Il est obèse si son IMC est supérieur à la courbe IOTF 30 (courbe d’un enfant atteignant 30 kg/m2 à 18 ans).1
Cet excès de poids est devenu un problème de santé publique à partir des années 90, en raison de l’augmentation rapide de sa prévalence et de ses complications à moyen terme.
Cependant, sa fréquence s’est stabilisée depuis près de 15 ans : 25 % des Français de moins de 18 ans sont concernés, dont 5 % environ sont obèses.2
à l’origine : un déséquilibre prolongé de la balance énergétique. On observe classiquement une phase dynamique avec franchissement rapide des couloir d’IMC (réelle constitution de la surcharge pondérale), suivie d’une période de stabilité.
Les causes sont multiples,3 même si les facteurs de prédisposition génétiques jouent un rôle majeur : ils déterminent l’IMC des enfants et cela jusqu’à 20 ans, contrairement à ce qui est observé chez les adultes.
Le rôle de la génétique peut être schématisé ainsi :
– dans l’obésité commune, la contribution (cumulative) de plusieurs gènes de susceptibilité (chacun ayant un effet plus ou moins important sur le poids) ne devient significative qu’après interaction avec des facteurs environnementaux favorisant leur expression phénotypique. C’est le type le plus fréquent ;
– dans l’obésité monogénique, rare, une mutation unique survient dans certains gènes de la voie leptine/mélanocortine. Ces formes, souvent très sévères, débutent dans l’enfance.4
Les facteurs environnementaux impliqués sont nombreux : épigénétiques (pré- et post-nataux : tabagisme maternel, diabète gestationnel, etc.) ; sociétaux (mode de vie : densité calorique des repas, disponibilité de la nourriture, sédentarité, manque de sommeil) et psychologiques.
Il est crucial de surveiller la courbe d’IMC par la mesure du poids et de la taille à chaque consultation et de dépister les facteurs de risque d’obésité, notamment les antécédents familiaux chez l’un des deux parents ou un rebond précoce d’IMC (réascension trop rapide de la courbe ; figure) avant 6 ans, voire 3 ans. Un franchissement des couloirs au-delà du 50° percentile est aussi un signe d’alerte. Dans ces cas, des conseils simples de prévention peuvent d’ores et déjà être donnés, comme la pratique régulière d’une activité physique et un contrôle des portions, tout en évitant le grignotage, même si le plus souvent ils ne modifient pas l’évolution naturelle de la maladie.
Quel bilan complémentaire ?
Les endocrinopathies (hypercorticisme, déficit en hormone de croissance, hypothyroïdie) ne sont qu’exceptionnellement révélées par une obésité et s’accompagnent toutes d’un ralentissement de la croissance staturale, alors que celle-ci est le plus souvent accélérée en cas d’obésité commune. Les explorations (bilan thyroïdien, recherche d’un hypercorticisme ou d’un déficit en hormone de croissance) ne sont donc pas indiquées si la croissance staturale n’est pas ralentie.1
Concernant les troubles du métabolisme glucidique, si l’insulinorésistance est fréquente (plus de la moitié des enfants obèses), l’intolérance au glucose (ITG ou « prédiabète », définie par une glycémie à jeun entre 1,1 et 1,6 g/L ou une glycémie entre 1,4 et 2 g/L 120 min après une charge en glucose de 75 g) touche environ 10 % de cette population.5 Le diabète de type 2 est exceptionnel et concerne certaines populations ayant une forte prédisposition génétique (Asiatiques et, à un moindre degré, Africains subsahariens). Les antécédents familiaux au premier degré de diabète de type 2 accroissent le risque.
