Quelles causes ?
La myocardite est une inflammation du muscle cardiaque dont les mécanismes physiopathologiques sont complexes. Bien que la cause soit dans la majorité des cas inconnue, elle est le plus souvent d’origine virale : entérovirus, adénovirus, herpès (HHV-6), EBV, CMV, virus de la grippe, de l’hépatite C, VIH et Parvovirus B19... De nombreux autres agents infectieux et des maladies systémiques – en particulier la sarcoïdose et les connectivites auxquelles on rattache les myocardites à cellules géantes (formes rares caractérisées par une évolution rapide et sévère touchant particulièrement l’adulte jeune) – peuvent être incriminés. Parmi les causes toxiques, citons : l’alcool, les catécholamines, la cocaïne, les anthracyclines, certains antirétroviraux. En présence d’éosinophilie, une granulomatose éosinophilique avec polyangéite (syndrome de Churg-Strauss), une réaction d’hypersensibilité à un médicament (par exemple syndrome Drug Reaction with Eosinophilia and Systemic Symptoms [DRESS]) ou à un vaccin doivent être évoqués.
Quels symptômes ?
Le spectre clinique est très large, variant des formes paucisymptomatiques à des tableaux dramatiques avec choc cardiogénique ou troubles du rythme ventriculaire sévères imposant une hospitalisation. Le plus fréquemment, la myocardite se manifeste par des douleurs thoraciques, des arythmies ou une insuffisance cardiaque. Les douleurs thoraciques peuvent être similaires à une origine ischémique (pseudo-angineuses) ou parfois pleurétiques et respiro-dépendantes en cas de péricardite et/ou pleurite associées. Selon une étude de 20181 sur 554 patients, la douleur thoracique est décrite dans 86,6 % des cas, suivie par une dyspnée chez 19,2 % des patients. Des prodromes sont présents chez plus de 80 % des patients et un état fébrile dans 64 % des cas.
Les myocardites peuvent toucher toutes les tranches d’âge mais plus volontiers les sujets jeunes.
Comment faire le diagnostic ?
Devant des symptômes évocateurs (signes d’insuffisance cardiaque récente, par exemple), il est nécessaire d’éliminer avant tout une pathologie coronaire ou une autre maladie cardiovasculaire (cardiomyopathie, hypertension…). La myocardite est souvent un diagnostic différentiel du syndrome coronaire aigu à coronaires angiographiquement normales.
Des critères (v. encadré) ont été établis pour définir le diagnostic de myocardite clinique : la myocardite est dite « probable » en présence d’un critère clinique et d’au moins un critère paraclinique, en l’absence de maladie coronarienne.
Ces critères permettent d’adresser le patient aux centres de référence pour l’imagerie spécifique et la biopsie endomyocardique. Cette dernière reste le gold standard pour confirmer le diagnostic (critères de « Dallas » : infiltration inflammatoire myocardique – leucocytes ≥ 14/mm2 incluant jusqu’à 4 monocytes/mm2 avec lymphocytes T CD3 positifs ≥ 7 cellules/mm2 – avec dégénérescence myocytaire et nécrose des cellules, d’origine non ischémique)2mais l’IRM est actuellement l’examen de référence pour caractériser avec précision le tissu myocardique inflammatoire (v. figure).
Prise en charge
Elle comprend une hospitalisation et des traitements symptomatiques gradués selon la gravité, avec surveillance étroite afin de détecter et traiter précocement les complications comme l’insuffisance cardiaque ou les arythmies. Les cardioprotecteurs (β-bloquants, IEC) doivent être instaurés sans retard en cas de dysfonction systolique ventriculaire gauche et/ou de troubles du rythme.
Aucun traitement spécifique n’a fait ses preuves : les AINS ne sont pas recommandés, pas de bénéfices prouvés de la colchicine, ni d’aucune thérapie antivirale. En l’absence de données solides, la question la plus difficile est celle de l’instauration du traitement immunosuppresseur (corticoïdes, azathioprine, ciclosporine A) : en pratique, il dépend des résultats de la biopsie endomyocardique et de l’absence d’infection cardiaque active (à l’exception de la sarcoïdose dont diagnostic et traitement peuvent être guidés uniquement par les imageries non invasives, IRM et TEP-scan).
