Concernant la validation scientifique du Nutri-Score
Deux études réalisées dans le cadre de la cohorte européenne EPIC (plus de 500 000 participants dans 10 pays européens suivis pendant plus de 15 ans) sont venues confirmer, sur une très large population européenne, les résultats des études antérieures développées en France dans le cadre des cohortes SU.VI.MAX et NutriNet-Santé,6-11 au Royaume-Uni (Whitehall II12 et EPIC-Norfolk13) et en Espagne (cohorte SUN14).
La première étude publiée en 2018 dans PLOS Medicine15 a recherché des associations entre le score qui sous-tend le Nutri-Score appliqué aux aliments consommés au niveau individuel et le risque de cancer. Au cours du suivi (15 ans), 49 794 cas de cancers ont été diagnostiqués et validés (dont 12 063 cancers du sein ; 6 745 de la prostate ; 5 806 du côlon ou du rectum). Les participants consommant en moyenne plus d’aliments avec un score individuel correspondant à la consommation d’aliments moins bien classés sur l’échelle du Nutri-Score avaient un risque accru de 7 % de développer un cancer (5e vs 1er quintile de score). Ce risque accru était plus spécifiquement observé pour les cancers du côlon et du rectum, des voies aérodigestives supérieures et de l’estomac, du poumon chez les hommes, du foie et du sein (post-ménopause) chez les femmes.
La deuxième étude (publiée en 2020 dans le British Medical Journal)16 visait à rechercher des associations entre le score de qualité nutritionnelle qui sous-tend le logo Nutri-Score des aliments consommés et la mortalité par maladies chroniques (
Au total, si chacun des éléments nutritionnels pris en compte dans le calcul du Nutri-Score a une justification scientifique solide, l’agrégation de ces composantes au sein de l’algorithme global de son calcul est donc en plus fortement validée dans des études de cohorte. Cette validation constitue un argument important en faveur de la pertinence et de la fiabilité de cet algorithme en termes de choix des éléments incorporés dans son calcul et d’allocation des points aux éléments constitutifs. Cette validation de l’algorithme est d’autant plus importante qu’elle complète les nombreuses études17-25 qui ont démontré que le format graphique du Nutri-Score était particulièrement bien perçu et bien compris par les consommateurs et avait un rôle favorable sur le profil nutritionnel des achats alimentaires (notamment pour les populations les plus défavorisées). Une étude de modélisation reposant sur l’effet du Nutri-Score sur la qualité nutritionnelle des paniers d’achat observé expérimentalement a également permis d’estimer l’impact attendu sur la mortalité chronique : l’apposition du Nutri-Score sur l’ensemble des aliments pourrait réduire la mortalité par maladie chronique de 3,4 % grâce à la modification des consommations alimentaires liée à l’effet de ce logo.26
Concernant le déploiement en France
Parallèlement, comme annoncé dans le cadre du 4e Plan national nutrition santé (PNNS4), un élargissement du Nutri-Score est en cours de mise en place en France pour les produits bruts vendus en vrac et pour la restauration collective. Et des discussions dans le cadre de la transposition de la directive européenne sur les services de médias audiovisuels (SMA) ont actuellement lieu au niveau politique pour réguler la publicité et le marketing destiné aux enfants en s’appuyant sur le Nutri-Score. Mais les lobbys de l’agroalimentaire et les médias audiovisuels se mobilisent28 pour essayer de bloquer cette proposition pourtant soutenue par le Haut Conseil de la santé publique (HCSP), la Cour des comptes, Santé publique France et la Convention pour le climat.
Concernant la réaction des consommateurs
Concernant son déploiement en Europe
Il est indéniable qu’au cours des trois dernières années nous avons assisté à une réelle montée en puissance du Nutri-Score tant en France que dans plusieurs pays européens. De plus en plus d’industriels et de distributeurs se sont engagés à afficher le Nutri-Score, qui fait l’objet d’une forte adhésion des consommateurs. Malgré cette évolution positive, pour une efficience maximale du Nutri-Score en termes de santé publique, il est indispensable qu’il soit affiché sur l’ensemble des produits alimentaires. Compte tenu de la réticence de certains opérateurs économiques qui résistent toujours à jouer le jeu de la transparence nutritionnelle auprès des citoyens, il faut que le Nutri-Score devienne le logo harmonisé obligatoire en Europe en 2022, date prévue dans le cadre de la stratégie « Farm to fork ». En attendant la décision de la Communauté européenne, il faut maintenir une pression forte de l’ensemble des acteurs concernés pour pousser les industriels à répondre à la demande sociétale en affichant le Nutri-Score sur les aliments qu’ils produisent ou distribuent.
