En dehors du traitement causal de la maladie rénale, les facteurs de progression sont modifiables, et des mesures de néphroprotection doivent être mises en place précocement pour ralentir sa progression. Une fiche pour la pratique.

Contrôler la PA et la protéinurie

Les inhibiteurs du système rénine-angiotensine (SRA) sont toujours recommandés en première intention (IEC ou sartans en cas d’intolérance), en association à une restriction sodée (6 g de sel/j). Certaines règles de prescription des bloqueurs du SRA doivent être respectées (tableau) ; ils permettent de faire baisser la pression artérielle (PA) et la protéinurie, avec les objectifs suivants :

  • pression artérielle cible :

– PA < 130/80 mmHg si albuminurie ≥ 30 mg/g de créatininurie ;

– PA < 140/90 mmHg si albuminurie < 30 mg/g de créatininurie ;

– PA systolique > 110 mmHg dans tous les cas.

Certaines études récentes suggèrent des cibles tensionnelles plus strictes, avec un objectif de PA systolique < à 120 mmHg quelle que soit l’albuminurie. Cependant, le niveau de preuve sur le ralentissement de la progression de la maladie rénale chronique (MRC) est faible et le risque iatrogène élevé (hypokaliémie, dysnatrémie, insuffisance rénale aiguë, hypotension orthostatique…) ;

  • protéinurie cible < 0,5 g/g, à dose thérapeutique maximale tolérée.

Si les cibles thérapeutiques ne sont pas atteintes, et après vérification de la bonne observance du traitement et de la restriction sodée, un diurétique thiazidique (si le débit de filtration glomérulaire [DFG] > 30 mL/min/1,73 m²) ou de l’anse (si DFG ≤ 30 mL/min/1,73 m²) peut être ajouté. Si la cible de PA n’est pas atteinte avec ces mesures, il faut associer une autre classe thérapeutique (bêtabloquant ou inhibiteur calcique) et demander un avis spécialisé.

Prévenir la néphrotoxicité

Certains facteurs d’aggravation aiguë doivent être anticipés et prévenus : risque de déshydratation (diarrhée, fièvre, canicule) chez les patients sous inhibiteurs du SRA ou diurétiques (arrêt des premiers lors d’épisodes de gastroentérite). Éviter les néphrotoxiques est capital : adapter la posologie de certains médicaments à la fonction rénale, éviter l’injection de produits de contraste iodés (peser l’indication en fonction du DFG, hydratation), proscrire les AINS.

Limiter l’apport protidique

Une restriction protéique modérée (0,8 à 1 g/kg/j) permet de ralentir la progression de l’insuffisance rénale chronique chez les patients dont le DFG est < à 60 mL/min/1,73 m2.

Contrôler le diabète

Les cibles d’hémoglobine glyquée (HbA1c) sont adaptées au profil du patient. En cas de diabète récent non compliqué, elle doit être < 6,5 %. Chez les patients atteints de MRC, le taux cible dépend du stade de gravité de la maladie : 7 % en cas de MRC au stade 3 et 8 % en cas de MRC au stade 4 ou 5 ou en cas de complications macrovasculaires documentées. Les antidiabétiques oraux doivent être adaptés au DFG.

Contrôler les facteurs de risque cardiovasculaires

Le taux de LDL-cholestérol est à surveiller, le sevrage tabagique maintenu, la perte de poids encouragée lorsque l’IMC est > à 25 kg/m2.

Corriger l’acidose métabolique

Le taux de bicarbonate sérique doit être > 22 mmol/L. Dans cet objectif, il est possible de favoriser la consommation d’eaux riches en bicarbonate (Salvetat, eau de Vichy) ou de supplémenter le patient par gélules de bicarbonate de sodium.

Inhibiteurs du SGLT2 : une avancée majeure ?

Les inhibiteurs du cotransporteur sodium-glucose de type 2 (iSGLT2) – dapagliflozine empagliflozine et canagliflozine – sont une nouvelle classe d’antidiabétiques oraux qui induisent une glycosurie en inhibant la réabsorption du glucose et du sodium au niveau du tube contourné proximal.

Ils ont une action hypoglycémiante, réduisent la pression artérielle et ont un effet néphroprotecteur et cardioprotecteur (réduction du risque d’insuffisance rénale chronique terminale d’environ 40 % et du risque d’hospitalisation pour insuffisance cardiaque d’environ 30 %). Cet effet néphroprotecteur s’ajoute à ceux des bloqueurs du SRA chez les patients ayant une MRC avec un DFG compris entre 75 et 25 mL/min/1,73 m2, qu’ils soient diabétiques de type 2 ou non et ayant une albuminurie comprise entre 200 et 5 000 mg/g. Les iSGLT2 réduisent également l’uricémie et favorisent la perte de poids.

Ces molécules prennent donc une place importante dans l’arsenal thérapeutique des patients avec une MRC, aux côtés des inhibiteurs du SRA, pour leur balance bénéfice/risque très favorable. Initialement destinés à la prescription hospitalière, les iSGTL2 peuvent désormais être prescrits par tout médecin. Aujourd’hui, seule la dapagliflozine a une indication dans la MRC de l’adulte indépendamment du diabète.

D’après
Marchal A, Boffa JJ. Insuffisance rénale chronique.  Rev Prat Med Gen 2022;36(1066);178-82.
À lire aussi :
Isnard-Bagnis C, Peiffer Smadjia N. Néphroprotection : quels objectifs ?  Rev Prat Med Gen 2015;29(951):803-5.

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