Le laboratoire Pfizer a annoncé les résultats positifs de son nouveau médicament oral, le Paxlovid, dans le traitement des infections précoces par le SARS-CoV-2. Dans un essai qui a été interrompu plus tôt que prévu en raison de la supériorité du médicament par rapport au placebo, cette molécule, administrée dans les 3 jours après l’apparition des symptômes, a réduit les hospitalisations de 89 % chez les personnes traitées. En effet, d’après le communiqué de Pfizer (le travail n’a pas encore été publié), seulement 3 des 389 personnes traitées ont été infectées par le SARS-CoV-2, soit 0,8 %, versus 27 sur 385, soit 7 %, dans le groupe placebo. Quant au nombre de décès : il serait de 10 sous placebo versus 0 dans le groupe traité. Les résultats étaient similaires dans le groupe ayant commencé le traitement dans les 5 jours suivant le début de l’infection : 1 % d’hospitalisations (6 sur 607) en cas de traitement antiviral, contre 6,7 % sous placebo (41 sur 612). Les participants n’étaient pas vaccinés et avaient au moins une comorbidité qui les exposait à un risque de Covid sévère. Aucun décès n’a été signalé chez les patients ayant reçu le Paxlovid, versus 10 chez ceux ayant eu le placebo.
Qu’est-ce que ce traitement ? Il s’agit de l’association d’un inhibiteur de la protéase virale (enzyme du SARS-CoV-2 impliqué dans la réplication du virus), appelé PF-07321332, et d’un médicament générique utilisé contre le VIH depuis plusieurs décennies, le ritonavir, qui a été ajouté pour augmenter l’efficacité de l’inhibiteur de protéase (sous forme de comprimé, ce dernier était métabolisé trop rapidement).
L’annonce de Pfizer fait suite à celle de Merck : sa pilule antivirale, le molnupiravir (Lagevrio), a été déjà approuvée au Royaume-Uni chez les personnes atteintes de Covid léger ou modéré et ayant au moins un facteur de risque de développer une forme grave. Le vendredi 19 novembre, l’EMA a émis un avis favorable à son utilisation avant une analyse plus complète du dossier préalable à une éventuelle AMM. Toutefois, si dans la foulée Olivier Véran avait annoncé que le médicament serait mis à disposition en France à partir de début décembre, la HAS a ensuite donné un avis défavorable à son autorisation en accès précoce, en raison principalement du manque de robustesse de l’étude évaluant son efficacité. En effet, alors que les résultats intermédiaires d’un essai mené sur 775 personnes (non publié) suggéraient que le molnupiravir (800 mg 2 fois/j pendant 5 jours) était capable de réduire de moitié les risques d’hospitalisation et de décès, les résultats finaux communiqués par Merck fin novembre (non encore publiés) affichaient de moins bons résultats : selon les premières données, le taux d’hospitalisation pour Covid était de 7,3 % chez les patients ayant reçu le médicament dans les 5 jours après l’apparition des symptômes versus 14,1 % chez les sujets ayant reçu le placebo (aucun décès n’a été constaté sous molnupiravir, contre 8 sous placebo), mais les données finales (sur 1 433 participants) ont montré une réduction de 30 %, et non plus de 50 %, des risques d’hospitalisation et de décès. Certains ont suggéré que cette baisse pourrait être due à un manque d’efficacité du molnupiravir chez les personnes déjà séropositives pour le SARS-CoV-2 (par la vaccination ou une infection préalable), ou bien à une moindre efficacité de la molécule contre le variant delta.
Son mécanisme d’action est très différent de celui de l’inhibiteur de protéase de Pfizer. C’est un analogue de ribonucléoside : la bêta-D-N-hydroxycytidine (NHC) se substitue à la cytidine naturellement utilisée par l’ARN polymérase pour la synthèse d’ARN ; cette substitution engendre des « erreurs de copie », donc des mutations, délétères à la réplication du virus.
« Il y a un doute sur le fait que ce médicament pourrait provoquer des mutations également chez l’hôte (l’homme) », nous explique le Pr Yazdan Yazdanpanah, chef du service des maladies infectieuses à l’hôpital Bichat : « Il faut donc rester prudent ». Selon l’avis de l'EMA, il n’est pas recommandé pendant la grossesse ni chez les femmes susceptibles de tomber enceintes sous traitement (une contraception efficace doit être prise pendant le traitement et pendant les 4 jours suivant son arrêt). Aux États-Unis, la Food and Drug Administration a précisé que les enfants ne seraient pas éligibles non plus (le comité consultatif dédié, réuni le 30 novembre, a voté de justesse – 13 voix contre 10 – pour recommander son autorisation en urgence, mais celle-ci n’a pas encore été délivrée).
Bien que ces traitements n’aient pas vocation à remplacer les vaccins, première ligne de défense contre la pandémie, selon de nombreux scientifiques les combinaisons de médicaments complémentaires peuvent être la clé du traitement précoce du Covid, comme c’est le cas pour le VIH et l’hépatite C.
« On avait déjà des résultats similaires avec une autre classe de molécules, les anticorps monoclonaux, mais ces traitements doivent être administrés en IV, à l’hôpital, alors que les nouveaux médicaments oraux pourront, si approuvés par les autorités sanitaires, être utilisés en ambulatoire », précise le Pr Yazdanpanah.
Par ailleurs, des essais sont en cours pour en évaluer l’efficacité et l’innocuité de ces 2 molécules en prophylaxie post-exposition, chez des sujets habitant dans le même foyer d’une personne testée positive pour le SARS-CoV-2.
Nous attendons donc avec impatience la publication des résultats d’efficacité et de sécurité des études…
Cinzia Nobile, La Revue du Praticien
Pour en savoir plus :
Couzin-Frankel J. Pfizer antiviral slashes COVID-19 hospitalizations. Science 5 novembre 2021.
Pfizer. Pfizer’s novel Covid-19 oral antiviral treatment candidate reduced risk of hospitalization or death by 89% in interim analysis of phase 2/3 EPIC-HR study. 5 novembre 2021.