Chaque nouveau-né bénéficie du programme national de dépistage néonatal entre 48 et 72 heures de vie. Les centres régionaux de dépistage néonatal rendent rapidement les résultats si ceux-ci sont au-delà d’un seuil défini, afin de permettre à l’enfant et sa famille d’être reçus dans un service pédiatrique spécialisé. Le nombre de maladies dépistées a été porté de sept à quatorze (dont la surdité) depuis janvier 2023.
En 1972, l’Association française pour le dépistage et la prévention des handicaps de l’enfant (AFDPHE), association de loi 1901, est chargée par le ministère de la Santé et l’Assurance maladie d’organiser, de coordonner et de suivre le dépistage néonatal (DNN) sur tout le territoire national. Cela a contribué à unifier des initiatives régionales de dépistage d’une maladie génétique rare, la phénylcétonurie, responsable de déficits cognitifs sévères et pour laquelle un marqueur biochimique, la phénylalanine, avait été découvert.1 Dès 1952, un traitement a permis de réduire les conséquences de cette maladie et, rapidement, les premiers cas de fratries diagnostiquées et traitées depuis la naissance ne développaient pas de symptôme. En 1959, Robert Guthrie a inventé un test facilement utilisable à grande échelle à partir d’une simple goutte de sang déposée sur un papier buvard, ouvrant la voie au DNN systématique dans le monde.2
Au dépistage de la phénylcétonurie (prévalence environ 1/16 000 naissances), l’AFDPHE a ajouté, en 1978, celui de l’hypothyroïdie congénitale puis, en 1995, celui de l’hyperplasie congénitale des surrénales et, en population à risque, celui de la drépanocytose puis, en 2002, celui de la mucoviscidose et, finalement, en 2014, un dépistage non biologique, celui de la surdité.
En 2018, le ministère en charge de la Santé a décidé l’intégration du DNN recourant à des examens de biologie médicale au sein du système public hospitalier sous forme de centres régionaux de dépistage néonatal (CRDN) avec une coordination nationale réalisée par le Centre national de coordination du dépistage néonatal (CNCDN). En décembre 2020, le programme de DNN a été étendu au dépistage du déficit d’une enzyme appelée déshydrogénase des acides gras à chaîne moyenne (MCAD). Enfin, en janvier 2023, le dépistage de sept nouvelles maladies métaboliques a été ajouté.
Chaque année, plus de 1 000 nouveau-nés sont pris en charge et traités en France grâce au DNN appliqué à l’ensemble des naissances sur les territoires de la France, ce qui représente, en 2022, environ 732 000 naissances.

Organisation rodée du dépistage néonatal en France

Test de « Guthrie » au troisième jour de vie du nouveau-né

Le prélèvement pour le DNN en France, est réalisé entre 48 et 72 heures de vie, par un professionnel de santé, à partir d’une ponction veineuse à la main ou en capillaire au talon : 6 gouttes de sang sont ainsi déposées sur un papier buvard, précisant également le contexte de naissance, le résultat du dépistage de la surdité, et le consentement parental à l’éventuelle réalisation d’un test génétique pour le dépistage de la mucoviscidose (fig. 1). Ce buvard est envoyé dans les plus brefs délais au CRDN du territoire concerné.
Le DNN impliquant un acte médical sur un nouveau-né ne présentant aucun symptôme, sa réalisation demande l’assentiment des parents, qui sont donc libres de refuser. Cependant, l’intérêt pour l’enfant, si celui-ci est malade, est évident, et les professionnels de santé ont un devoir d’information, idéalement en amont de l’accouchement ; pour cela, ils peuvent s’appuyer sur différents supports.
Depuis 2008, le DNN est inscrit au code de la santé publique, et les professionnels de santé ont l’obligation de le présenter aux familles (décret du 4 avril 2008 et arrêté du 22 janvier 2010).
Un dépliant d’information « Le dépistage dès la naissance, c’est important » est remis aux parents à la maternité (fig. 2). Le programme de DNN comprenant désormais, outre la surdité, treize maladies – et bientôt plus –, ce dépliant explique les principes généraux de ce programme, et permet, via un QR code, d’accéder à des informations brèves et essentielles sur chaque pathologie du programme.3
Afin d’aider les professionnels de santé à aborder ce sujet avec les parents et répondre à leurs éventuelles questions, la Haute Autorité de santé (HAS) a émis des documents de formation.4
Les CRDN et leur centre de coordination, le CNCDN, effectuent également des actions de formation à destination du grand public et des professionnels de santé.5 Cette coordination est essentielle pour homogénéiser les pratiques sur tout le territoire français et éviter les pertes de chance pour le nouveau-né.
Si malgré toutes ces informations, les parents ne souhaitent pas que leur enfant bénéficie du DNN, ils doivent remplir un formulaire de refus (arrêté du 1er février 2019).

