazole, sertaconazole, fenticonazole, miconazole, clotrimazole, terconazole, etc.) ou per os (le fluconazole est le seul ayant l’AMM dans cette indication), il est aujourd’hui reconnu que leur efficacité est similaire . Néanmoins, le fluconazole est à éviter pendant la grossesse et si risques d’interactions médicamenteuses (érythromycine…).
Si une candidose récidivante est classiquement définie par la présence de > 3 épisodes/an, l’instauration d’un traitement au long cours n’est pas systématique ; il faut évaluer le retentissement que la patiente rapporte sur sa qualité de vie – générale et sexuelle – afin d’adapter l’agressivité du traitement. En outre, sa modalité dépend des éventuels facteurs déclenchants identifiés.
Après confirmation par un prélèvement positif, 3 options existent donc :
– traitement épisodique de chaque récidive : un ovule imidazolé LP, ou fluconazole per os 150 mg + crème imidazolée si irritation externe, 1 fois tous les 3 jours, à 3 ou 4 reprises ;
– prévention ciblée (possible si facteurs déclenchants bien identifiés : antibiotiques, en prémenstruel, rapports sexuels si sporadiques…) : traiter comme indiqué ci-dessus pendant la période d’exposition au risque ;
– traitement continu (par exemple si épisodes aléatoires et très fréquents) : en induction, imidazolé vaginal LP ou fluconazole 150 mg (+ crème imidazolée si besoin), 1 fois tous les 3 jours à 4 reprises, et ensuite 1 fois/semaine pendant 6 mois en traitement suspensif. Une rémission complète pendant ce traitement a lieu dans environ 90 % des cas, les effets indésirables sont rares et il n’a pas été observé de conséquences négatives sur le microbiote vaginal.
Des règles d’hygiène peuvent en outre être conseillées (savon à pH neutre, sous-vêtements en coton, éviter les douches vaginales…), mais le respect des mesures externes ne garantit pas l’absence de récidives, le foyer infectieux étant vaginal.
Résistance ou récidive ?
Dans la moitié des cas, après l’arrêt du traitement continu, des récidives sont observées. Toutefois, il est important de distinguer une « simple » récidive d’une véritable résistance, pour traiter adéquatement et éviter l’escalade thérapeutique avec des médicaments qui n’ont pas l’AMM dans cette indication et sont responsables de nombreux effets secondaires (kétoconazole, itraconazole, voriconazole, amphotéricine B, 5 -fluorocytosine).
La résistance aux antifongiques, bien que rare encore en Europe et aux États-Unis (de l’ordre de 3 %), peut devenir un problème dans le futur – et est déjà beaucoup plus élevée ailleurs (jusqu’à 60 % dans d’autres pays). Elle serait favorisée par les cures répétées de fluconazole, qui peut engendrer une résistance croisée aux imidazolés.
Pour écarter une résistance, les antifongigrammes ne sont pas fiables, il est préférable de réaliser un prélèvement en cours de traitement : un résultat positif à la culture lorsque la patiente est sous traitement imidazolé signe une résistance.
Dans ce cas : traiter par préparation magistrale d’ovules de nystatine (100 000 UI), 1 fois/jour pendant 14 jours (alors qu’en cas de « simple » récidive, il est possible de reprendre le traitement suspensif déjà mentionné).
Enfin, en cas d’échec du traitement, on pourra évoquer, outre une erreur diagnostique initiale ou un manque d’observance (rare), le développement d’une vulvodynie qui a pu être induite par la candidose déjà guérie (l’absence de Candida étant bien sûr à confirmer par prélèvement négatif), ou encore une autre dermatose.
De nouveaux traitements à l’horizon ?
De nouvelles molécules sont en cours de recherche ou déjà commercialisées aux États-Unis (otéséconazole, actif sur les Candida résistante aux azolés, avec une bonne tolérance) et l’ibrexafungerp, premier antifongique non azolé autorisé par la FDA dans cette indication, avec une bonne tolérance également.
Le mélange de probiotiques qui pourrait être efficace est également en cours de recherche, mais pour l’instant aucun n’a fait la preuve de son efficacité.
Des essais sur des vaccins anticandidosiques sont aussi en cours.
Candidoses vulvo-vaginales : diagnostics différentiels
L’érythème lié à une candidose est diffus, symétrique, homogène, plan. Mais en présence de plaques inflammatoires, les diagnostics différentiels suivants peuvent aussi être évoqués : lichen plan, vulvite de Zoon ; dans les formes étendues, psoriasis (érythème bien limité, parfois squameux, occupant volontiers le versant pileux des grandes lèvres), voire dermite caustique due à une incontinence urinaire (grandes lèvres et région périanale). En cas de plaques limitées, en relief, unilatérales, penser aux causes pouvant nécessiter une biopsie (lésions HPV-induites, maladie de Paget…).
Un œdème des petites lèvres, intermittent, peut aussi être présent. Si post-coïtal, éliminer : allergie au liquide séminal, au latex, voire dermographisme (rare). Si étendu aux grandes lèvres, chronique, évoquer une maladie de Crohn (dans ce cas, il est volontiers unilatéral, mais peut aussi se bilatéraliser).
Enfin, bien que la candidose soit la cause la plus fréquente de fissures vulvaires (situées préférentiellement sur la fourchette et les sillons interlabiaux), ces dernières peuvent aussi avoir d’autres causes : fissures mécaniques, herpès, psoriasis (localisation sur la partie antérieure des sillons interlabiaux : très évocatrice), lichen scléreux (avec aspect blanc de la face interne des grandes lèvres et des petites lèvres). Chroniques, elles font éliminer une candidose et évoquer plutôt une maladie de Crohn, un carcinome si la fissure est infiltrée, un herpès chez l’immunodéprimée.