Ainsi, la recherche systématique d’une ITG et/ou d’un diabète doit être restreinte à ces populations et aux obésités massives. De même, celle d’une insulinorésistance, par le dosage de l’insuline à jeun par exemple, est inutile car elle n’a aucune conséquence immédiate ni prise en charge spécifique, même si elle est impliquée dans la physiopathologie de nombreuses comorbidités.5
Une anomalie du bilan lipidique est retrouvée chez environ 1 enfant obèse sur 5. L’insulinorésistance est à l’origine d’une hypertriglycéridémie et d’une hypo-HDL-cholestérolémie. Une discrète élévation du LDL-cholestérol est observée, probablement en raison de l’augmentation de la synthèse des VLDL. Le bilan lipidique s’impose uniquement si antécédents de dyslipidémie familiale ou obésité massive.5
La fréquence des hépatopathies (Non Alcoholic Fatty Liver Disease, NAFLD) peut atteindre 53 % chez les enfants obèses (vs 2,6 % dans la population générale). Il s’agit d’un large spectre de lésions histologiques (de la stéatose simple à celle associée à des atteintes inflammatoires et cellulaires ou stéatohépatite), à l’origine de fibrose, voire de cirrhose dans de rares cas.5 Certaines populations sont particulièrement exposées en raison d’une prédisposition génétique : Hispaniques non cubains, asiatiques en particulier d’origine chinoise, Amérindiens (Amérique du Sud et du Nord). En revanche, les Afro-Américains sont peu concernés. Autres facteurs de risque : insulinorésistance, sexe masculin et stade pubertaire avancé.
Ainsi, le dosage systématique des transaminases est réservé aux enfants à risque (obésité massive, prédisposition génétique, antécédents familiaux) dans la mesure où il n’y a pas de thérapeutique spécifique en dehors de la perte de poids.5
Il faut évoquer une cause génétique s’intégrant dans un syndrome (Prader-Willi, 1 naissance sur 20 000, Laurence-Moon-Biedl, etc.) ou une obésité monogénique en cas de : consanguinité parentale, obésité morbide évoluant depuis la naissance, absence de rebond d’adiposité, faim insatiable, anomalies endocriniennes associées chez l’enfant plus âgé ou encore retard des acquisitions, dysmorphie pour les obésités syndromiques.1, 4
D’autres complications sont à rechercher systématiquement à l’interrogatoire et nécessitent parfois des examens ciblés (asthme, apnées du sommeil, épiphysiolyse de hanche, etc).1, 5
FIXER DES OBJECTIFS ATTEIGNABLeS
Le soutien psychologique a une véritable action thérapeutique et constitue même parfois le pilier de la prise en charge. Il doit à la fois stimuler la motivation de l’enfant et l’aider à maîtriser les sentiments de frustration qu’entraînent les modifications de comportement préconisées. Les encouragements continus, les compliments soutenus et la mise en valeur des résultats positifs sont primordiaux. La stigmatisation des risques somatiques potentiels liés à l’obésité est contre-productive car elle peut accroître l’angoisse de la famille et n’est jamais source de motivation chez l’enfant.1
Les objectifs thérapeutiques doivent être raisonnables. Le premier niveau est d’obtenir une stabilisation de l’excès pondéral, c’est-à-dire le maintien d’une courbe d’IMC parallèle à celle du 97e percentile. Le second est de parvenir à une réduction du poids, se traduisant par un IMC qui se rapproche du 97e percentile. La disparition totale de la surcharge pondérale n’est pas à atteindre à tout prix. Pour la majorité des patients, il faut viser une stabilisation ou réduction, même si cela peut paraître insuffisant pour la famille. Une fois l’objectif atteint, il faut le valoriser, expliquer qu’il s’agit d’un véritable succès thérapeutique, et assurer sa pérennisation.1
Aucun médicament n’a pour l’instant d’AMM chez les moins de 15 ans en France. Dans les cas rares d’obésité monogénique (mutation sur la voie leptine/mélanocortines), un agoniste de MC4R est en cours d’évaluation.6
Les centres de moyen séjourpour enfants obèses sont proposés en cas de forme morbide résistante aux mesures habituelles ou lorsqu’une rupture avec le milieu familial semble nécessaire. Les durées varient de quelques semaines à une année scolaire complète ; dans la quasi-totalité des cas, un amaigrissement est obtenu. Cependant, la reprise pondérale après le retour dans le milieu familial est inéluctable, entraînant un « yo-yo » du poids dont on connaît les effets délétères chez l’adulte. De plus, des conduites déviantes de type psychopathique ont été observées après amaigrissement massif et contraint chez les adolescents ayant une personnalité névrotique ou une déficience intellectuelle. Une évaluation psychologique préalable est donc indispensable.
Plusieurs centres existent en France, répartis sur tout le territoire. Les séjours, remboursés, peuvent être prescrits par les médecins généralistes.
