La pandémie de Covid-19 a de multiples répercussions sur les patients atteints de maladies hépatiques. Comme cela a été rappelé lors de la Conférence d’hépatologie de Paris (PHC, 8-10 mars 2021), au-delà de l’augmentation probable dans le futur proche des cancers du foie, due au retard dans les actions de dépistage et de prévention – une hausse que des études récentes ont évaluée à plusieurs dizaines de milliers de cas supplémentaires d’ici à 2030 –, la pandémie a eu des répercussions directes chez ces patients : selon une étude publiée en novembre 2020 dans le Journal of Hepatology, de 2 à 11 % des personnes atteintes de Covid-19 ont une pathologie chronique du foie.
Si d’après l’étude de cohorte d’Épi-Phare menée sur l’ensemble de la population française, elles ne figurent pas parmi les pathologies ayant les plus fortes associations avec le risque d’hospitalisation ou de décès pour Covid, les maladies hépatiques chroniques – surtout la cirrhose – font bien partie de la liste des comorbidités à haut risque ouvrant le droit à une vaccination prioritaire.
Il existe, en effet, comme l’a souligné le Pr Patrick Marcellin lors de la PHC, un risque de développer des formes graves de Covid-19 pour les patients atteints d’une cirrhose ou d’une NASH (non-alcoholic steato-hepatitis : forme avancée et active de la « maladie du foie gras », ou NAFLD [non alcoholic fatty liver disease], qui touche 20 % de la population adulte en France, soit 10 millions de personnes). Chez les patients cirrhotiques atteints de Covid, le taux de mortalité s’élèverait à 30 % selon une étude américaine (contre 13 % chez les patients Covid non cirrhotiques de cette même étude). Quant à la NAFLD et la NASH, une étude rétrospective (en preprint) menée aux États-Unis sur plus de 6 000 adultes suggère que ces pathologies augmentent significativement le risque d’hospitalisation pour Covid. De plus, ces chercheurs ont estimé que la NAFLD ou la NASH pourraient expliquer en partie le risque de forme grave chez les patients obèses – un risque maintenant établi.
Les patients atteints d’une NASH – qui peuvent eux-mêmes évoluer vers une fibrose, une cirrhose ou un cancer du foie – ont, en effet, souvent plus de 50 ans et des comorbidités associées (obésité, diabète…). Or la plupart de ces patients ignorent être atteints de cette maladie : alors même que, passé la cinquantaine, le risque d’avoir une NASH peut arriver à 90 % lorsqu’on cumule les éléments d’un syndrome métabolique (obésité, diabète, hypertension artérielle, dyslipidémie), seuls 10 % des sujets concernés sont adressés à l’hépatologue – car cette maladie reste largement méconnue… À cet égard, le Dr Pascal Melin a évoqué à la PHC la possibilité que l’épidémie puisse être « un accélérateur du dépistage des malades "cachés" atteints de NASH ». Un « bénéfice », étant donné que, comme pour les autres maladies du foie, la stéatose n’entraîne aucun symptôme ?
Il semblerait aussi que l’infection par le SARS-CoV-2 puisse contribuer à déclencher une NASH chez les patients atteints d’une « simple » NAFLD. Les atteintes hépatiques semblent en effet courantes chez les malades infectés par le SARS-CoV-2 : jusqu’à 50 % d’entre eux seraient touchés, en particulier les sujets déjà atteints d’une hépatopathie. Ces dysfonctions pourraient être dues au syndrome inflammatoire déclenché par l’infection, aux traitements médicamenteux utilisés dans les formes sévères, ou encore à l’expression importante des récepteurs ACE2 (porte d’entrée du SARS-CoV-2 dans les cellules) dans les cholangiocytes, mais les mécanismes restent à éclaircir…
Quoi qu’il en soit, en ce qui concerne la vaccination, la situation est complexe pour les sujets atteints d’une NASH – bien que les maladies chroniques du foie soient bien listées comme une comorbidité à haut risque prioritaire pour le vaccin – car, comme le souligne le Dr Melin, « la NASH n’étant pas dépistée, il est difficile d’inciter cette population à se faire vacciner »… Raison de plus d’améliorer le dépistage de cette pathologie !
Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien
À lire sur ce sujet
Nobile C. Que cache la NASH ? Entretien avec le Pr Laurent Castera, juillet 2020.
Canivet CM, Boursier J. NASH : l’activité physique est essentielle. Rev Prat Med Gen 2020;34:656-8.
Karsenty A. NAFLD ou NASH ? Juin 2020.