Vérifications au centre régional de dépistage néonatal

Le buvard est acheminé au CRDN par voie postale (prélèvement non soumis à la réglementation sur le transport des substances dangereuses). Le CRDN réceptionne le buvard, contrôle la présence des informations obligatoires pour le bon déroulement du DNN (date de naissance, date de prélèvement, âge gestationnel à la naissance…), puis l’enregistre dans un logiciel spécifique avant le transfert de la partie prélèvement au(x) laboratoire(s) de biologie médicale en charge des examens. Très régulièrement, le CRDN contrôle l’exhaustivité des prélèvements reçus par rapport aux listes de naissances des maternités ; ce travail a été essentiel au cours de la pandémie de Covid-19, période pendant laquelle les femmes ne restaient pas plus de 48 heures à la maternité (prélèvement non réalisé), certains bureaux de poste étaient fermés (buvards bloqués), etc.
Les examens biologiques mis en œuvre reposent sur des méthodes d’immunoflurorescence (thyréostimuline [TSH], 17-hydroxyprogestérone et trypsine immunoréactive), des méthodes séparatives de type électrophorèse capillaire, chromatographie liquide ou spectrométrie de masse MALDI-TOF (Matrix-Assisted Laser Desorption Ionization/Time-of-Flight) pour l’étude de l’hémoglobine et des méthodes de spectrométrie de masse en tandem (MS/MS) pour les maladies du métabolisme. Pour le DNN de la mucoviscidose, la recherche de vingt-neuf variations fréquentes du gène CFTR est réalisée par une technique moléculaire d’amplification spécifique d’allèles, en cas d’hypertrypsinémie et si le consentement des parents est bien signé sur le buvard.
Pour chaque paramètre, un premier dosage au-dessus d’un seuil d’alerte est vérifié en double sur d’autres poinçons du prélèvement. Si le résultat de la moyenne de ce doublet est supérieur à un seuil d’action défini nationalement, l’enfant est considéré comme « suspect », et le CRDN avertit le médecin de l’équipe hospitalière référente pour la maladie donnée ; ce dernier contacte les parents par téléphone afin d’organiser rapidement une première consultation. Le CRDN s’assure de cette prise en charge et archive la fiche diagnostique du cas suspect au DNN en vue du bilan annuel transmis au CNCDN.

Accompagnement de la famille par le pédiatre hospitalier référent

Le pédiatre du service hospitalier qui accueille l’enfant suspect et sa famille appartient souvent à un des centres de référence ou de compétence maladies rares, eux-mêmes coordonnés par une filière santé maladies rares. À l’arrivée dans le service clinique d’aval, le pédiatre reçoit les parents pour leur expliquer la maladie suspectée et le processus diagnostique en cours. Des examens biologiques sont réalisés rapidement afin de confirmer la maladie, ou de l’écarter. En effet, un résultat positif au test de dépistage ne signifie pas nécessairement que l’enfant est malade. La majorité des enfants convoqués sont ainsi déclarés « faux positifs » (sains) à l’issue de la démarche diag­nostique menée par le pédiatre hospitalier.