Mais dès à présent, compte tenu de la montée en puissance du Nutri-Score en France et de son déploiement actuel, les professionnels de santé, notamment les médecins, peuvent utiliser cet outil dans le cadre de la prise en charge nutritionnelle de leurs patients pour les aider à améliorer la qualité nutritionnelle de leurs achats. Un conseil simple à donner est, à côté du rappel des recommandations nutritionnelles officielles, d’inciter les patients à choisir les aliments les mieux classés sur l’échelle du Nutri-Score dans la catégorie d’achat ou selon la marque ; et pour les aliments classés D ou E, s’ils sont choisis, de limiter la quantité et la fréquence de consommation. Et si le Nutri-Score n’est pas affiché sur les emballages, ils peuvent utiliser l’application Open Food Facts (https://fr.openfoodfacts.org/), une application indépendante et purement factuelle qui permet, en scannant le code-barres des aliments, d’avoir accès à leur Nutri-Score (calculé selon la méthode officielle).
La bataille du nutri-score dans
Pour rendre obligatoire le Nutri-Score en Europe : signez et faites signer !
Serge Hercberg. Rev Prat 2019;69:1047.
Comment essayer de décrédibiliser un outil de santé publique qui dérange ?
Serge Hercberg, Pilar Galan, Manon Egnell, Chantal Julia. Rev Prat 2019;69:489-95.
Nutri-Score : vers une victoire de la santé publique ?
Serge Hercberg, Pilar Galan, Chantal Julia. Rev Prat 2019;69:133-4.
Nutri-Score : des multinationales s’opposent encore aux évidences scientifiques
Serge Hercberg. Rev Prat 2018;68:3.
Importance de l’étiquetage nutritionnel des aliments
Chantal Julia, Serge Hercberg. Rev Prat 2017;67:611-4.
La bataille de l’étiquetage nutritionnel
Serge Hercberg, Chantal Julia. Rev Prat 2016;66:943-8.
Pourquoi un logo sur la qualité nutritionnelle des aliments ?
Serge Hercberg. Rev Prat 2015;65:454-6.
Association entre le système de profilage nutritionnel des aliments qui sous-tend l’étiquetage nutritionnel Nutri-Score et la mortalité : étude de cohorte EPIC dans 10 pays européens
Objectif. Déterminer si le système de profilage nutritionnel (FSAm-NPS), mis au point par l’Agence de sécurité alimentaire britannique pour classer la qualité nutritionnelle des aliments et qui sert de base au calcul du logo nutritionnel Nutri-Score pour guider les consommateurs vers des choix alimentaires plus sains, est associé à la mortalité.
Type d’étude. Étude de cohorte basée sur une population.
Cadre. Étude de cohorte multicentrique dans l’Étude européenne prospective d’investigation sur le cancer et la nutrition (EPIC), 23 centres dans 10 pays européens.
Participants. 521 324 adultes ; lors du recrutement, des questionnaires alimentaires spécifiques à chaque pays, validés, ont été utilisés pour évaluer leurs apports alimentaires habituels. Le score FSAm-NPS a été calculé pour chaque produit alimentaire à partir du contenu en énergie, sucres, acides gras saturés, sodium, fibres et protéines, et en fruits, légumes et noix pour 100 g d’aliments. L’indice nutritionnel FSAm-NPS a été calculé pour chaque participant comme la moyenne pondérée par l’énergie du score FSAm-NPS de tous les produits consommés. Ainsi, plus l’indice est élevé, plus la qualité nutritionnelle globale du régime alimentaire est faible.
