De nombreuses manifestations neurologiques périphériques ou centrales ont été décrites au cours de la maladie de Lyme. Elles sont habituellement classées en fonction de leur délai d’apparition par rapport à la piqûre de tique : précoces (survenant dans les semaines suivant la morsure) ou tardives (après 6 mois).
Elles sont la conséquence d’un tropisme particulier de Borrelia burgdorferi (BB) pour le système nerveux.
Les plus fréquentes sont les méningoradiculites, qui incluent les atteintes des nerfs crâniens et les méningites. Les formes tardives sont plus insidieuses, mais leur diagnostic précoce permet une prise en charge adaptée et efficace. L’existence des syndromes « post-Lyme » est controversée.

Atteintes précoces

Les méningoradiculites représentent plus des deux tiers de l’ensemble des neuroborrélioses. Leur délai d’apparition après la piqûre de tique varie entre 3 semaines et plus de 3 mois. Dans la majorité des cas, le territoire douloureux inclut la zone de l’érythème migrant, mais ce dernier et/ou la piqûre de tique initiale passent souvent inaperçus.
Le signe révélateur est une douleur de topographie radiculaire, en général sévère (à type de brûlure, morsure, arrachement ou paresthésies douloureuses), se majorant pendant la nuit, résistant aux antalgiques usuels. Les réflexes ostéotendineux (ROT) sont abolis (de façon inconstante) ou diminués dans le territoire atteint. Dans 70 % des cas, il existe un déficit moteur radiculaire et parfois une hypoesthésie objective.
L’absence de syndrome rachidien (douleurs rachidiennes) et la résistance aux antalgiques font évoquer le diagnostic, en particulier en région d’endémie, même si la notion de piqûre de tique n’est pas retrouvée. Seule une antibiothérapie spécifique (cf. infra) fait diminuer rapidement la douleur, souvent en moins de 48 heures.
L’atteinte d’un nerf crânien peut révéler une méningoradiculite, notamment une paralysie faciale périphérique uni- ou bilatérale. La neuroborréliose est d’ailleurs la cause la plus fréquente de paralysie faciale périphérique chez l’enfant. Les nerfs trijumeau (V), moteur oculaire externe (VI), I, II (rares neuropathies optiques), VIII et IX peuvent être également touchés. Dans ces cas, l’IRM montre parfois une prise de contraste des nerfs crâniens ou spinaux, mais ces anomalies ne sont pas nécessaires au diagnostic.
Des atteintes nerveuses périphériques évoquant une polyradiculonévrite ou une autre polyneuropathie subaiguë peuvent être révélatrices.
Les méningites aiguës isolées sont rares. Les céphalées sont dans la majorité des cas peu sévères. Le syndrome méningé, s’il existe, est discret, la fièvre inconstante.
Les myélites (4 à 5 % des cas) se traduisent par des signes pyramidaux ou sensitifs profonds, parfois associés à des troubles sphinctériens. à l’IRM médullaire, on voit un hypersignal, cervical ou thoracique, en général étendu sur plus de 3 métamères, ou parfois une prise de contraste leptoméningée isolée.
La sémiologie des encéphalites (de 0,5 à 8 %) est très polymorphe : troubles cognitifs (mnésiques, désorientation temporo-spatiale), du sommeil, signes focaux (ataxie cérébelleuse, hémiparésie), épilepsie, plus rarement troubles de la conscience. L’EEG est pathologique mais aspécifique. à l’IRM cérébrale, on peut noter sur les séquences T2 des hypersignaux des lobes temporaux ou du tronc cérébral.
Dans toutes ces manifestations aiguës ou subaiguës, l’étude du liquide céphalorachidien est indispensable au diagnostic : la méningite est lymphocytaire (jusqu’à 200 éléments), l’hyperprotéinorachie variable (de 0,9 g/L à plusieurs grammes), des bandes oligoclonales en IgG sont visibles chez 70 % des patients et dans la majorité des cas l’index de synthèse intrathécale d’IgG anti-BB est positif (cf. infra).
Il n’y a pas d’hypoglycorachie.

Manifestations tardives

Plus rares, elles ne se développent qu’en l’absence de traitement antibiotique initial : méningites, encéphalites ou encéphalomyélites chroniques, vascularites, polyneuropathies axonales. Elles apparaissent au-delà de 6 mois après la piqûre de tique.
Le mode d’installation subaigu, le terrain, la région d’endémie, des anomalies à l’IRM localisées à la substance blanche, cérébrales ou médullaires, bien qu’inconstantes et aspécifiques, orientent le diagnostic, qui n’est confirmé que par l’analyse du LCR. La réaction lymphocytaire est parfois absente mais on retrouve une synthèse intrathécale d’IgG anti-BB.
Les encéphalites ou encéphalomyélites chroniques associent de manière variable des signes pyramidaux, ataxiques, cognitifs, des mouvements anormaux, voire des troubles psychiatriques d’installation progressive. Les formes cognitives pures se manifestent par des tableaux de démence rapidement évolutive.
Les atteintes cérébrovasculaires sont exceptionnelles, mais des AVC ischémiques, notamment dans le territoire vertébro-basilaire ou dans les régions sous-corticales, parfois récurrents, sont possibles. Il faut évoquer cette étiologie devant des céphalées inhabituelles et rebelles, en l’absence de facteur de risque vasculaire. L’angio-IRM artérielle cérébrale est normale ou montre des sténoses focales ou diffuses et, en cas d’injection de gadolinium, un rehaussement méningé évocateur ou un hypersignal de la paroi artérielle témoignant d’une vascularite.
Les polyneuropathies sensitives axonales sont le plus souvent associées à l’acrodermatite chronique atrophiante, complication dermatologique tardive de la maladie, plus fréquente chez le sujet âgé. Il s’agit d’une polyneuropathie sensitive, symétrique, longueur dépendante (atteinte en chaussette ou en gant) révélée par des dysesthésies et des douleurs distales, une diminution de la pallesthésie (sensibilité vibratoire) et des ROT des membres inférieurs. La synthèse intra- thécale d’IgG étant inconstante, il est important d’exclure toute autre cause de polyneuropathie avant de retenir le diagnostic. Des myosites focales ou géné- ralisées ont également été décrites.
Certains patients rapportent des symptômes subjectifs (fatigue, douleurs musculaires, troubles de la mémoire ou de la concentration) sans aucune anomalie à l’examen neurologique. Une sérologie BB positive et l’absence de traitement antibiotique antérieur font évoquer la possibilité de signes tardifs de la maladie de Lyme, pouvant justifier un traitement d’épreuve.

