La maladie du « foie gras » ou stéatose non alcoolique est aujourd’hui la maladie hépatique chronique la plus répandue au monde, avec une prévalence en constante augmentation. Si, par définition, l’alcool n’est pas en cause, des chercheurs autrichiens ont révélé que la réalité est plus complexe… Quelles conséquences pour la pratique ?

La NAFLD touche 25 à 30 % de la population mondiale (2 à 3 % au stade avancé de NASH, non-alcoholic steatohepatitis) et jusqu’à 70 % des patients atteints de maladies métaboliques. Due principalement à une surnutrition lipidique et surtout glucidique, associée à une sédentarité dans un contexte dysmétabolique (surpoids, diabète, hypertension artérielle, excès de lipides sanguins), elle traduit un stockage anormal de l’énergie sous forme de lipides, aboutissant à une accumulation anormale de graisse intrahépatique (stéatose) ; toutefois, sa définition repose classiquement sur des critères « négatifs », c’est-à-dire sur l’absence de certains facteurs, notamment la consommation excessive d’alcool. Mais qu’en est-il, en pratique ? La NAFLD est-elle vraiment « non alcoolique » ?

Un tiers des malades NAFLD ont un risque de lésions hépatiques liées à l’alcool

Dans une étude observationnelle prospective récente, conduite en Autriche, la consommation d’alcool a été évaluée chez 184 patients (61,4 % d’hommes ; âge médian : 54 ans ; IMC médian : 30,1 mg/m2), dont 114 avaient à l’inclusion un diagnostic de NAFLD et 70 un diagnostic de maladie du foie liée à l’alcool. Plusieurs tests ont été utilisés, et notamment la détection de l’éthyglucoronide dans les urines et dans les cheveux.

Interrogés sur leur consommation d’alcool, 52,6 % des patients NAFLD ont rapporté une consommation d’alcool légère à modérée (< 20 g d’alcool/j chez les femmes ; < 30 g/j chez les hommes) et 47,4 % ont dit ne pas en consommer. Pour les patients ayant une maladie du foie liée à l’alcool : 18,6 % ont indiqué une consommation d’alcool, tandis que 81,4 % se sont déclarés abstinents au moins pendant les 6 mois précédents.

Cependant, chez 63,2 % des patients NAFLD, les examens ont détecté une consommation d’alcool ; cette proportion grimpait à 82,9 % chez les patients ayant une maladie du foie liée à l’alcool. Les analyses sur les cheveux ont révélé une consommation excessive d’alcool chez 10,5 % des patients NAFLD et une consommation modérée chez 19,3 % d’entre eux pendant les 3 à 6 mois précédents. Si dans la plupart des cas, ces résultats étaient discordants avec les déclarations préalables des patients, ceux-ci ont par la suite admis ces consommations, confrontés aux résultats des tests. Les auteurs soulignent ainsi qu’un tiers des patients diagnostiqués NAFLD avaient tout de même un risque de lésions hépatiques liées à l’alcool, malgré une définition de la pathologie excluant ces dernières.

L’analyse a trouvé que le sexe masculin et un IMC plus bas étaient associés à la consommation d’alcool (les patients dont l’IMC était supérieur à 33,4 kg/m2 avaient un moindre risque de consommation d’alcool répétée, modérée à excessive).

Fondés sur ces résultats, les auteurs recommandent d’intégrer systématiquement des tests de détection de la consommation d’alcool – au-delà des seuls questionnaires – dans le bilan des patients ayant une stéatose hépatique, afin de mieux prendre en charge ces patients.

Vers une redéfinition de la NAFLD ?

Étant donné que plus de 75 % des adultes en Europe et en Amérique du Nord consomment de l’alcool, selon l’OMS – et, en France, 22 % dépassaient en 2021 les repères de consommation à moindre risque, selon le Baromètre de Santé publique France –, la coexistence de facteurs de risque métaboliques et d’une consommation d’alcool ne peut pas être exclue chez un même patient ayant une maladie hépatique. Cela rend difficile, en pratique, la distinction entre une NAFLD et une atteinte hépatique liée à l’alcool, soulignent les auteurs de cette étude.

La pathogenèse de la NAFLD étant multifactorielle et encore insuffisamment comprise, d’autres classifications ont déjà été proposées, par exemple celle de MAFLD (metabolic dysfunction-associated fatty liver disease) : une définition qui repose sur des critères « positifs », à savoir la présence d’une stéatose hépatique associée à des critères tels que l’obésité ou le surpoids, le diabète de type 2 ou des signes de dysrégulation métabolique, indépendamment de l’existence ou non d’une consommation d’alcool (consensus d’experts de 2020).

Pour en savoir plus
Staufer K, Huber-Schönauer U, Strebinger G, et al. Ethyl glucuronide in hair detects a high rate of harmful alcohol consumption in presumed non-alcoholic fatty liver disease.  J Hepatol 2022;77(4):918-30.
À lire aussi :
Martin Agudelo L. Maladie du « foie gras » : la prévention est cruciale.  Rev Prat (en ligne) 2 janvier 2023.
Nobile C. Entretien avec le Pr Laurent Castera. Que cache la NASH ?  Rev Prat (en ligne) 2 juillet 2020.
Pelletier G. Stéatose hépatique non alcoolique : 1 adulte sur 5 ?  Rev Prat Med Gen 2018;32(995):97-8.

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