Résultats principaux mesurés. Les associations entre l’indice FSAm-NPS et la mortalité, évaluées à l’aide de modèles de régression des risques proportionnels de Cox ajustés de façon multivariée.
Résultats. Après exclusion, 501 594 adultes (suivi médian de 17,2 ans, 8 162 730 personnes-années) ont été inclus dans les analyses. Les sujets qui avaient les indices FSAm-NPS les plus élevés (quintile supérieur vs quintile inférieur) ont montré un risque accru de mortalité toutes causes confondues (n = 53 112 événements hors causes externes ; hazard ratio : 1,07 ; intervalle de confiance à 95 % : 1,03-1,10 ; p < 0,001), de mortalité par cancer (1,08 ; 1,03-1,13 ; p < 0,001) et des maladies du système circulatoire (1,04 ; 0,98-1,11 ; p = 0,06), respiratoire (1,39 ; 1,22-1,59 ; p < 0,001) et digestif (1,22 ; 1,02-1,45 ; p = 0,03).
Les taux absolus, standardisés par âge, pour la mortalité toutes causes confondues pour 10 000 personnes après 10 ans, étaient de 760 (hommes = 1 237 ; femmes = 563) pour les sujets se situant dans le quintile supérieur de l’indice FSAm-NPS et de 661 (hommes = 1 008 ; femmes = 518) pour les sujets se situant dans le quintile inférieur.
Conclusion. Dans cette grande cohorte multinationale européenne, la consommation d’aliments ayant un score FSAm-NPS plus élevé (correspondant à une qualité nutritionnelle inférieure) était associée à une mortalité plus élevée toutes causes confondues et pour le cancer et les maladies des systèmes circulatoire, respiratoire et digestif, ce qui confirme la pertinence du FSAm-NPS pour caractériser des choix alimentaires plus sains dans le contexte des politiques publiques de santé en Europe (par exemple, le Nutri-Score). Ce résultat est important, compte tenu des discussions en cours sur la mise en œuvre potentielle d’un système d’étiquetage nutritionnel unique au niveau de l’Union européenne.
2. Julia C, Hercberg S. Research and lobbying conflicting on the issue of a front-of-pack nutrition labelling in France. Arch Public Health 2016 Nov 28;74:51.
3. Mialon M, Julia C, Hercberg S. The policy dystopia model adapted to the food industry: the example of the Nutri-Score saga in France. World Nutrition 2018;9: 109-20.
4. Julia C, Hercberg S. Big Food’s opposition to the french Nutri-Score front-of-pack labeling warrants a global reaction. Am J Public Health 2018;108:318-20.
5. Ministère des Solidarités et de la Santé. https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/nutrition/article/articles-scientifiques-et-documents-publies-relatifs-au-nutri-score
6. Adriouch S, Julia C, Kesse-Guyot E, et al. Association between a dietary quality index based on the food standard agency nutrient profiling system and cardiovascular disease risk among French adults. Int J Cardiol 2017;234:22-7.
7. Adriouch S, Julia C, Kesse-Guyot E, et al. Prospective association between a dietary quality index based on a nutrient profiling system and cardiovascular disease risk. Eur J Prev Cardiol 2016;23:1669-76.
8. Julia C, Fézeu LK, Ducrot P, et al. The nutrient profile of foods consumed using the british food standards agency nutrient profiling system is associated with metabolic syndrome in the SU.VI.MAX Cohort. J Nutr 2015;145:2355-61.
9. Donnenfeld M, Julia C, Kesse-Guyot E, et al. Prospective association between cancer risk and an individual dietary index based on the British Food Standards Agency Nutrient Profiling System. Br J Nutr 2015;114:1702-10.
10. Deschasaux M, Julia C, Kesse-Guyot E, et al. Are self-reported unhealthy food choices associated with an increased risk of breast cancer? Prospective cohort study using the British Food Standards Agency nutrient profiling system. BMJ Open 2017;7:e013718.
11. Julia C, Ducrot P, Lassale C, et al. Prospective associations between a dietary index based on the British Food Standard Agency nutrient profiling system and 13-year weight gain in the SU.VI.MAX cohort. Prev Med 2015;81:189-94.