Organisation nationale transversale

En 2018, l’AFDPHE, association loi 1901, a passé le relais au CNCDN. Celui-ci coordonne les CRDN et mène des actions d’information pour le grand public. Il est responsable du bon déroulement des programmes en cours. Deux commissions assistent le CNCDN : la commission de biologie (en charge de la définition des seuils d’action, du suivi des paramètres biologiques, de l’évaluation des nouveaux automates…) et la commission épidémiologie (en charge notamment de l’évaluation du programme DNN). Le CNCDN interagit avec les institutions publiques, les sociétés savantes et les filières santé maladies rares. Chaque année, il réalise un rapport synthétisant les principaux indicateurs de suivi du programme de DNN. Enfin, au niveau du ministère en charge de la Santé, un comité national de pilotage définit la politique générale du DNN en étudiant notamment les recommandations que peut émettre la Haute Autorité de santé (HAS) dans ce domaine.

Historique de l’extension des dépistages

Le Plan national maladies rares (PNMR) de 2018 a replacé le DNN comme une priorité nationale et conforté la HAS comme moteur de propositions. En France, le DNN est national, et l’ambition était bien de mettre ce programme à la hauteur des autres programmes européens en matière de nombre de maladies dépistées, mais aussi en prospectant de nouveaux dépistages innovants tout en respectant les critères de Wilson et Jungner.6

Dépistage du déficit en MCAD

La première étape a été l’extension du DNN au déficit en MCAD, recommandée par la HAS en 2011, et qui a finalement été mise en œuvre à partir du 1er décembre 2020, grâce à cette nouvelle organisation nationale et à l’acquisition de MS/MS (arrêté du 12 novembre 2020). Le déficit en MCAD est une maladie génétique caractérisée par une difficulté de l’organisme à utiliser les graisses, en particulier en cas de forte fièvre ou de jeûne prolongé. Dans ces situations, un malaise hypoglycémique sévère ou un trouble du rythme cardiaque peuvent survenir, principalement pendant la petite enfance. Pourtant, cette décompensation ­aiguë est parfai­tement évitable en assurant des apports en glucides réguliers – éventuellement par voie intraveineuse si la voie orale n’est pas possible. Un traitement oral par carnitine est parfois associé.

Deuxième étape : le dépistage des maladies génétiques du métabolisme intermédiaire

Dans un second temps et dès 2018, la HAS a coordonné un groupe de travail autour des maladies génétiques du métabolisme intermédiaire, ensemble de maladies rares identifiables par la même technologie et dépistées depuis près de vingt ans en Europe et en Amérique du Nord. L’intérêt de la MS/MS est qu’elle permet de mesurer plusieurs métabolites en une seule fois, rapidement et sur une seule tache de sang. Sept maladies répondaient parfaitement aux critères principaux : histoire naturelle connue avec une période présymptomatique pendant laquelle il est possible d’agir, existence d’un traitement efficace qui, démarré tôt, permet d’améliorer significativement le pronostic de la maladie et, enfin, existence d’un test de dépistage fiable et acceptable. Cette évaluation a conduit à une recommandation de la HAS pour l’extension du DNN en janvier 2020.7

Sept maladies ajoutées au programme national du dépistage néonatal au 1er janvier 2023

Ces sept maladies rares concer-nent des déficits de l’utilisation des acides aminés ou des graisses par les cellules : la tyrosinémie de type 1, la leucinose, l’homocystinurie par déficit en CBS, l’acidurie isovalérique, l’acidurie glutarique de type 1, le déficit en LCHAD (hydroxyacyl-­COA-déshydrogénase des acides gras à chaîne longue) et le déficit primaire en carnitine (arrêté du 9 novembre 2022). Grâce au DNN, les enfants sont pris en charge d’emblée par un centre expert, évitant un retard diagnostique responsable bien souvent de séquelles irréversibles (tableau).
Des informations détaillées sur chacune de ces maladies sont disponibles sur le site internet du CNCDN et sur celui de la HAS ; les protocoles nationaux de diagnostic et de soins (PNDS) et les protocoles d’urgence pour la prise en charge des décompensations aiguës métaboliques sont accessibles sur le site internet de la filière de santé maladies rares G2M.3,8,9