De nombreux travaux sont en cours pour évaluer de nouvelles cibles thérapeutiques immunologiques, des thérapies antivirales ou d’immunomodulation.
Recos sur la reprise de l’activité physique et sportive
La reprise de l’activité physique et sportive après une myocardite aiguë est une question fréquente chez ces patients souvent jeunes.
L’éviction de l’activité physique pendant au moins 6 mois est recommandée chez tous les patients.
Une fibrose myocardique séquellaire après guérison, visible sur l’IRM de contrôle qui est systématique avant la reprise du sport, peut favoriser des troubles du rythme (risque de mort subite).
Selon le consensus européen,3 on autorise la reprise du sport en compétition en l’absence de dysfonction résiduelle du ventricule gauche et de troubles du rythme lors d’une épreuve d’effort maximale et d’un Holter rythmique sur 24 heures incluant un effort physique, idéalement sans traitement. Ces sportifs doivent ensuite être revus annuellement.
Critères diagnostiques d’une myocardite*suspectée cliniquement
Cliniques :
• Douleur thoracique aiguë, péricardique ou pseudo-ischémique ;
• Début (quelques jours jusqu’à 3 mois) ou aggravation d’une dyspnée au repos ou à l’effort et/ou fatigue ± signe d’IC gauche et/ou droite ;
• Subaiguë/chronique (> 3 mois) ou aggravation d’une dyspnée au repos ou à l’effort et/ou fatigue ± signe d’IC gauche et/ou droite ;
• Palpitations et/ou symptômes d’arythmie et/ou syncope inexpliqués et/ou mort cardiaque subite récupérée ;
• Choc cardiogénique inexpliqué.
Paracliniques :
• ECG/Holter/stress test
Anomalies récentes à l’ECG 12 dérivations et/ou Holter et/ou test d’effort (l’un ou l’autre des éléments suivants) : BAV de degré I à III, ou bloc de branche, modifications du ST/onde T (sus-/sous-décalage du ST, inversion de l’onde T), arrêt sinusal, tachycardie ou fibrillation ventriculaire et asystolie, fibrillation auriculaire, diminution de l’amplitude de l’onde R, trouble de la conduction intraventriculaire (QRS élargi), ondes Q anormales, microvoltage, extrasystolie fréquente, tachycardie supraventriculaire.
• Marqueurs de myolyse
Troponine T/troponine I élevée.
• Anomalies fonctionnelles et structurelles en imagerie (écho/angio/IRM)
Anomalie récente, sans autre explication, de la structure et de la fonction ventriculaire gauche et/ou ventriculaire droite (y compris découverte fortuite chez des sujets apparemment asymptomatiques) : altération de la fonction systolique ou diastolique régionale ou globale ± dilatation ventriculaire ± augmentation de l’épaisseur de la paroi ± épanchement péricardique ± thrombus endocavitaire.
• Caractérisation tissulaire en IRM
Œdème et/ou rehaussement tardif.
La myocardite est soupçonnée si ≥ 1 critère clinique et ≥ 1 critère paraclinique, en l’absence de : maladie coronaire (sténose ≥ 50 % à l’angiographie) ; MCV préexistante connue ou causes extracardiaques qui pourraient expliquer le syndrome (maladie valvulaire, cardiopathie congénitale, hyperthyroïdie…). La suspicion est plus élevée lorsque le nombre de critères augmente.
Si le patient est asymptomatique, il faut ≥ 2 critères.
2. Caforio AL, Pankuweit S, Arbustini E, et al. Current state of knowledge on aetiology, diagnosis, management, and therapy of myocarditis: a position statement of the European Society of Cardiology Working Group on Myocardial and Pericardial Diseases. Eur Heart J 2013;34(33):2636-48.
3. Pelliccia A, Solberg EE, Papadakis M, et al. Recommendations for participation in competitive and leisure time sport in athletes with cardiomyopathies, myocarditis, and pericarditis: position statement of the Sport Cardiology Section of the European Association of Preventive Cardiology (EAPC). Eur Heart J 2019;40(1):19-33.
Pour en savoir plus :
Trochu JN, Piriou N. Quand évoquer une myocardite ? Rev Prat Med Gen 2019;33(1029);748-50.
Valiton V, Carballo D, Seebach JD, et al. La myocardite en 2020. Rev Med Suisse 2020;696(6) :1133-9.