La chirurgie bariatrique a démontré son efficacité à long terme chez l’adulte. Chez l’adolescent, on est plus prudent, même si elle améliore nettement l’excès de poids et ses complications. Selon la HAS (recos 2016), elle peut se discuter en cas de : IMC > 40 kg/m2 avec ou sans comorbidités associées et après échec des prises en charge classiques, ou IMC > 35 kg/m2 avec une ou plusieurs comorbidités potentiellement sévères à court terme. Elle doit être réalisée dans des centres spécialisés à compétence pédiatrique.
Chez l’adolescent, l’obésité entraîne presque toujours des conséquences psychosociales liées au regard des autres. La chirurgie pour les adiposogynécomasties, les tabliers abdominaux et les verges enfouies, envisageable dans les centres spécialisés, est à discuter au cas par cas.7
2. Quels conseils diététiques ?
• Ils doivent être réalistes, pragmatiques, progressifs, et surtout individualisés en tenant compte des goûts de l’enfant et des habitudes culinaires de la famille. Ils visent une réduction progressive des apports caloriques quotidiens.
• Dans un premier temps : diminution des aliments à forte densité énergétique (produits gras ++), des boissons sucrées (si consommées en excès), limitation du grignotage.
• Ensuite, une réduction de plus en plus importante des quantités ingérées est nécessaire pour poursuivre la diminution de l’apport calorique quotidien et l’amaigrissement. Un régime hypocalorique raisonnable peut être prescrit chez l’adolescent qui le souhaite, sous contrôle d’une diététicienne. N’interdire aucun aliment ni boisson.
• Il faut apprendre à l’enfant que les volumes ingérés d’un aliment doivent être d’autant plus faibles que sa densité énergétique est importante.
• Respecter les habitudes en matière de répartition des repas. Il est inutile d’imposer un petit déjeuner à un adolescent qui n’a pas l’habitude d’en prendre ; il n’a jamais été démontré que son absence hypothéquait les chances de succès thérapeutique !
3. Prescrire l’activité physique
• – son accroissement augmente la dépense énergétique quotidienne et offre à l’enfant un autre centre d’intérêt que la nourriture ; – les efforts d’intensité modérée mais prolongés sont ceux qui induisent la plus forte oxydation lipidique ; – les difficultés des obèses à se mouvoir en public sont un vrai frein à prendre en compte. • Principaux conseils :– encourager la marche, en s’appuyant sur des activités quotidiennes inévitables (trajet vers le collège, le lycée ou promenade du chien), afin d’assurer une compliance correcte ; – favoriser les activités physiques de loisir ainsi que la pratique d’un sport régulier au moins une à deux fois par semaine ; – pas de sport idéal à recommander, l’important est que le jeune le choisisse lui-même ;– réduire les loisirs sédentaires en les remplaçant par une autre activité ; une interdiction abrupte est souvent inefficace et propice au grignotage ;– l’activité physique/sportive n’induit une perte de poids que si elle est associée aux mesures diététiques.
2. Ng M, Fleming T, Robinson M, et al. Global, regional, and national prevalence of overweight and obesity in children and adults during 1980-2013: a systematic analysis for the Global Burden of Disease Study 2013. Lancet 2014 ; 384:766-81.
3.Tounian P. Programming towards childhood obesity. Ann Nutr Metab 2011; 58(suppl2):30-41.
4. Huvenne H, Dubern B, Clément K, Poitou C. Rare genetic forms of obesity: clinical approach and current treatments in 2016. Obes Facts 2016;9:158-73.
5. Dubern B, Tounian P. Complications somatiques de l’obésité. In: Basdevant A. et al., eds. Traité médecine et chirurgie de l’obésité. Paris: Lavoisier Médecine-Sciences; 2011: 316-22.
6. Kühnen P, Clément K, Wiegand S, et al. Proopiomelanocortin deficiency treated with a melanocortin-4 receptor agonist. N Engl J Med 2016;375: 240-6.
7. Dubern B, Tounian P. Chirurgie bariatrique et esthétique de l’adolescent obèse : une thérapeutique alternative. Arch Pediatr 2014;21:639-45.
– www.mangerbouger.fr – www.repop.fr
– PNNS. Activité physique et obésité de l’enfant. Bases pour une prescription adaptée. https://bit.ly/2p7ozhD
– HAS. Définitions des critères de réalisation des interventions de chirurgie bariatrique chez les moins de 18 ans. Mars 2016. https://bit.ly/2OlHUqi