Clotilde, 22 ans, nouvelle patiente, consulte pour la délivrance d’un certificat de non-contre-indication à la pratique sportive. Dans ses antécédents, elle rapporte un nævus congénital géant opéré à plusieurs reprises dans la petite enfance et à l’origine d’une souffrance physique et psychique. L’examen note en effet une lésion cutanée pigmentée de couleur brune de 40 cm de grand axe, située sur l’ensemble de la région lombaire et circonscrite par des cicatrices chirurgicales.
Le nævus congénital est une tumeur mélanocytaire présente à la naissance ou apparaissant dans l’enfance. Son type géant est décrit comme mesurant plus de 40 cm à l’âge adulte, ce qui correspond à une lésion de plus de 14 cm chez un nouveau-né. Sa prévalence à la naissance est estimée entre 1/50 000 et 1/500 000, avec une légère prédominance féminine. Il est d’autant plus rare qu’il touche une surface corporelle plus grande. Il est dû à un trouble du développement de la crête neurale embryonnaire au premier trimestre de grossesse dont la cause reste inconnue.
La clinique est polymorphe, avec présence d’un placard cuta­né circonscrit de teinte brune plus ou moins foncée, souvent recouvert de pilosité dense ou de nodules de prolifération et/ou de nævi satellites. Ces nævi congénitaux géants sont volontiers situés à la partie postérieure du tronc ou de l’extrémité céphalique mais peuvent siéger ailleurs, en particulier sur les extrémités.
La biopsie est nécessaire si une transformation maligne est suspectée. L’aspect histologique est particulier : présence de cellules pigmentées dans l’épiderme et le derme superficiel (habituellement, dans la composante profonde, les cellules sont achromiques) ; caractère infiltrant pouvant s’étendre à l’hypoderme, aux aponévroses et aux muscles sous-jacents.
L’évolution spontanée est imprévisible : modification de taille ou de couleur, développement d’une hypertrichose, de nodules, de nævi satellites pouvant se ramollir, s’éroder, se sur­infecter. Le nævus congénital géant peut se compliquer d’une mélanose neurocutanée (infiltration du système nerveux central – leptoméninges – par des cellules næviques). Divers tableaux neurologiques sont alors possibles (céphalées, crise comitiale, hypertension intracrânienne, troubles du développement psychomoteur, compression de la moelle épinière) et justifient la réalisation d’une IRM injectée. Le pronostic en est extrêmement péjoratif, avec 90 % de décès. Le risque de mélanome sur nævus congénital géant est estimé, quant à lui, à environ 4 % ; il est d’autant plus élevé que la taille de la lésion est grande. Si le mélanome survient, c’est avant l’âge de 10 ans (voire de 5 ans). Il se développe à partir de la composante profonde, rendant sa détection précoce (à un stade curable) pratiquement impossible. Il peut également se révéler d’emblée dans le système nerveux central ou dans le rétropéritoine. Le pronostic est également très mauvais, avec 70 % de décès dans les dix premières années. Enfin, d’autres types de tumeurs malignes secondaires ont été décrits (sarcomes). À l’âge adulte, les complications sont rares, mais une surveillance dermatologique régulière reste nécessaire.
Il n’y a pas de consensus concernant la prise en charge. Elle est discutée au par cas, dans le cadre d’une réunion multidisciplinaire. La décision finale revient aux parents et à l’enfant, après explications détaillées sur les bénéfices et les risques. Le caractère inesthétique des nævi congénitaux géants est à l’origine de difficultés sociales et comportementales qui peuvent gêner la surveillance dermatologique. L’exérèse préventive, souvent alors justifiée, est réalisée le plus précocement possible afin d’espérer une action préventive sur la survenue d’un éventuel mélanome. Les procédures chirurgicales sont compliquées et itératives.
Pour en savoir plus 
Fraitag S. Nævus congénitaux : faut-il les enlever ? Presse Med 2013;42(2):127-31.

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