Quels produits ?
Cinq types de produits sont concernés, commercialisés comme des « alternatives moins nocives » à la cigarette, dans le but principal de recruter de nouveaux consommateurs, surtout chez les jeunes (bien que la vente de produits du tabac soit interdite aux mineurs…) :
- Le tabac à chauffer, lancé sur le marché français en 2017, fait partie des nouveaux produits du tabac encadrés par la directive 2014/40/UE. Il s’agit de bâtonnets de tabac à insérer dans un dispositif électronique de chauffage en vue de produire un aérosol inhalable (sans combustion, mais pas pour autant dénué de nocivité). En raison d’une augmentation notable du volume de ses ventes, la règlementation a été renforcée en mars 2023.
- Le tabac à mâcher (tabac à chiquer ou chique), également réglementé par la directive 2014/40/UE comme un produit du tabac sans combustion.
- Le snus, tabac à usage oral sous la forme d’un sachet de tabac à glisser entre la lèvre et la gencive, est interdit partout en Europe selon la directive 2014/40/UE, sauf en Suède.
- Les sachets de nicotine sans tabac à usage oral (nicotine pouches ou nicopods), utilisés comme le snus entre la lèvre et la gencive pour une diffusion transmuqueuse, ne sont encadrés par aucune règlementation en France.
- Les billes aromatiques destinées à être insérées dans le filtre des cigarettes pour modifier l’arôme de la fumée, nées pour contourner l’interdiction des arômes dans les produits du tabac en vigueur depuis quelques années.
Augmentation des intoxications potentiellement graves
Entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2022, les appels aux Centres antipoison après une consommation volontaire ou accidentelle de ces produits ont considérablement augmenté : 295 au total, notamment pour les billes aromatiques (138), le tabac à chiquer (98) et les sachets de nicotine ou snus, bien que ces derniers soient interdits (47) [v. figure]. Ces chiffres peuvent être sous-estimés car toutes les intoxications ne font pas l’objet d’un appel aux Centres antipoison pour avis médical.
La majorité des personnes concernées (83,8 %) étaient des mineurs :
- Les intoxications au tabac à chauffer ou à mâcher concernaient surtout des nourrissons et jeunes enfants (ingestions accidentelles) ; les cas symptomatiques (79) étaient de gravité faible à moyenne avec les signes cliniques d’un syndrome nicotinique (tachycardie, palpitations, sensation de malaise, nausées, vomissements, pâleur, vertiges, tremblements), certains nécessitant une prise en charge hospitalière (vomissements prolongés avec risque de déshydratation, convulsions, troubles de la conscience ou hypotonie).
- L’exposition au snus ou à des sachetsde nicotine concernait surtout des adolescents (12 à 17 ans), avec une consommation intentionnelle, pour beaucoup dans un établissement scolaire ; 31 patients ont eu un syndrome nicotinique de gravité faible et 11 de gravité sévère.
- Pour les billes aromatiques, les trois quarts des exposés étaient des enfants (surtout de 1 à 3 ans) ; le reste, des adultes jusqu’à 54 ans. Il s’agissait toujours d’ingestions accidentelles (confusion avec des bonbons ou aspiration de la bille mal insérée dans le filtre). Moins d’un tiers des cas étaient symptomatiques, avec des signes cliniques majoritairement de gravité faible (douleurs abdominales ou gastriques, nausées, symptômes oculaires en raison de projections issues de l’éclatement d’une bille).
Mieux réguler et contrôler la vente de ces produits
L’Anses rappelle l’importance de ne pas laisser ces produits à la portée des enfants, mais met surtout l’accent sur le caractère préoccupant de la consommation de sachets de tabac et de nicotine chez les adolescents. En effet, son augmentation – et celle des intoxications liées – a aussi été signalée dans d’autres pays européens (Finlande, République tchèque).
Outre les syndromes nicotiniques aigus qu’elle peut occasionner, elle expose au développement d’une dépendance à moyen et long terme. Si les sachets de snus sont interdits, ceux de nicotine ne sont pas soumis aux dispositions relatives aux produits connexes du tabac, ce qui favorise l’absence de contrôle. De plus, ces produits font l’objet d’une publicité importante sur les réseaux sociaux ciblant les jeunes consommateurs.
L’agence appelle donc à la mise en place d’un cadre juridique européen pour ces produits, qui permettrait d’harmoniser les réglementations afin de contrecarrer leur diffusion. Par exemple, ils pourraient relever du règlement « CLP » n° 1272/2008 du Parlement européen relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances chimiques et des mélanges, en tant que mélange dangereux contenant de la nicotine. Ceci impliquerait l’étiquetage réglementaire avec les pictogrammes de danger, les mentions d’avertissement et la sécurisation des emballages, ainsi qu’une limitation des concentrations en nicotine par sachet voire l’interdiction de vente aux mineurs.
En France, une proposition de loi a été déposée en juin 2023 afin d’interdire les produits à usage oral sans tabac constitués de nicotine, incluant les sachets de nicotine.
Le 4 décembre 2023, l’Assemblée nationale a par ailleurs adopté, en première lecture et à l’unanimité, une proposition de loi visant à interdire les « puff » (cigarettes électroniques à usage unique, très prisées du jeune public).
À lire aussi :
Martinet Y, Béguinot E, Diethelm P, et al. Industrie de la nicotine : réduction des risques, un objectif exclusivement financier. Rev Prat 2021 ;71(1) ;27 - 32.
Nobile C. Entretien avec le Pr Yves Martinet. Tabac chauffé : la nouvelle arme de l’industrie du tabac ? Rev Prat (en ligne) 5 février 2021.