Syndrome post-Lyme

La réalité de ce syndrome, chez des patients qui ont eu une antibiothérapie adaptée, est discutée.
Les sujets décrivent des symptômes subjectifs et aspécifiques (fatigue ou fatigabilité, douleurs musculaires ou articulaires, troubles de la concentration). Examens neurologique et complémentaires sont normaux, en dehors d’une sérologie de Lyme positive ne témoignant que des antécédents d’infection.
Actuellement, il n’y a pas d’argument pour penser qu’il peut persister des souches de Borrelia active chez des patients correctement traités. Un mécanisme dysimmunitaire a été évoqué, mais ni la prise d’une nouvelle cure d’antibiotiques ni l’administration de corticoïdes n’ont permis d’améliorer le tableau clinique. Il faut cependant rappeler qu’il n’y a pas d’immunité anti-BB et que des réinfections sont possibles.

Comment faire le diagnostic ?

Les tests sérologiques doivent être interprétés avec précaution, en tenant compte des signes cliniques et de l’incidence de la maladie dans chaque région. Ainsi, leur positivité n’est pas suffisante pour confirmer le diagnostic.
Les méthodes de dépistage (immuno- fluorescence indirecte) ont une sensibilité allant de 75 à 95 % selon le test utilisé et le stade de la maladie. La synthèse d’IgG est détectable 1 à 3 mois après le début des symptômes et peut persister pendant des années, même après la guérison. Dans les formes neurologiques, il faut associer une sérologie sur le LCR et la recherche d’une synthèse intrathécale d’anticorps spécifiques anti-BB, qui est la méthode biologique la plus sensible (75 %). Cette dernière est positive si l’index* est supérieur à 2.
Les critères diagnostiques de neuroborréliose sont au nombre de 3 :
– symptômes neurologiques évocateurs sans autre cause évidente ;
– pléiocytose dans le LCR ;
– synthèse intrathécale d’anticorps anti-BB.
Si la triade est réunie, le diagnostic est certain ; si deux éléments sont présents, il est possible.
À noter que chez l’enfant, une paralysie faciale périphérique, associée à une sérologie sanguine de Lyme positive, justifie un traitement spécifique même en l’absence d’étude du liquide céphalorachidien (seule exception).

Prise en charge

Les antibiotiques doivent avoir une bonne diffusion à travers la barrière hémato- méningée.
La ceftriaxone est administrée à forte posologie (2 g/j) – en IV, IM ou SC – pendant 21 à 28 jours en 1 seule injection quotidienne (demi-vie longue). Alternative : doxycycline à raison de 200 mg/j durant 3 semaines.
En cas de paralysie faciale périphérique isolée et selon les recommandations internationales : amoxicilline per os 3 g/j chez l’adulte ou 50 mg/kg/j chez l’enfant pendant 2 semaines.
* Ratio (titre IgG spécifiques dans le LCR/ titre IgG spécifiques sériques/(titre IgG totales dans le LCR/titre IgG sériques totales).
Pour en savoir plus
Pachner AR, Steiner I. Lyme neuroborreliosis: infection, immunity, and inflammation. Lancet Neurol 2007; 6:544-52.
Blanc F, Jaulhac B, Hansmann Y , Dietemann JL, Tranchant C. Borréliose de Lyme et neuroborréliose. EMC (Elsevier Masson Paris). Neurologie 2014 [17-051-B-40].
Halperin JJ. Neuroborreliosis. J Neurol 2017;264: 1292-7.
Mygland A, Ljøstad U, Fingerle V, Rupprecht T, Schmutzhard E, Steiner I; European Federation of Neurological Societies. EFNS guidelines on the diagnosis and management of European Lyme neuroborreliosis. Eur J Neurol 2010;17:8-16.
Pfister HW, Rupprecht TA. Clinical aspects of neuroborreliosis and post-Lyme disease syndrome in adult patients. Int J Med Microbiol 2006;296(Suppl 40):11-6.

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essentiel

Les manifestations tardives de la maladie de Lyme ne se développent qu’en l’absence d’antibiothérapie initiale.

L’étude du liquide céphalorachidien est indispensable au diagnostic de neuroborréliose.

La sérologie reste positive même après traitement adapté.