De nombreuses études ont identifié des liens entre le mois de naissance d’une personne et son risque de mortalité. Dans les pays de l’hémisphère Nord (États-Unis, Suède, Allemagne, Espagne, Autriche, Danemark, Japon…), elles indiquent que les personnes nées en novembre ont les plus bas risques de mortalité – toutes causes et cardiovasculaire – tandis que leurs pairs nés en mai ont les plus hauts. En revanche, dans l'hémisphère Sud, le schéma de saisonnalité/mortalité est inversé.
Une hypothèse – néanmoins débattue – qui pourrait expliquer cette association entre la saison de naissance et la mortalité est celles des « origines développementales de la santé » : des facteurs environnementaux pendant les périodes cruciales du développement (vie prénatale et postnatale précoce) - changements saisonniers dans l’alimentation maternelle, température, niveau de la pollution, luminosité (et par conséquence niveaux de vitamine D) - pourraient influencer la programmation génétique et épigénétique de l'individu, affectant ainsi sa susceptibilité aux maladies plus tard dans vie.
Toutefois, une limite majeure de ces études est l’absence de prise en compte – ou le contrôle inadéquat – de certains facteurs pesant sur l’état de santé d’une personne et pouvant influer sur son risque de mortalité – des facteurs présents dans la période pré- et postnatale mais aussi plus tard dans la vie. Les conditions familiales et socioéconomiques au moment de la naissance font partie de ces possibles variables confondantes souvent négligées.
Pour la première fois, une large étude prospective basée sur la population a permis de les prendre en compte. Publiée dans le BMJ, cette étude exploite les données de la cohorte américaine Nurses’ Health Study initiée dans les années 1970, dont 116 911 femmes ont été incluses. La présence d’une maladie cardiovasculaire et la prématurité étaient des critères d’exclusion.
Pendant un suivi de 38 ans (jusqu’en 2014 ; 4 136 364 personnes-années), 43 248 décès ont été enregistrés, dont 8 360 d’origine cardiovasculaire. Pour ces derniers, l’âge moyen des femmes au moment du décès était de 74,6 ans. Les autres causes principales de décès étaient les cancers (N = 13 954 ; âge moyen : 69,8) et les pathologies neurodégénératives (N = 4 318 ; âge moyen : 82,3).
Les femmes nées entre mars et juillet avaient un risque accru de mortalité cardiovasculaire par rapport à celles nées en novembre (utilisé comme mois de référence dans l’analyse statistique). Le mois d’avril était le plus concerné, avec un risque augmenté de 12 %, suivi par le mois de mars (9 %), puis de mai (8 %) et enfin de juin 7 %. En revanche, les mois de décembre et janvier avaient respectivement un risque diminué de 5 et 3 % par rapport au mois de novembre. Ces résultats étaient ajustés pour de nombreuses variables confondantes, telles que : âge, IMC, tabagisme, activité physique, hypertension, hypercholestérolémie, diabète de type 2, mais aussi niveau d’éducation des conjoints des participantes – ces dernières étant toutes infirmières, elles avaient le même niveau d’éducation – et niveau socioéconomique de la famille au moment de leur naissance (métiers de la mère et du père, propriétaires ou non) ainsi que tabagisme de la mère durant la grossesse. La différence relative entre le mois affichant la plus haute mortalité (avril) et celui affichant la plus basse (décembre) était de 17 %. Aucune différence significative n’a été observée pour la mortalité toutes causes.
D’après ces résultats, les participantes nées au printemps et en été, et particulièrement entre mars et juillet, avaient un risque légèrement mais significativement accru de mourir de causes cardiovasculaires, et ce risque ne semblait pas lié aux facteurs socioéconomiques familiaux au moment de la naissance. Ils seraient ainsi en faveur d’une association entre la saisonnalité de la naissance – les conditions présentes au cours de la vie fœtale et immédiatement postnatale – et le risque de mortalité cardiovasculaire plus tard dans la vie. Ils soutiennent l’idée que l’influence de la saisonnalité ne s’explique pas seulement par des conditions « durables » – à savoir les conditions qui suivent une trajectoire similaire ou relativement stable toute la vie durant (par exemple, niveau socioéconomique) – mais par celles présentes dans une période circonscrite dans le temps.
Cependant, cette étude a plusieurs limites qui rendent les résultats peu généralisables, notamment le fait qu’il s’agit d’un échantillon non représentatif de la population (des femmes infirmières nées aux États-Unis depuis les années 1970 et quasi-exclusivement issues d’ancêtres européens). Davantage de travaux sont nécessaires pour confirmer ces résultats et expliquer ces associations.