Le développement de nouveaux tests sanguins visant à dépister les cancers au stade précoce suscite de grands espoirs et fait couler beaucoup d’encre. Mais où en sommes-nous aujourd’hui ? Quels sont les tests déjà utilisés couramment, lesquels le seront dans les prochaines années ? Dans quels types de cancers ? Entretien avec le Dr Fabrice André (oncologue à l’Institut Gustave Roussy) pour faire le point.

Tests sanguins pour détecter les cancers : où en est-on ?

Aujourd’hui, il y a différents types de tests sanguins à l’étude en cancérologie. Certains ont pour objectif de détecter précocement des cancers aux stades localisés dans la population générale asymptomatique, via la mise en évidence de l’ADN tumoral circulant. Le principe est le suivant : certaines mutations, et en particulier certaines combinaisons de méthylations, permettent de définir un « profil » qui correspond à l’ADN de la tumeur. Le test le plus avancé dans ce domaine est Galleri : il s’agit d’un test multicancers qui serait capable, selon les études cliniques publiées, de détecter une cinquantaine de tumeurs, soit environ 30 - 40 % de l’ensemble des cancers localisés de stade faible. Bien que sa sensibilité soit hétérogène selon le type de tumeur, pour certains cancers, comme celui du pancréas au stade localisé, elle serait très bonne. Ce serait donc un progrès majeur dans la détection de ce cancer qui est aujourd’hui diagnostiqué trop tardivement et pour lequel il n’y a pas de programme de dépistage.

Ce test sera-t-il utilisé dans la pratique prochainement ?

Nous attendons sous peu les résultats d’une grande étude comparative randomisée réalisée en Angleterre, étudiant la réduction de la mortalité associée. Actuellement, le problème pour ce test reste le grand nombre de faux positifs, que les chercheurs essayent de réduire avec la mise au point d’un test complémentaire…

Quelles autres applications des tests sanguins en cancérologie ?

Une 2e application, c’est la détection de ce qu’on appelle la maladie résiduelle, chez des patients traités pour un cancer localisé, pour évaluer la probabilité de rechute de façon beaucoup plus fine qu’avec l’imagerie ou la clinique. Ainsi, la détection d’ADN tumoral circulant après traitement, par PCR ou par séquençage à haut débit, indique un risque de rechute extrêmement important. Si le résultat du test est positif, on peut donc envisager d’ajouter d’autres traitements pour prévenir la récidive. A contrario, en cas de résultat négatif, on peut discuter d’une désescalade thérapeutique, c’est-à-dire la diminution du nombre de traitements. Pour cette application, les meilleurs niveaux de preuves concernent le cancer du côlon localisé ; une étude australienne a montré par exemple que, en l’absence de détection d’ADN circulant après la chirurgie, la chimiothérapie adjuvante n’est pas nécessaire.

De la même manière que la maladie résiduelle, le suivi après cancer fondé sur l’ADN tumoral circulant permet d’identifier précocement les rechutes. Des chercheurs russes auraient détecté de l’ADN tumoral circulant environ un an avant l’apparition des symptômes ou des signes à l’imagerie. Cependant, il n’y pas vraiment encore de preuves solides sur l’efficacité de cette approche. En France, des études sont en cours, notamment dans le cancer du sein.

Quelle place des tests dans la prise en charge thérapeutique ?

Certains tests permettent aujourd’hui, chez des patients au stade métastatique, d’identifier le profil génomique du cancer grâce à l’ADN tumoral circulant. L’objectif est d’adapter au cas par cas les traitements, et notamment les thérapies ciblées et l’immunothérapie. En effet, le test sanguin est un procédé bien moins invasif qu’une biopsie, et réalisable plus souvent tout au long du suivi. Ce type d’approche est déjà pratiqué couramment en oncologie, et un grand projet a démarré récemment à l’Institut Gustave Roussy, en collaboration avec une compagnie américaine, la Foundation Medicine. Plusieurs dizaines de milliers de patients ayant un cancer métastatique pourront en bénéficier (encadré ci-dessous).

Encadre

 Analyse génomique par biopsie liquide à Gustave Roussy

L’Institut Gustave Roussy et la Foundation Medicine ont mis en place un partenariat pour étendre l’analyse génomique par biopsie liquide à un grand nombre de patients atteints de cancer en France. Le test utilisé (FoundationOne Liquid CDx) est capable d’analyser 324 gènes en utilisant l’ADN acellulaire circulant et est approuvé par l’Union européenne et la Food and Drug Administration pour signaler des variants courts dans 311 gènes et identifier les patients qui pourraient bénéficier d’un traitement par des thérapies ciblées spécifiques.