Épiphare vient de publier un rapport sur la campagne d’immunisation contre la bronchiolite à VRS de la saison 2023 - 2024. Les données révèlent que le médicament a été sous-utilisé en ville (13 % des enfants éligibles) – les livraisons en ville ayant été interrompues en raison d’une demande dépassant l’offre – et qu’il y a eu d’importantes inégalités socio-économiques dans l’immunisation.

Durant l’hiver 2023 - 2024, la France a déployé une campagne d’immunisation des nourrissons contre la bronchiolite à virus respiratoire syncitial (VRS) avec le nirsévimab (Beyfortus), anticorps monoclonal qui venait d’être approuvé.

Il était indiqué chez tous les nourrissons dans leur première saison d’exposition au VRS (enfants nés depuis le 6 février 2023). L’injection était réalisée soit à la naissance en maternité, pour les enfants nés entre le 15 septembre 2023 et la fin de la circulation épidémique du VRS, soit en ville (cabinets de médecine générale, de pédiatrie, PMI, centres de santé…) pendant la période épidémique, pour les enfants âgés de moins d’un an et non vaccinés en maternité.

Le produit a été mis à disposition dans les maternités et en ville le 15 septembre 2023, mais en raison d’une demande plus importante qu’anticipé, les prescriptions en ville ont rapidement été restreintes à la dose de 100 mg (celles de 50 mg étant réservées aux maternités), puis interrompues fin septembre. La majorité des enfants ont ainsi reçu l’injection à l’hôpital.

Épiphare vient de publier un rapport décrivant l’utilisation du nirsévimab en ville entre le 15 septembre 2023 et le 31 janvier 2024, grâce aux données du Système national des données de santé (SNDS). Le rapport ne présente pas les données hospitalières, car la remontée de ces données dans le SNDS n’est pas exhaustive.

Plus de 42 000 nourrissons immunisés

Entre le 15 septembre 2023 et le 31 janvier 2024, 42 290 enfants nés entre le 6 février et le 15 septembre 2023 ont reçu le nirsévimab en ville, soit 12,8 % des 330 381 enfants nés sur cette période. L’âge moyen à la dispensation était de 5 mois.

C’est entre mi-septembre et mi-octobre que le nombre de doses dispensées a été le plus élevé, suivi d’une forte diminution jusqu’au début du mois de décembre, puis d’une légère ré-augmentation (figure). La dose de 100 mg était quasi-exclusivement dispensée (98,2 %).

La distribution régionale était assez comparable (≈ 13 %) sauf pour la Bourgogne-Franche-Comté et l’Occitanie qui avaient des taux plus bas (respectivement 7,9 % et 10,6 %) et la Corse qui avait un taux plus élevé (17 %).

Les enfants nés entre mai et juillet 2023 sont ceux qui ont reçu le plus le nirsévimab par rapport à ceux nés un peu plus tôt dans l’année.

Une disparité entre les sexes a été constatée : il y a eu plus de garçons immunisés que de filles (52,6 % vs 47,4 %).

D’importantes inégalités socio-économiques

Bien que le nirsévimab ait été remboursé, les données montrent que les enfants issus de foyers économiquement défavorisés sont ceux qui ont le moins bénéficié du traitement : en effet, les enfants n’ayant pas reçu le nirsévimab étaient plus souvent issus de foyers bénéficiant de la complémentaire santé solidaire (25,8 % vs 10,7 %), avaient plus recours à des consultations auprès de services de PMI (9,1 % vs 5,8 %), étaient plus souvent nés dans des établissements publics (73,8 % vs 65,4 %) et étaient plus souvent issus de communes plus défavorisées (21,0 % vs 12,7 %).

Ces résultats doivent exhorter les autorités à mettre en place des efforts pour réduire les disparités sociales lors des prochaines campagnes de prévention contre la bronchiolite à VRS, soulignent les auteurs du rapport.

Les données d’efficacité ne sont pas encore publiées

Le rapport ne renseigne pas sur l’efficacité « en vie réelle » de cette campagne d’immunisation.

Des données préliminaires évoquées par Santé publique France sur près de 250 000 enfants immunisés dans les maternités suggèrent une efficacité située entre 70 à 80 %, mais les chiffres officiels n’ont pas encore été publiés. Ce chiffre est proche de ceux constatés dans les essais randomisés (efficacité de 75 % contre l’infection symptomatique dans l’essai Melody et de 83 % contre l’hospitalisation dans l’essai Harmonie).

Aux États-Unis, où une campagne d’immunisation avec le nirsévimab a aussi été mise en place selon des modalités similaires, la surveillance épidémiologique a estimé son efficacité à 90 % contre l’hospitalisation pour bronchiolite à VRS. Les données, concernant la campagne d’immunisation et la saison de VRS dans ce pays (entre le 1er octobre 2023 et le 29 février 2024), provenaient de 4 villes ayant participé à la surveillance : Houston, Nashville, Pittsburgh et Seattle.

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