Perspectives de dépistage

Depuis cinquante ans, plus de 37 millions de nouveau-nés ont bénéficié du DNN, permettant près de 30 000 diagnostics et prises en charge précoces dans un centre expert, transformant le pronostic. Le PNMR de 2018 a relancé la dynamique du programme national, permettant de l’ouvrir, en quatre ans, à huit maladies supplémentaires. Actuellement, d’autres maladies sont en cours d’évaluation par des grou­pes d’experts de la HAS, d’autres encore sont étudiées au travers d’études pilotes de dépistage dans une ou plusieurs régions (maladies lysosomales, amyotrophie spinale), enfin certaines ont déjà reçu des recommandations de la HAS (déficits immunitaires combinés sévères, généralisation du dépistage de la drépanocytose), et attendent une feuille de route pour la mise en œuvre effective de leur dépistage.11,12
La récente loi de bioéthique (2 août 2021) a introduit la possibilité de réaliser des tests génétiques en première intention dans le cadre du DNN. Ce changement majeur de la réglementation permettra d’éten­dre rapidement le programme de DNN à de nouvelles maladies génétiques ciblées, comme l’amyotrophie spinale. De nombreuses questions éthiques surviendront certainement quand la possibilité d’un séquençage du génome se posera chez tous les nouveau-nés.
Références
1. Fölling A. Über Ausscheidung von Phenylbrenztraubensäure in dem Harn als Stoffwelchselanomalia in Verbindung mit Imbezillität. Hoppe-Seylers Z PhysiolChem 1934;227:169.
2. Woolf LI, Adams J. The early history of PKU. Int J Neonatal Screen 2020;6(3):59.
3. Quelles sont les maladies recherchées par le dépistage ? Site du Centre national de coordination du programme national de dépistage néonatal. https://depistage-neonatal.fr/les-maladies-depistees/
4. Dépistage néonatal par examens biologiques. Délivrer l’information et recueillir le consentement des parents. Guide pour les professionnels. Haute Autorité de santé (HAS). Avril 2021. https://vu.fr/PCtu
5. Site du Centre national de coordination du programme national de dépistage néonatal. https://depistage-neonatal.fr/
6. Wilson JMG, Jungner G, World Health Organization. Principes et pratique du dépistage des maladies. Organisation mondiale de la santé 1970. https://vu.fr/FGwbU
7. Recommandation de santé publique de la HAS. Évaluation a priori de l’extension du dépistage néonatal à une ou plusieurs erreurs innées du métabolisme par la technique de spectrométrie de masse en tandem en population générale en France (volet 2). Janvier 2020. https://vu.fr/Kgmv
8. Liste des PNDS des maladies héréditaires du métabolisme. Site de la Filière nationale de santé maladies rares héréditaires du métabolisme. https://vu.fr/Ypvr
9. Urgences. Site de la Filière nationale de santé maladies rares héréditaires du métabolisme. https://www.filiere-g2m.fr/urgences
10. Recommandation en santé publique. Évaluation a priori de l’extension du dépistage néonatal au déficit immunitaire combiné sévère par la technique de quantification des TRECs en population générale en France. 7 février 2022.
11. Avis n° 2022.0060/AC/SESPEV du 10 novembre 2022 du collège de la Haute Autorité de santé relatif à la généralisation du dépistage de la drépanocytose en France métropolitaine. https://vu.fr/zwidY

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Résumé

Le Plan national maladies rares de 2018 a relancé la dynamique du dépistage : jusqu’alors, sept maladies (dont la surdité) étaient dépistées ; depuis, sept autres maladies ont été ajoutées au programme, et d’autres ont été recommandées ou sont en cours d’évaluation, ouvrant une nouvelle page dans l’histoire du dépistage néonatal en France.