La stéatose hépatique, qui touche environ 20 % des Français, peut conduire à l’apparition d’une fibrose hépatique, d’une cirrhose, voire d’un cancer du foie. Si aujourd’hui la seule mesure efficace pour lutter contre cette maladie est la réduction pondérale, quel est l’intérêt de la chirurgie bariatrique, en particulier pour la régression de la fibrose sévère ? Les résultats d’une étude française viennent d’être publiés…

 

La NASH (non-alcoholic steatohepatitisest la forme avancée et active de la « maladie du foie gras » ou stéatose hépatique (NAFLD, non-alcoholic fatty liver disease). Si la prévalence de cette dernière en France atteint 18 % de la population adulte, touchant particulièrement des patients diabétiques et obèses (chez qui la prévalence de la NASH est respectivement de 63 % et 80 %), seuls 10 % des patients atteints de stéatose évolueront vers une NASH, qui se caractérise par une inflammation intrahépatique, avec le risque de faire une fibrose, voire une cirrhose et un cancer du foie.

La prise en charge repose à l’heure actuelle exclusivement sur la réduction pondérale, par des mesures hygiénodiététiques. En effet, une réduction d’au moins 10 % du poids initial fait totalement disparaître la stéatose, avec une résolution de la NASH dans 90 % des cas et une amélioration de la fibrose dans 30 à 40 % des cas.

Il n’existe à ce jour aucun traitement médicamenteux ayant montré une efficacité contre cette maladie. En revanche, certains travaux ont montré une amélioration spectaculaire des lésions hépatiques de NASH après une chirurgie bariatrique (indications ci-dessous*), en parallèle à la perte de poids, mais les données d’efficacité chez les patients ayant des formes avancées restent limitées.

Une étude récente conduite par des chercheurs de l’Inserm et de l’AP-HP a entrepris d’analyser les effets de la chirurgie bariatrique sur l’évolution des lésions histologiques sévères de la NASH. Leurs résultats viennent d’être publiés dans la revue Hepatology.

Parmi 196 patients issus de la cohorte « chirurgie bariatrique BARICAN », 66 ont eu, en plus de la biopsie hépatique initiale au moment de la chirurgie bariatrique, une biopsie de suivi à 6 ± 3 ans (36 avec une fibrose avancée et 30 avec un grade d’activité élevée sans fibrose avancée).

Globalement, 29 % des patients avaient une histologie normale à la biopsie de suivi, 74 % une résolution de la NASH sans progression de la fibrose et 70 % une régression de la fibrose.

Cependant, chez 47 % des patients qui, avant la chirurgie, avaient une fibrose sévère, celle-ci persistait à moyen terme (5 ans), malgré une perte de poids importante (20 % à 30 % de l’IMC initial), une amélioration des facteurs de risque métaboliques (principalement diabète de type 2) et la résolution de la NASH. Ces patients affichaient une perte de poids plus faible et des taux de rémission de l’hypertension ou du diabète réduits.

Ces résultats montrent donc que, malgré une efficacité établie pour la régression de la NASH, la chirurgie bariatrique est moins efficace pour la régression de la fibrose sévère.

L’âge avancé et la gastrectomie longitudinale (sleeve) étaient des facteurs prédictifs indépendants de persistance de la fibrose avancée, après ajustement pour la durée de suivi.

Au contraire, les facteurs associés à l’absence des lésions hépatiques après la chirurgie étaient : perte de poids plus importante, amélioration de l’insulinorésistance, moindre sévérité initiale des lésions nécro-inflammatoires.

« La perte de poids seule peut ne pas être suffisante pour inverser la fibrose sévère », explique le Dr Raluca Pais, première auteure de l’étude : la régression de la fibrose sévère « nécessite plus de temps et probablement des mécanismes additionnels ».

Laura Martin Agudelo, La Revue du Praticien

Pour en savoir plus :

Inserm. Persistance d’une fibrose hépatique sévère malgré une perte de poids substantielle avec chirurgie bariatrique. 27 janvier 2022.

Pais R, Aron-Wisnewsky J, Bedossa P, et al. Persistence of severe liver fibrosis despite substantial weight loss with bariatric surgery. Hepatology 25 janvier 2022.

À lire aussi :

Nobile C. Entretien avec le Pr Laurent Castera. Que cache la NASH ?Rev Prat (en ligne) 1er juillet 2020.

Canivet CM, Boursier J. NASH : l’activité physique est essentielle.Rev Prat Med Gen 2020;34(1047);656-8.

Genser L, Barrat C, Chiheb S, et al. Chirurgie bariatrique.Rev Prat Med Gen 2019;33(1018);233-40.

*Les indications de la chirurgie bariatrique sont :

Après échec du traitement conventionnel de l’obésité (perte de poids insuffisante ou perte d’excès de poids non maintenue) combinant plusieurs approches thérapeutiques bien conduites au cours des 6-12 derniers mois :

– IMC ≥ 35 kg/m² avec au moins une pathologie liée à l’obésité : HTA, dyslipidémie, diabète de type 2, atteinte ostéo-articulaire invalidante, antécédent de dépression guérie, SAHOS, troubles respiratoires sévères liés à l’obésité, NASH ;

– IMC ≥ 40 kg/m² avec ou sans pathologie associée.