Quelle est la méthodologie de l’étude ?
Il s’agit d’une étude cas-témoins appariés, qui utilise les données d’hospitalisations pour myocardite ou péricardite survenues entre le 15 mai et le 31 août 2021 parmi toute la population âgée de 12 à 50 ans en France, et les données de vaccination Covid-19, pour comparer les risques de survenue de ces deux pathologies entre les personnes exposées et non exposées aux vaccins. L’exposition était définie comme toute vaccination avec Pfizer ou Moderna dans les 1 à 7 jours ou 8 à 21 jours précédant la date d’hospitalisation pour myocardite ou péricardite.
Chaque sujet hospitalisé pour myocardite ou péricardite sur cette période a été apparié selon l’âge, le sexe et le département à 10 témoins sélectionnés de façon aléatoire parmi l’ensemble des personnes n’ayant pas eu de diagnostic de myocardite ou de péricardite durant la même période. Chaque témoin ne pouvait être apparié qu’à un seul cas.
L’étude visait à estimer cette association en fonction de l’âge, du sexe et du rang de la dose de vaccin (première ou deuxième injection, considérées séparément).
Quel surrisque selon l’âge, le sexe et les antécédents ?
Entre le 12 mai et le 31 août 2021, 919 cas d’hospitalisations pour myocardite et 917 pour péricardite sont survenus dans la population de 12-50 ans. Respectivement : l’âge médian était de 26 et 34 ans ; 60 % et 36 % avaient moins de 30 ans ; 21 % et 38 % étaient des femmes. À noter que les sujets chez qui ces deux événements sont survenus avaient plus fréquemment un antécédent d’hospitalisation pour la même pathologie dans les 5 années précédentes (5,8 % pour myocardites ; 8,5 % pour péricardites vs 0,1 % chez les témoins). De même, un antécédent d’infection par le SARS-CoV-2 dans le mois précédent était plus fréquent chez les sujets atteints (3,9 % pour myocardites ; 2,2 % pour péricardites) que chez les témoins (0,7 %).
Globalement, même si le nombre de cas apparaît peu fréquent au regard du nombre de doses administrées à l’échelle de toute la population âgée de 12 à 50 ans, la vaccination par les vaccins à ARNm est associée à une augmentation du risque d’hospitalisation pour myocardite et péricardite dans les 7 jours suivant la vaccination, particulièrement chez les jeunes de 12 à 29 ans. Ce risque est plus élevé avec le vaccin de Moderna (Spikevax).
En effet, chez les hommes de 12 à 29 ans, le risque de myocardite lié à la vaccination était particulièrement marqué, dans les 7 jours suivant les deux doses du vaccin Pfizer (odds-ratio de 2,1 pour la dose 1 et 10,9 pour la dose 2) et surtout après la 2e dose du vaccin Moderna (OR = 79,8). L’excès de cas attribuables au vaccin est estimé à 2,9 pour 1 million après la première dose de Pfizer, 26,7 après la 2e et 131,6 après la 2e dose de Moderna.
Dans cette même tranche d’âge, le risque de péricardite apparaît lui aussi plus marqué après le vaccin Moderna, chez les hommes, en particulier après la deuxième dose (OR = 15,0 ; 18 cas en excès par 1 million de vaccinations).
Chez les hommes âgés de 30 à 50 ans, un surrisque de myocardite existe les 7 jours suivant la 2e dose de chaque vaccin mais il est moindre (OR = 4,2 pour Pfizer et 18,0 pour Moderna). L’excès de cas pour 1 million de vaccinations est estimé à 4,7 pour la 2e dose de Pfizer et 26,5 pour la 2e injection de Moderna. En revanche, le risque de péricardite dans cette même tranche d’âge n’était pas associé à la vaccination (quel que soit le vaccin utilisé).
Enfin, la vaccination dans les 8 à 21 jours, quel que soit le vaccin, n’était pas associée au risque de myocardite.
Et chez les femmes ?
Bien que la survenue d’une myocardite soit moins fréquente chez les femmes que chez les hommes, le risque est également augmenté chez cellesde moins de 30 ans.
En ce qui concerne les myocardites, le risque était accru chez les 12-29 ans dans les 7 jours suivant la 2e dose des deux vaccins (OR = 11,4 pour Pfizer et 40,6 pour Moderna), avec un excès de cas pour 1 million de vaccinations de 4,3 et 37,3 respectivement.
Quant au risque de péricardite, il était accru dans les 7 jours suivant la 2e dose de Pfizer (OR = 4,6) et dans les 8 à 21 jours suivant la première injection de Moderna (OR = 27,9), avec un excès de cas pour 1 million estimé à 2,8 et 5,8 respectivement.
Chez les femmes de 30 à 50 ans, le risque de péricardite était augmenté dans les 7 jours après la 2e dose de Moderna (OR = 18,7), avec un excès de cas pour 1 million estimé à 10,5. En revanche, le risque de myocardite dans cette tranche d’âge n’était pas associé à la vaccination dans les 7 jours précédents, quel que soit le vaccin.
Quelle évolution clinique ?
Parmi les sujets exposés au vaccin, le délai médian entre l’administration de celui-ci et l’hospitalisation pour myocardite/péricardite était : pour les myocardites, de 10 et 9 jours pour la première et deuxième dose de Pfizer respectivement, et de 9,5 et 4 jours pour la première et deuxième dose de Moderna ; pour les péricardites : de 11 et 10 jours pour la première et deuxième dose de Pfizer, et 9,5 et 10 jours pour la première et deuxième de Moderna.
La durée moyenne de séjour hospitalier était de 3,8 jours pour les cas de myocardite survenus dans les 7 jours après vaccination (quel que soit le vaccin), de 3,9 jours chez ceux vaccinés entre 8 et 21 jours avant hospitalisation (vs 4,2 jours chez les cas non exposés au vaccin). Aucun décès n’a été observé parmi les cas vaccinés.
Qu’en retenir ?
En conclusion, cette étude confirme l’existence d’un risque de myocardite et péricardite dans les 7 jours suivant une vaccination avec un vaccin ARNm, particulièrement chez les jeunes de moins de 30 ans. Ce risque est plus élevé avec le vaccin Moderna. Cependant, le nombre de cas attribuables aux vaccins apparaît peu fréquent au regard du nombre de doses administrées. Cette étude confirme également l’évolution clinique favorable de ces cas de myocardite et de péricardite.
Les auteurs du rapport rappellent enfin que ces nouvelles données de pharmaco-épidémiologie ne remettent pas en cause le rapport bénéfice-risque des vaccins à ARNm contre le Covid-19, dont l’efficacité contre les formes graves de Covid-19 reste très élevée.
Dans la foulée, la HAS a toutefois préconisé que le vaccin Spikevax ne soit pas utilisé chez les moins de 30 ans, compte tenu de ce risque plus important de myocardite/péricardite dans cette tranche d’âge et avec ce vaccin, plus dosé que celui de Pfizer. Elle a également recommandé de l’utiliser en demi-dose pour les rappels.
LMA, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
Épi-Phare. Communiqué de presse – 08/11/2021.
Nobile C. Moderna : à nouveau dans la course mais avec des limitations ! Rev Prat (en ligne), novembre 2021.