12. Masset G, Scarborough P, Rayner M, Mishra G, Brunner EJ. Can nutrient profiling help to identify foods which diet variety should be encouraged? Results from the Whitehall II cohort. Br J Nutr 2015;113:1800-9.
13. Mytton OT, Forouhi NG, Scarborough P, et al. Association between intake of less-healthy foods defined by the United Kingdom's nutrient profile model and cardiovascular disease: a population-based cohort study. PLoS Med 2018;15:e1002484.
14. Gómez-Donoso C, Martínez-González MÁ, Perez-Cornago A, Sayón-Orea C, Martínez JA, Bes-Rastrollo M. Association between the nutrient profile system underpinning the Nutri-Score front-of-pack nutrition label and mortality in the SUN Project : a prospective cohort study. Clin Nutr 2020:S0261-5614(20)30359-9.
15. Deschasaux M, Huybrechts I, Murphy N, et al. Nutritional quality of food as represented by the FSAm-NPS nutrient profiling system underlying the Nutri-Score label and cancer risk in Europe: Results from the EPIC prospective cohort study. PLoS Med 2018;15:e1002651.
16. Deschasaux M, Huybrechts I, Julia C, et al. Association between nutritional profiles of foods underlying Nutri-Score front-of-pack labels and mortality: EPIC cohort study in 10 European countries. BMJ 2020;370:m3173.
17. Ducrot P, Mejean C, Julia C, Kesse-Guyot E, Touvier M, Fezeu L, et al. Effectiveness of front-of-pack nutrition labels in french adults: results from the NutriNet-Sante cohort study. PLoSOne 2015;10:e0140898.
18. Ducrot P, Mejean C, Julia C, et al. Objective understanding of front-of-package nutrition labels among nutritionally at-risk individuals. Nutrients 2015;7:7106‑25.
19. Ducrot P, Julia C, Mejean C, et al. Impact of different front-of-pack nutrition labels on consumer purchasing intentions: a randomized controlled trial. Am J Prev Med 2016;50:627‑36.
20. Julia C, Blanchet O, Mejean C, et al. Impact of the front-of-pack 5-colour nutrition label (5-CNL) on the nutritional quality of purchases: an experimental study. Int J Behav Nutr Phys Act 2016;13:101.
21. Dubois P, Albuquerque P, Allais O, et al. Effects of front-of-pack labels on the nutritional quality of supermarket food purchases : evidence from a large-scale randomized controlled trial. J Acad Market Sci 2021;49:119-38.
22. Crosetto P, Lacroix A, Muller L, Ruffieux B. Nutritional and economic impact of five alternative front-of-pack nutritional label : experimental evidence. Eur Rev Agric Economics 2020;47:785-818,
23. Egnell M, Talati Z, Hercberg S, Pettigrew S, Julia C. Objective understanding of front-of-package nutrition labels: an international comparative experimental study across 12 countries. Nutrients 2018;10:1542.
24. Egnell P, Ducrot M, Touvier B, et al. Objective understanding of Nutri-Score front-of-package nutrition label according to individual characteristics of subjects: Comparisons with other format labels. PLoS ONE 2018;23:e0202095.
25. Egnell M, Boutron I, Péneau S, et al. Front-of-pack labeling and the nutritional quality of students’ food purchases: a 3-arm randomized controlled trial. Am J Public Health 2019;109:1122-9.
26. Egnell, M, Crosetto P, d’Almeida T, et al. Modelling the impact of different front-of-package nutrition labels on mortality from non-communicable chronic disease. Int J Behav Nutr Phys Act 2019;16:56.
27. Santé publique France. Nutriscore. https://www.santepubliquefrance.fr/determinants-de-sante/nutrition-et-activite-physique/articles/nutri-score
28. Que choisir. Marketing alimentaire. La publicité contre-attaque. www.quechoisir.org ou http://bit.ly/3jeewCn
29. Sarda B, Julia C, Serry AJ, Ducrot P. Appropriation of the front-of-pack nutrition label nutri-score across the french population: evolution of awareness, support, and purchasing behaviors between 2018 and 2019. Nutrients 2020;12:2887.